Succès de la première Prague Pride, malgré (ou grâce à ?) l’ambiance homophobe
Plus de 5 000 personnes ont prit part, samedi 13 août, à la première marche des fiertés des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, tenue à Prague dans le cadre du festival Prague Pride. Plusieurs milliers de leurs sympathisants se sont également rassemblés au centre-ville pour regarder ce défilé multicolore de près. Réunis sur la place de la République, les participants, déguisés, munis de sifflets et de drapeaux, se sont dirigés, au son de la musique, vers une des îles de la Vltava, Střelecký ostrov, où les festivités se sont poursuivies jusqu’au soir.
Voilà le message de cette première Prague Pride au succès presque inattendu, selon les organisateurs, mais qui s’est déroulée, comme l’ont remarqué même les médias européens, dans une ambiance tendue, voire homophobe : la polémique autour de la tenue même du défilé, placée sous le patronage du maire de Prague, a été déclenchée par les propos d’un des proches collaborateurs du président de la République, Petr Hájek, pour qui les marches des fiertés sont « une démonstration d’un caractère déviant et minoritaire qui détruit les valeurs de base de la société auxquelles nous sommes habitués ». Cette position a été soutenue, entre autres, par le chef de l’Etat Václav Klaus, l’archevêque de Prague Dominik Duka dénonçant, quant à lui, « la publicité d’un style de vie libéré qui n’est pas responsable, digne et beau ».
Si, en revanche, certaines personnalités politiques, notamment des rangs de l’opposition, ont soutenu les minorités sexuelles en assistant au défilé, les participants à la Gay Pride ont tout de même été confrontés à des insultes proférées à leur égard par quelques dizaines de sympathisants d’extrême-droite, tenus à distance par les forces de l’ordre. Les jeunes chrétiens-démocrates et les membres de l’initiative DOST ont organisé, parallèlement à la Prague Pride, une « marche pour la famille » qu’ils se sont pourtant refusé à afficher comme « contre-manifestation ». Pourquoi alors cette étrange coïncidence des dates ? Le chef du Parti chrétien-démocrate KDU-ČSL, Pavel Bělobrádek a expliqué, avant la tenue de la marche, à la Télévision tchèque :« Les homosexuels aussi peuvent assister à une marche pour la famille. Pourquoi pas ? Au parti chrétien-démocrate, nous avons des membres de cette orientation-là et cela ne pose aucun problème. Moi-même, pendant mes années universitaires, j’ai eu un colocataire homosexuel et cela ne m’a pas posé de problèmes non plus. Cette marche, dont j’ai pris le patronage, n’est pas dirigée contre les homosexuels. Si la Prague Pride est un moyen de médiatiser les problèmes des gays et des lesbiennes, nous, nous voulons profiter de cette occasion pour montrer qu’il y a un problème, dans la société, au niveau de la perception de la famille. » Pour Martina Štěpánková de l’association Proud, une des organisatrices du festival Prague Pride, le défilé pragois est, un peu malgré lui, un retour aux sources de ce genre de manifestations :« A l’origine, les Gay Prides rappelait les émeutes de Stonewall de 1969 qui avaient été une réaction aux attaques de la police contre les membres des minorités sexuelles. Ces premières Gay Prides ont été organisées en Amérique et ensuite dans le monde entier. Elles avaient pour objectif la défense des droits des homosexuels. Au fil du temps et avec la reconnaissance des droits des minorités sexuelles dans les sociétés occidentales, les Gay Prides sont devenues des fêtes célébrant la diversité. Mais les récents événements qui ont accompagné l’organisation de la marche en République tchèque démontrent que, pour l’instant, une Gay Pride ne peut pas être ici une simple fête, une distraction. Il faut replacer tout le festival et surtout le défilé dans le contexte actuel. »
Flattés du succès de la première Prague Pride, les organisateurs ont promis de récidiver l’année prochaine.