« Elle m’a donné des chaussures de foot », donc « elle m’a largué »

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Coup d'envoi de la Coupe du monde oblige, c'est le football - fotbal ou kopaná, qui est cette fois au centre de nos préoccupations. Jeu très simple dont le but est de faire pénétrer sans l'aide des mains un ballon rond dans le but adverse, le football est sans aucun doute le sport le plus populaire au monde. Source de passion, le foot, comme il est également appelé selon l'abréviation familière, possède cette particularité de stimuler l'imagination de ses acteurs et observateurs. Joueurs, entraîneurs, journalistes et même écrivains, fascinés par l'intensité dramatique du spectacle, emploient souvent pour décrire l'action qui se passe sur et en dehors du terrain, ce fameux rectangle vert, un langage spécifique, une sorte de jargon. C’est donc à cet aspect, et plus particulièrement aux termes et expressions propres à la langue tchèque, que nous allons nous intéresser.

Mot d'origine anglaise, « football » signifie littéralement « balle au pied ». En tchèque, il existe pourtant deux termes pour désigner le jeu. Le premier d'entre eux, « fotbal », transcription phonétique, est aujourd'hui le plus courant et le plus répandu. Mais le football peut également se dire « kopaná », qui tire alors son origine du verbe « kopat », qui signifie à la fois « donner des coups de pied », « botter », que ce soit un ballon ou le derrière de quelqu'un.

Remarquons que pour un cheval qui rue, lance des ruades, en tchèque, on emploiera également le verbe « kopat ». Une remarque intéressante puisque s'il n'existe pas en français d'équivalent du mot « kopaná », qui, traduit littéralement, veut donc dire « jeu de coup de pied », en revanche, on trouve trace du mot « bourrin », auquel on aura recours pour désigner d'une manière populaire et péjorative non seulement un cheval, mais aussi parfois un footballeur dont la principale qualité est de frapper le plus fort possible dans le ballon. A propos de ce ballon, justement, notons que la langue tchèque possède l§ aussi deux mots pour le désigner : le mot tchèque « míč » et le mot international « balon ».

Précisons aussi qu'un mot bien précis existe dans la langue tchèque pour les chaussures de football. Il s'agit du mot « kopačky », dont la racine provient comme pour « kopaná » du verbe « kopat ». Les « kopačky » sont donc des chaussures à crampons servant exclusivement à la pratique du « jeu de coup de pied » - « kopaná ».

Quoique... Il existe tout de même une exception. Dans le langage populaire, d'un jeune garçon ou d'une jeune fille qui vient d'être abandonné par sa petite copine ou petit copain, les Tchèques diront souvent « dostal kopačky ». Une expression dont l'équivalent en français est « se faire larguer », mais dont la traduction mot à mot n'a que peu de sens, puisqu'elle nous donnerait « il a reçu des chaussures de foot », sauf à penser que ces chaussures, ces fameuses « kopačky » aient servi à lui botter l'arrière-train, ou, si vous nous permettez, à lui mettre un bon coup de pied au cul pour l'envoyer balader.

Passons maintenant à l'un des coups de pied, et de génie convient-il de préciser, parmi les plus célèbres de l'histoire du ballon rond en Tchécoslovaquie et même en Europe. Un terme que nos auditeurs amateurs de foot connaissent sans doute tous, puisqu'il s'agit de la fameuse « panenka »...

Il y a quelque temps de cela, nous avions évoqué l'étymologie des mots « robot », « polka », « dollar », « pistolet » et « obus », cinq petits mots d'origine tchèque passés dans le langage courant international. Nous aurions pu y ajouter le mot « panenka », un terme qui possède plusieurs sens, puisqu'il peut désigner à la fois la pupille, la prunelle des yeux, ou encore une poupée, et même dans certaines expressions une fillette qui possède des airs de poupée, angélique et innocente.

Mais le Panenka qui nous intéresse n'a ni les yeux bleus ni les boucles dorées d'un ange. Trente ans après son jour de gloire, Antonín Panenka a toujours le cheveu brun et porte encore son épaisse moustache aussi célèbre que son penalty décisif réussi lors de la séance de tirs au but de la finale du championnat d'Europe 1976 contre la RFA de Franz Beckenbauer.

Antonín Panenka, légende du football tchécoslovaque, a laissé son nom, en effet, à un geste technique encore jamais réalisé avant lui. Un joueur allemand venait de manquer son tir au but et Antonín Panenka devait exécuter le suivant, ayant, comme on entend dire parfois, la victoire au bout de la chaussure. En le transformant, il pouvait offrir à son pays le premier titre international de son histoire. C'est alors qu'il choisit de réaliser une petite pichenette, à savoir une frappe piquée exécutée en touchant légèrement le ballon, en plein milieu du but, tandis que le gardien allemand, le célèbre Sepp Maier, qui s'attendait à un tir puissant, plongeait sur un côté. Le ballon, quant à lui, rentrait dans le but en « feuille morte », à savoir en retombant lentement derrière la ligne tout en passant au dessus du gardien ridiculisé.

Certes, il serait réducteur de résumer la carrière d'Antonín Panenka à ce coup de pied génial, car il s'agissait avant tout de l'un des meilleurs milieux de terrain de sa génération, mais il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui encore de nombreux jeunes joueurs, partout en Europe, savent ce qu'est une « panenka », l'expression étant passée dans le lexique courant utilisé sur et autour des terrains de football. C’est sur ce constat que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue ». En attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !