Patinage artistique : Lucie Myslivečková, Lyonnaise d’adoption
Il y deux semaines de cela, nous vous avions proposé un entretien avec Neil Brown, patineur artistique français qui a participé au concours de danse des championnats d’Europe en janvier dernier en tant que représentant de la République tchèque. Neil Brown doit cette participation à un concours de circonstances et à une initiative de Lucie Myslivečková, patineuse tchèque qui s’était retrouvée sans partenaire dans son pays. Depuis un an, le couple franco-tchèque s’entraîne à Lyon avec pour objectif de se qualifier pour les Jeux olympiques de Sotchi l’année prochaine. Et c’est à Lyon que Radio Prague a rencontré Lucie Myslivečková et Neil Brown à la sortie d’un entraînement de pré-saison. Reportage.
« Mon partenaire précédent était tchèque, mais il a décidé d’arrêter sa carrière de patineur pour se consacrer à la danse. Il me fallait donc trouver un nouveau partenaire et c’est en cherchant je suis tombée sur Neil. Je lui ai donc demandé s’il voulait patiner avec moi, mais il m’a répondu qu’il sortait d’une grave blessure à un genou. Il m’a dit d’attendre, qu’il ne savait pas s’il pourrait repatiner. Puis mon entraîneur de l’époque, Rotislav Sinicyn, qui connaissait Romain Haguenauer, l’entraîneur de Neil ici, l’a contacté pour lui demander s’il accepterait que je vienne patiner à Lyon. Et c’est comme ça que les choses se sont faites... »
Depuis un an, Lucie Myslivečková vit donc et s’entraîne à Lyon. Un grand tournant dans sa vie de sportive et de jeune femme…
« Non, ça n’a pas été dur. Ce qui a été un peu plus difficile a été de quitter la République tchèque, parce que c’est le pays dans lequel j’ai toujours vécu et que j’étais heureuse d’y vivre. Ici, la vie est très différente. Mais j’étais très excitée à l’idée d’apprendre le français. C’est un apprentissage un peu compliqué, mais c’est une langue que j’aime beaucoup. »
Pour le partenaire de Lucie Myslivečková, Neil Brown, la découverte de la République tchèque est un peu plus laborieuse. Lui qui ne connaissait « pas grand-chose » du nouveau pays qu’il représente et qui ne s’y était « jamais intéressé plus que ça » s’efforce néanmoins de rattraper son retard. A son rythme, comme Neil Brown nous l’a confessé :
« Petit à petit… Un de mes buts est d’apprendre le tchèque. Je m’y mets progressivement, avec Lucie qui m’aide quand je suis là-bas. Je viens de me réinscrire à l’université pour reprendre mes études après un certain temps d’arrêt. Avec la préparation de la saison, je n’ai donc pas eu beaucoup de temps ces derniers mois pour m’investir dans tout ce qui concerne la République tchèque. Quand nous sommes là-bas, nous en profitons avec Lucie pour visiter un peu. Mais tout est nouveau pour moi. Je commence à découvrir la République tchèque, mais pas encore assez à mon goût. »Si tout reste encore nouveau pour Neil Brown, cela l’est déjà un peu moins pour Lucie Myslivečková, à l’aise dans sa vie lyonnaise en dehors de la glace malgré un français encore hésitant. Niveau sportif, les choses se passent plutôt bien aussi, même si le temps d’adaptation a été relativement court :
« Oui, c’est un grand changement. Au début, ça n’a pas été facile de m’habituer à un nouveau style de patinage. Mais le plus dur, ce sont les entraînements le matin ! J’étais plutôt de l’après-midi… L’autre grande différence est qu’il y a plus de couples ici qu’en République tchèque. Nous devons donc faire plus de choses ensemble avec le partenaire, et non pas avec le coach. Nous réfléchissons et cherchons d’abord ensemble les éléments à améliorer, ce n’est qu’ensuite que le coach intervient pour nous aider et conseiller. En République tchèque, il n’y pas tant de couples. C’est même un peu dur, parce qu’il n’y a souvent qu’un seul couple sur la glace. »
A Prague, la fédération tchèque de patinage semble ne pas voir d’un mauvais œil la formation de ces couples « tchéco-étrangers ». Lucie Myslivečková explique pourquoi :
« Pour la fédération tchèque, ce n’est pas un problème. La principale différence est qu’il revient mois cher de patiner à Prague qu’ici. Et la fédération tchèque a des moyens limités. Vivre en France revient aussi un peu plus cher. De ce point de vue-là, il serait donc mieux de nous entraîner en République tchèque. Mais j’apprécie les conditions d’entraînement et l’environnement à Lyon. Et je pense que la fédération apprécie notre travail. »
-Vous vous entraînez avec Neil et êtes installée en France depuis un an. Comment envisagez-vous la suite de cette collaboration ?
