Décès de Ctirad Mašín, symbole de la résistance armée contre le communisme
On les appelle familièrement les « frères Mašín ». Deux hommes qui, avec un troisième comparse, ont fui la Tchécoslovaquie communiste dans les années 1950, par la force des armes. L’un des deux frères, Ctirad, est décédé le 13 août, aux Etats-Unis à l’âge de 81 ans. Sans jamais avoir revu son pays.
L’intransigeance. C’est sans doute le terme qui qualifierait le mieux les deux frères Josef et Ctirad Mašín. Intransigeance dès l’arrivée au pouvoir du parti communiste de 1948 auquel ils ne s’identifient pas. Intransigeance depuis la révolution de velours puisqu’ils ont toujours refusé de revenir dans leur pays d’origine, estimant que la société tchèque n’avait pas fait le travail de mémoire nécessaire pour régler ses comptes avec son passé. Evidemment, cette intransigeance ne leur a pas valu que des lauriers, de même que toute leur histoire de lutte contre le régime communiste fait de leur cas particulier un sujet de vif débat au sein de la société tchèque.
Ces deux fils de résistant tué par les nazis décident au début des années 1950 de se lancer dans la lutte contre le nouveau pouvoir. On écoute Ctirad Mašín, interrogé dans un documentaire pour la télévision tchèque :« Au tout début, nous n’étions pas d’accord avec la façon dont les communistes avaient supprimé les autres partis politiques. Partout, ils avaient leurs affiches et autres matériaux de propagande. Alors on a commencé à détruire les armoires où ils rangeaient ce type de documents. »
Mais très vite, la lutte devient résistance armée. Le groupe dirigé par les frères Mašín effectue plusieurs opérations de sabotage, notamment pour récupérer des armes.
En octobre 1953, les deux frères et Milan Paumer parviennent à fuir en Allemagne de l’Ouest, après une cavale de quatre semaines au cours de laquelle ils tuent six hommes, dont certains armés. C’est ce recours à la force qui leur a valu d’être l’objet d’une vraie controverse en République tchèque, depuis la révolution de velours, d’aucuns les considérant comme des assassins, d’autres comme des résistants héroïques. Martin Vadas, ami de la famille et auteur d’un documentaire pour la télévision tchèque :« J’ai rencontré Ctirad il y a une quinzaine d’années et l’ai revu depuis. C’était quelqu’un de solide, de rigoureux, de franc. Il était très exigeant envers lui-même et donc pouvait être très exigeant envers les autres. Je pense que c’est de là que provient le conflit majeur, car nous aujourd’hui, manquons d’exigence envers nous-mêmes. »
Après leur fuite, les deux frères s’installent aux Etats-Unis où ils servent dans l’armée américaine pendant quelques années, avant de lancer leur propre affaire au Texas. Josef Mašín a fait savoir que son frère Ctirad serait inhumé d’ici une dizaine de jours, selon ses dernières volontés, dans un cimetière militaire américain. Pour l’heure il n’est pas encore sûr si et dans quelles conditions des représentants officiels de la République tchèque seront présents à la cérémonie.Depuis plusieurs années, des voix s’étaient fait entendre pour que les frères Masin, de même que Milan Paumer, soient reconnus officiellement comme résistants avec les honneurs conséquents.
A l’heure actuelle, la nouvelle loi reconnaissant la résistance anti-communiste a été adoptée et attend la signature du président de la république. Elle devrait entrer en vigueur symboliquement le 17 novembre prochain, ouvrant la voie à une distinction des personnes concernées. Depuis le décès de Ctirad Mašín, samedi, plusieurs personnalités politiques, dont le chef de la diplomatie tchèque, Karel Schwarzenberg, ont fait savoir que celui-ci pourrait être le tout premier résistant anti-communiste décoré en vertu de cette nouvelle législation.
En marge de ces reconnaissances officielles, le réalisateur Tomáš Mašín, qui fait partie de la famille éloignée, a annoncé qu’il entendait tourner sous peu un film retraçant le destin des deux frères. Il attend toutefois pour l’heure d’avoir assez de fonds pour pouvoir se lancer dans l’aventure. Le film devrait se baser sur un scénario de l’écrivain Jan Novák, auteur d’un livre à succès sur l’histoire des deux frères Mašín.