Frédéric Sojcher : « Il est très important de se battre pour que d’autres cinémas qu’Hollywood existent »
Parmi les films présentés à Karlovy Vary, un film intitulé « Hitler à Hollywood » du Belge Frédéric Sojcher. Faux documentaire mettant en scène notamment Micheline Presle et Maria de Medeiros, mais aussi une pléiade d’acteurs connus, ce film, derrière ses aspects loufoques, s’interroge sur le problème de la prééminence du cinéma hollywoodien sur le cinéma européen. Frédéric Sojcher explique pour Radio Prague le principe du film :
« Evidemment, je ne crois pas du tout à la théorie d’un complot, mais je pense vraiment que le cinéma porte une culture. Je pense aussi, ce qui est un fait avéré, que seul le cinéma hollywoodien est partout dans le monde, de manière hégémonique. Tout en aimant les films hollywoodiens, il est très important de se battre pour qu’il y ait d’autres cinémas qui existent, et pas seulement au niveau national. Le drame, c’est qu’il y a des cinémas qui existent mais on voit très peu de films tchèques en France, alors qu’il y a des films formidables ! Ce qui est vrai pour la Tchéquie est vrai pour chaque pays. Dans chaque pays il y a un cinéma national, mais qui pratiquement n’est destiné qu’au public du pays et ces films sont très peu vus ailleurs. Ou alors parfois dans les festivals, ce qui est l’intérêt des festivals, mais pas par le grand public. »
« Hitler à Hollywood » est un film qui joue sur les oppositions, entre noir et blanc et couleur, passé et présent. Et le titre lui-même intrigue par la juxtaposition des mots Hitler et Hollywood. Frédéric Sojcher le décrypte :« Il y a deux raisons. Quand Maria de Medeiros fait son enquête sur ce réalisateur avec lequel Micheline Presle aurait travaillé, on découvre qu’il aurait fait un film intitulé ‘Hitler à Hollywood’, donc dans le film on parle de cela. Et puis, pour moi, Hitler c’est le pire dictateur du XXe siècle, Hollywood est le symbole de l’industrie du cinéma, et donc c’est cette idée que le cinéma peut imprimer les imaginaires. Il y a un côté pouvoir dans le meilleur et dans le pire des sens qui peut passer à travers le cinéma. Ce n’est pas que d’Hitler qu’il est question : tous les dictateurs du XXe siècle étaient fascinés par le cinéma et voulaient s’en servir pour de la propagande, pas avec des films de propagande mais avec des films de fiction. Quand Goebbels devient ministre en 1933, la première chose qu’il faite a été de contacter Fritz Lang. Il était fasciné par Métropolis, qui n’est pas un film de propagande mais il voulait se servir du talent de Fritz Lang, pour faire des films de fiction parce que c’était par là qu’on atteint le mieux le spectateur : quand il n’est pas conscient qu’il y a de la propagande. Pareil du côté de Staline. Dans ‘Hitler à Hollywood’, il y a pas mal de personnalités du cinéma qui interviennent et qui disent des choses vraies : Vokler Schlöndorff par exemple cite une phrase de Lénine qui a dit que pour lui, le cinéma était plus important que l’électricité. Mais on pourrait citer Franco aussi qui était tellement passionné de cinéma qu’il a écrit des scénarios de films qu’il a fait produire quand il était dictateur. C'était des films à l’eau de rose qu'il a produits sous un pseudo. Et Mussolini, c’est connu aussi puisque Cinecittà est né sous le régime fasciste italien : le fils Mussolini a été envoyé à Hollywood avec l’idée de faire Cinecitta sur le modèle d’Hollywood. Donc cette idée est aujourd’hui plus que jamais d’actualité pas seulement dans le cinéma mais dans tout ce qui se décline dans le monde des images aujourd’hui. Plus que jamais la question de l’imaginaire et de son impact est d’actualité. Il y a donc un côté militant assumé dans le film, mais j’espère de manière ludique. »
Retrouvez l’actrice principale du film, Micheline Presle, qui évoquera sa longue carrière au cinéma dimanche, dans Culture sans frontières, dimanche.