Le ministre de la Santé mène seul sa croisade contre le tabagisme
S’il y a un sujet où le gouvernement tchèque a une ligne de conduite totalement illisible, c’est bien celui de la lutte contre le tabagisme. D’un côté, le ministre de la santé Leoš Heger (TOP 09) ne cesse d’alerter sur les conséquences de la cigarette, et prépare une loi d’interdiction totale de fumer dans les restaurants. De l’autre, le Premier ministre et le reste de l’ODS parlent d’atteintes à la liberté individuelle. Une situation qui souligne, une fois de plus, les problèmes de coordination au sein de la coalition au pouvoir.
« Nous avons toujours pour objectif de bannir les cigarettes de tous les restaurants dès l’année 2014, et nous aimerions bien y parvenir. Mais pour l’instant, je ne peux pas affirmer que ça sera le cas. Ce texte doit bien sûr subir tout le processus legislatif ordinaire, et cela prend toujours du temps. En ce moment, nous sommes plutôt à la fin de ce processus, dans la phase terminale de la législation, et j’espère que nous pourrons présenter le texte final au vote du Parlement dans quelques semaines tout au plus. »
L’ambition est donc de faire sortir le pays du club des quatre Etats européens à ne toujours pas avoir de loi sur la régulation du tabagisme dans les lieux publics. Aux côtés des Portugais, des Estoniens, et des voisins Slovaques, les Tchèques sont en effet relativement isolés. Et le principal parti gouvernemental ne tient pas à y mettre fin. Aux côtés du Premier ministre Petr Nečas, la présidente de la Chambre des députés et vice-présidente de l’ODS, Miroslava Němcová, a été plutôt claire sur le sujet.
« Le conseil exécutif de l’ODS exprime son désaccord avec le projet de loi TOP 09 présenté par le ministre de la Santé concernant l’interdiction totale de fumer dans les restaurants en République tchèque, et recommande au gouvernement et au Parlement de ne pas voter un tel projet s’il leur était présenté. »La population tchèque, elle, paraît tout aussi divisée que son gouvernement. Alors que 8 non-fumeurs sur 10 soutiendraient l’initiative, 62% de ceux qui apprécient de pouvoir fumer une cigarette de temps à autres aimeraient que la loi soit moins restrictive que ce que propose leur ministre. Une opposition de principe qui pourrait vite laisser place à de la compréhension en cas d’adoption du texte : les fumeurs sont déjà moins d’un sur dix à juger vital le fait de pouvoir s’en griller une dans leur restaurant préféré.
Le chiffre qui inquiète Leoš Heger, c’est plutôt celui-ci : 53% des Tchèques de 18 à 22 ans seraient fumeurs. Un âge où le fait de fumer, est d’après les mots mêmes du ministre, équivalent à l’addiction provoquée par l’héroïne. Selon la même source, une enquête de la faculté de sciences sociales de l’Université Charles, 8 jeunes fumeurs sur 10 ont commencé avant l’âge de 18 ans, ce qui est illégal dans le pays. Le fait de fumer étant très lié à la culture, Leoš Heger est bien conscient que la loi ne fait pas tout, et qu’il faut agir sur l’éducation.
« L’importance du tabagisme chez les jeunes répond à une logique sociale. Il y a eu récemment un changement sociologique important dans notre société, la jeunesse a eu de plus en plus d’indépendance, et l’éducation des enfants est aujourd’hui très libérale. »On l’entend donc affirmer dans les médias, que non, fumer ne fait pas nécessairement partie de la culture tchèque moderne. Il aura fort à faire. L’exemple n’est pas vraiment suivi au sommet de l’Etat, Miloš Zeman venant de réautoriser le tabagisme au Château après un Václav Klaus qui était non-fumeur. Et dans l’imaginaire collectif, on se souvient plus facilement de Václav Havel parlant au milieu d’un nuage de fumée, ou de Gustáv Husák, le dernier président communiste, qui fumait la bagatelle de 40 cigarettes par jour.