« Je pense que tout se passe bien pour l’instant. J’aime beaucoup travailler avec Neil et je voudrais que cela se poursuivre le plus longtemps possible. Parfois tu n’as pas envie d’aller à l’entraînement, tu n’es pas très motivé, mais Neil, lui, est toujours très positif. Quand je n’ai pas envie, ou quand au contraire j’ai trop envie, je suis parfois un peu chiante. Mais avec Neil il n’y a pas de problème et c’est pour ça que j’espère que cela continuera entre nous. »
De son côté, Neil Brown se félicite aussi de son aventure avec Lucie. Et pour lui, bien difficile de répondre à la question de savoir si patiner avec une Tchèque ou une Française est très différent :
« Honnêtement, je ne sais pas trop. Ce que je sais, en revanche, c’est que ça marche très bien avec Lucie. Nous sommes tous les deux perfectionnistes, ce qui peut parfois amener à des petites engueulades. Nous sommes aussi complètement barjes : nous avons un côté très artiste, très foufou qui fait qu’on s’amuse énormément tout en travaillant. Je pense que c’est l’une de nos réelles forces. Par le passé, dans des périodes où il n’y a pas beaucoup de compétition, il m’est arrivé d’avoir du mal à travailler, parce que la répétition, ce n’est pas toujours plaisant. Mais avec Lucie, il n’y a encore jamais eu de moment où ça se passe réellement mal ou je ne prends pas vraiment de plaisir. Par rapport à ça, on a toujours le sourire, on est toujours content de venir à l’entraînement, et c’est vraiment quelque chose qui nous fait avancer. »
Cette osmose sur la glace, Lucie Myslivečková la doit aussi à sa joie de vivre au quotidien à Lyon, et ce même si elle n’y perd pas pour autant le contact avec son pays d’origine :
« Oui, sur Facebook il y a un groupe de Tchèques à Lyon. Je m’entends bien surtout avec un garçon qui vit avec une Française. Il a un restaurant où il propose quelques spécialités tchèques. C’est donc très bien, mais je connais aussi d’autres personnes. Mais c’est vrai qu’au quotidien, j’aime bien la cuisine locale, les escargots et aussi… »
Ca ne ressemble pas vraiment à un régime de patineuse tout ça…
« Oui, oui, je sais… mais c’est juste un tout petit peu (rires). Ce n’est pas tous les jours. Mais ça n’enlève rien au fait qu’on trouve ici beaucoup d’excellents produits qui sont très chers en République tchèque et pas aussi bons qu’ici. Vraiment, j’aime beaucoup la cuisine française, même si je n’ai pas encore essayé de bouchons lyonnais. J’ai entendu dire que la cuisine lyonnaise était assez grasse, alors je ne sais pas si c’est pour moi. Par contre, les fruits de mer sont un régal. Mais il n’y a pas que ça que j’apprécie à Lyon. Ce qui est bien, à la différence de Prague, c’est de pouvoir prendre un vélo à un endroit, aller où tu veux, faire ce que tu veux, et ensuite déposer le vélo à une autre station de la ville que celle où tu l’as pris. Mais on peut beaucoup marcher à Lyon. C’est vraiment une ville très bien pour toutes ces choses-là. »
Pour toutes ces choses-là, certes, mais aussi d’abord et avant tout donc pour le patinage. Et en sport, on le sait, la réussite va souvent de pair avec le bonheur de vivre.