Kathleen Caillier : « Il faut être vraiment amoureux de ce que l’on peint »
Artiste-peintre américaine aux racines françaises, Kathleen Caillier est installée à Prague depuis deux ans. Elle a vécu et exposé ses peintures à plusieurs endroits du monde, à commencer par le Japon ou l’Israël, et a de ce fait cultivé une fascination pour les richesses de la nature et de la culture, fascination qu’elle a métamorphosée dans ses tableaux. Jusqu’au samedi 29 juin à la galerie A&A dans le quartier d’Újezd à Prague, le public peut admirer non seulement les œuvres de Kathleen Caillier accompagnées de ses poèmes, mais aussi la peintre elle-même. Car c’est lors de sa première exposition au Japon en 1994 qu’elle a découvert le mot « kakimasu », un seul mot possédant deux sens : peindre et écrire. Confortée dans son expression grâce à cette découverte, Kathleen Caillier peint depuis pendant ses expositions. Comme elle l’évoque elle-même : « peindre est une poésie en couleurs, et un poème est une peinture en mots ». Rencontre avec Kathleen Caillier.
« J’ai plusieurs titres que j’utilise assez souvent. ‘Vagabondages’, c’est parce que je me sens, un peu comme disait Montaigne, un ‘citoyen du monde’. Ma façon de voyager, c’est de rester quelques années dans un pays, pour découvrir le plus possible ce pays et ses pays voisins. En tant que peintre, il me faut du temps pour saisir le lieu : c’est avec les premiers six mois que je peux m’imprégner du lieu, tout en pouvant peindre autre chose. Mais il me faut au moins un an pour que les paysages me remplissent et essaient de sortir de moi de leur façon. »
Comment est née la passion de peindre, et par la suite la vocation de peindre ?
« Nous étions quatre enfants dans la famille et nous peignions tous. C’est ma mère qui s’est rendue compte que je peignais peut-être un peu plus que les autres. Elle a demandé à quelqu’un au département d’arts de l’université (l’Université de l’État de Louisiane, aux Etats-Unis, ndlr) pas loin de chez nous, ce qu’il était possible de donner à une enfant de 8 ans qui peint tout le temps, et qui puisse l’aider à se développer. Elle a eu des conseils sur la peinture à l’huile, et ce non pas sur comment la travailler, mais où la travailler : à l’air libre à cause de la térébenthine, qui était nocive pour le cerveau. Donc, elle m’a acheté un nécessaire à Noel, et je me suis mise à peindre dehors dans le jardin, à l’aide des motifs qui m’entouraient. Donc, mes premières peintures ont été à l’air libre. Je continue de peindre à l’air libre bien sûr, mais souvent je dois passer très vite dans des endroits, alors je photographie ce que je voudrais peindre éventuellement, et plus tard dans l’atelier, je le peins. »La technique que vous utilisez est le pointillisme, propre aux impressionnistes. Pourquoi cette technique ?
« Il est vrai qu’à l’exposition vous verrez plus de tableaux avec cette technique. Ce n’est pas la seule technique que j’utilise, mais c’est une technique qui m’est venue quand j’étudiais aux Beaux-Arts à Tours. Pendant un cours de dessin, le professeur nous avait demandé de montrer, avec très peu de moyens, le mouvement dans trois tableaux, trois feuilles de papier. J’ai pris mon crayon et j’ai montré le mouvement du vent. Il était interloqué, il s’est arrêté de parler pendant quelques secondes, puis il a fini par me dire : ‘Oui, c’est intéressant mademoiselle, mais je ne vous conseille pas de poursuivre dans cette direction, parce que le pointillisme n’a jamais été un vrai mouvement.’ Je n’ai pas suivi ses conseils, mais je n’ai pas continué à ce moment-là non plus. De temps à autre, le pointillisme se retrouvait sous mon pinceau, comme d’autres techniques qui me sont propres. »Et pourquoi, selon votre ancien professeur, le pointillisme n’était pas un vrai courant ?
« C’était un courant, mais ce n’était pas vraiment un courant qui conduisait vers autre chose. Je ne peux pas vraiment expliquer ce que le professeur voulait dire par cela. Mais les pointillistes les plus connus de l’époque étaient Camille Pissarro, Paul Signac, Georges Seurat et Henri-Edmond Cross. Avec le temps, je trouve d’autres peintres impressionnistes venus d’autres pays, et c’est vrai que l’on a une gamme étendue de peintres impressionnistes de tous les pays, qu’ils soient passés par la France ou non. Pour moi, faire du pointillisme n’était pas un but en soi, c’était tout simplement laisser sortir ce qui voulait sortir. »
Nous sommes à Prague actuellement, mais nous pouvons voir que sur vos tableaux il n’y pas seulement Prague, mais aussi Paris par exemple, étant donné que vous avez exposé dans différentes villes, dans différents pays du monde ; on peut citer le Japon, le Canada, l’Israël, la France…
« L’Estonie… Oui, tout à fait, et je pense que c’est tout. Ce sont les seuls pays dans lesquels j’ai vécu, à part les Etats-Unis. Mais le titre de l’exposition, ‘Vagabondages’, me permet également de montrer des tableaux qui ont été peints ailleurs ou aux mêmes endroits. Et ce sont toutes ces images que j’ai en moi, car j’adore ces endroits. Quand on peint, il faut être vraiment amoureux de ce que l’on peint. Donc, je trimbale ces paysages avec moi, ils sont en moi, dans mon esprit, dans ma tête, mais heureusement que je peux les faire sortir aussi. Et je peux permettre à quelqu’un qui voit l’exposition de se balader. »Dans d’autres villes, dans d’autres pays…
« Et dans ma vision, ma façon de voir. »