Iva Pekárková : « Škvorecký m’a convaincue que cela valait la peine d’écrire »
C’est pour rendre hommage à Josef Škvorecký, figure importante de la littérature tchèque de la seconde moitié du XXe siècle, qu’a été organisée au lycée pragois qui porte le nom de cet écrivain, une lecture non-stop de ses œuvres. Pendant vingt-quatre heures, du 11 au 12 avril, des personnalités de la littérature et de la vie culturelle mais aussi des étudiants du lycée ont lu sans interruption des extraits des textes de Josef Škvorecký qu’ils avaient choisis. Parmi eux figurait l’écrivaine Iva Pekárková qui, après la lecture, a partagé avec Radio Prague quelques souvenirs et réflexions sur cet écrivain qui a joué un rôle décisif au début de sa carrière littéraire.
Parmi les participants à la lecture figurait donc aussi Iva Pekárková, prosatrice, journaliste et traductrice tchèque. Née en 1963 à Prague, Iva Pekárkova s’est exilée en 1983 pour s’établir aux Etats-Unis. En 1997, soit huit ans après la chute du communisme, elle est revenue à Prague et a travaillé pendant quelque temps à la rédaction du journal Mladá fronta Dnes. Aujourd’hui Iva Pekárková vit à Londres et poursuit son œuvre littéraire. Elle est l’auteur de nombreuses œuvres souvent d’inspiration autobiographique qui lui permettent d’exploiter les riches expériences de sa vie. C’est grâce à Josef Škvorecký qu’Iva Pekárková a cessé d’hésiter et s’est lancée dans la littérature :
« Josef Škvorecký représente pour moi le début absolu de ma carrière littéraire. Quand j’ai écrit mon premier livre, je l’ai envoyé insolemment depuis Boston, où je vivais alors, à Josef Škvorecký au Canada. Il m’a énormément aidée parce qu’il a publié ce livre et m’a beaucoup encouragée. Il m’a ainsi convaincue que cela valait la peine d’écrire, que cela valait la peine d’essayer. Il était pour moi une légende. Škvorecký, Kundera, et peut-être aussi encore Miloslav Švandrlik avec son roman ‘ Les Barons noirs’ étaient les auteurs que nous lisions. D’autres livres intéressants n’étaient pas normalement disponibles et même les livres de ces auteurs-là ne circulaient qu’en cachette. On se les passait de main en main parce qu’on avait peur qu’ils soient volés et parce que, de toute façon, ils étaient interdits. »
Josef Škvorecký était pour Iva Pekárková aussi une personnification, l’essence même des années 1960, période de dégel politique et de grand essor culturel en Tchécoslovaquie. Née en 1963, elle était encore trop petite pour comprendre le caractère exceptionnel de cette période, mais elle en a quand même été profondément marquée. Le premier livre de Josef Škvorecký qu’elle a lu a été « Les lâches », un roman paru en grand tirage en Tchécoslovaquie et qui, en tant que tel, pouvait donc être acheté dans les librairies mais qui manquait souvent dans les bibliothèques publiques. Quand Iva Pekárková est arrivée aux Etats-Unis, la situation a changé : les livres de Škvorecký et d’autres auteurs tchèques et slovaques introuvables en Tchécoslovaquie étaient disponibles. Elle a alors lu tous les textes de Škvorecký qu’elle a trouvés. L’auteur des « Lâches » était pour Iva Pekárková aussi un modèle pour sa propre création littéraire :« Certainement, je pense que quand nous sommes jeunes, nous profitons de nos auteurs préférés pour apprendre à écrire. Je ne pense pas écrire comme Škvorecký, ce serait trop flatteur pour moi, mais il était pour moi quand même un grand exemple littéraire. Cela ne veut cependant pas dire que j’ai essayé de l’imiter. (…) J’avoue que son roman ‘Scherzo capriccioso’ sur la vie du compositeur Antonín Dvořák est celui que j’ai le plus aimé. Je n’ai pas un grand talent pour la musique, mais le langage de ce livre était tellement musical et tout y était décrit de façon si splendide que même moi, qui n’ai pas l’oreille musicale, j’entendais les mélodies de Dvořák et d’autres compositeurs en lisant ce livre. Et c’est grâce à cette lecture, à l’art de la langue de Josef Škvorecký et à son enthousiasme pour ce thème, que j’ai appris sans aucun effort énormément de choses sur la musique. ‘Scherzo capriccioso’ est donc le livre que j’admire probablement le plus. »Selon Iva Pekárková, tout le monde souligne l’importance du travail que Josef Škvorecký a fait pour la littérature tchèque avec sa femme Zdena Salivarová à la maison d’édition ‘68 Publishers. Iva Pekárková estime cependant que l’importance de Škvorecký écrivain dépasse celle de Škvorecký éditeur.
« Bien sûr, c’est admirable qu’il ait sacrifié une grande partie de sa carrière littéraire, et que Zdena Salivarová l’ait sacrifiée presque entièrement, pour pouvoir éditer les livres des autres. Mais, en même temps, Josef Škvorecký revêt pour moi une grande importance en tant qu’auteur. Il était un des grands écrivains de son époque, et son époque a été très longue. »