Bettina Lobkowicz, venue de Suisse et productrice de vin tchèque

Photo: www.lobkowicz-vinarstvi.cz

Née Egli, Bettina Lobkowicz connaît bien la République tchèque, où elle vit depuis plus de vingt ans entre Prague et Mělník. A son ancien mari Jiří, héritier de la famille Lobkowicz, elle a racheté il y a quelques années le domaine viticole de la ville de Mělník.

Bettina Lobkowicz,  photo: www.lobkowicz-vinarstvi.cz
Bettina Lobkowicz bonjour, est-ce qu’il faut un concours de circonstances pour qu’une citoyenne suisse produise du vin en Bohême ?

« Oui, je suis venue parce que je me suis mariée avec un Tchèque – je ne savais pas qu’il était tchèque mais je l’ai finalement découvert. Je suis venue en 1990 et dans le cadre des restitutions à la famille Lobkowicz nous avons récupéré un domaine viticole, dont je m’occupe depuis vingt ans. »

Ce domaine se trouve à Mělník, où vous avez un domaine important, avec même aujourd’hui un mousseux qui porte votre nom…

« J’ai repris un domaine d’Etat très important avec 75 employés. Nous sommes aujourd’hui 15… Un domaine d’Etat avec une structure importante qu’il a fallu changer pour en faire un domaine familial. Donc ça m’a pris pas mal de temps. Le mousseux qui porte mon nom, c’est dû au fait que je vis un divorce pas facile et donc pour ne pas me faire attaquer en justice par mon ex-mari pour usurpation du nom traditionnel du mousseux de Melnik, j’ai décidé de lui donner mon nom pour ne pas avoir de problème légal. »

Quelles sont les principales différences qui vous paraissent être évidentes entre Tchèques et Suisses ?

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« Ce que j’aime beaucoup ici c’est que les Tchèques savent improviser. Ici un non n’est pas un non, quand on vous dit ‘ça ne va pas marcher’, on trouve finalement toujours une solution au problème. Tandis que je viens de réapprendre qu’en Suisse un non est vraiment un non. J’apprécie aussi beaucoup l’humour tchèque. »

« Ce qui me dérange un peu ici, c’est que les gens ne sont pas assez droits et n’ont pas beaucoup de courage. Souvent vous perdez beaucoup de temps pour arriver à la raison pour laquelle il y a un problème. Les gens ne sont pas trop ouverts… »

C’était quoi la Tchécoslovaquie pour vous avant de venir ? Je crois savoir que vous avez eu Ota Šik comme professeur à l’université de Sankt-Gallen, qui a émigré après l’écrasement du Printemps de Prague. Est-ce que c’est un des premiers contacts, une des premières prises de conscience de ce qui s’y était passé, de ce qui était en train de s’y passer ?

« Non, mon premier contact avec ce pays était 1968. J’avais 10 ans et je me souviens que ma mère a voulu qu’on respecte une minute de silence pour la Tchécoslovaquie. Elle nous a expliqué pourquoi. En plus à l’époque nous avions toujours en visite des jeunes ressortissants est-allemands qui passaient six semaines l’été en Suisse. Donc nous avions des copines et on connaissait les circonstances dans les pays communistes, nous étions conscients qu’en Europe il y avait des pays où les gens vivaient d’une manière complètement différente de ce que nous connaissions. »

Ota Šik
« Mais bien sûr Ota Šik m’a sensibilisée aux différents systèmes communistes, c’est grâce à Ota Šik que j’ai énormément appris sur le Printemps de Prague et le système tchécoslovaque. »

Avec votre mari Jiří Lobkowicz vous avez vécu le retour des aristocrates tchèques après la chute du communisme. Est-ce que cela a été conflictuel ?

« C’est un problème que vous trouvez ici dans cette société. Vous avez des gens qui ont décidé de rester, d’autres qui sont restés sans vraiment prendre de décision, et d’autres qui sont partis. Et il y a pas mal de gens qui sont restés qui n’apprécient pas trop les gens qui sont partis, qui croient que ceux qui sont partis ont eu une vie plus facile, que c’était plus difficile de vivre ici sous le communisme. Je pense que ces gens-là ne connaissent pas les difficultés de l’exil. A l’époque en plus ceux qui sont partis ne savaient pas s’ils pourraient revenir ou pas. Il y a ce phénomène dans la société en général et la même chose dans ces quelques familles d’aristocrates. »

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« Mon beau-père, parti en 1948, est revenu pour la première fois en 1990. En plus dans son cas je me suis rendu compte qu’après tant d’années en Suisse il rêvait toujours de sa patrie, la Tchécoslovaquie, la Bohême, et quand il est revenu il s’est rendu compte que son pays n’existait plus. Je crois que c’était difficile pour lui. »

Est-ce que vous avez un vin, de Bohême ou de Moravie, que vous recommanderiez pour avoir un aperçu de ce qui peut être fait de bon sur le territoire tchèque ?

« Je pense que pour le blanc le cépage du Veltlínské zelené est très très intéressant, ça vaut la peine de le déguster. Pour le rouge je pense que le Svatovavřinecké - Saint-Laurent – est aussi un cépage intéressant que vous ne trouvez pas ailleurs. Ils vont tous les deux très bien avec les plats que vous pouvez manger ici. »