Au Big Lebowski, payez ce qu’il vous plaît
A quelques mètres de la station de métro de Jiriho z Podebrad se trouve un bar, dont on peine à distinguer l’entrée. A l’intérieur pourtant, les amateurs du film et de la bière se réunissent tous les soirs dans la bonne humeur. Un bar éclectique et international, dont nous avons testé le concept et les soirées francophones.
„L’endroit existe depuis très longtemps, donc il y a eu plein de choses: un café au départ, un café internet à un moment, une vinarna où les gens vendaient du vin… Ca tournait plus ou moins bien, et en fait quelqu’un l’a repris en 2010, qui s’appelait Leboswki, il était grand, et donc quand il l’a repris il a appelé le bar le Big Lebowski“.
« Trafika » ou buraliste le jour, petit bar la nuit, le Big Lebowski rassemble depuis 2010 une clientèle tchèque et internationale. Derrière une grille qui s’ouvre en début de soirée, beaucoup d’affiches du film des frères Cohen, pas de tapis mais de la moquette, et surtout une ambiance chaleureuse dans la mezzanine qui surplombe le comptoir. A l'intérieur, les clients boivent des bières, mais aussi souvent des White Russians, un cocktail rendu célèbre par le film. Depuis quelques mois, Fabrice Contrel organise des soirées francophones, l’occasion pour nous de rencontrer des habitués du lieu comme Alix, qui vient régulièrement ici et nous explique le concept original du bar :
„Il y a une politique de prix qui est assez amusante, en fait c’est à la tête du taulier, on paye ce qu’on veut pour les consommations qu’on prend. Au début ça surprend un peu mais on se prend vite au jeu et l’ambiance fait qu’on est très vite à la bonne franquette, à payer des coule aux autres sans savoir combien ça va nous coûter…“Si ce système alternatif des prix fait désormais des émules, par exemple en France, où des endroits comme l’Anti-café, à Paris, proposent une tarification à l’heure et non pas à la consommation, le principe de prix libre reste une expérience quasi-inédite en République tchèque. Pour Fabrice Contrel, il s’agit d’un système économique viable, car les revenus issus des mauvais payeurs sont compensés par ceux qui payent plus pour une même consommation. Une philosophie qui attire de nombreux clients, curieux de voir le fonctionnement du bar. Le patron du Big Lebowski développe :
"En République Tchèque il semblerait qu’il y ait un autre bar, quelque part dans les montagnes, je ne sais pas où, dans une sorte de refuge où justement les gens peuvent aussi payer ce qu’ils veulent, donc il y a eux et nous. Des fois je reçois des mails de gens qui veulent comprendre comment ça marche, et ils me disent que les tchèques ne payent pas beaucoup, que ça ne peut pas marcher en République tchèque parce que les tchèques sont radins. Parfois ce sont même des tchèques qui me disent ça ! Mais c’est complètement faux.“
Le montant versé pour une bière dépend plus ou moins du niveau de vie auquel sont habitués les clients, mais le patron du bar met un point d’honneur à expliquer qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais payeurs en fonction des nationalités. Ici, très peu de clients viennent dans l’intention d’épargner de l’argent ; beaucoup nous expliquent qu’ils apprécient le principe, pas le fait de pouvoir en profiter. C’est là toute la dimension philosophique du bar, qui prouve qu’un système de prix libre peut à la fois être rentable et inciter à la discussion et à l'échange. Une initiative de la sorte avait été lancée dans le New Jersey en 2011, dans un restaurant qui tentait de recréer une communauté solidaire, selon les termes du patron. A Prague, le Big Lebowski se prépare à changer de locaux avant la fin d'année, reste à voir si le concept et la nouvelle adresse feront bon ménage.