Anička Fečová, la chanteuse rom à la voix d’or

Anička Fečová

Dans les années 1960 et 1970, Anička Fečová était la soliste de l’orchestre Roma štár et faisait partie des chanteuses roms les plus en vue dans la Tchécoslovaquie de l’époque. Pourtant elle ne sait pas lire une partition, ce qui est courant chez les chanteurs et musiciens roms, mais elle ne sait pas non plus jouer d’un instrument. Depuis 1981, la chanteuse vit en Allemagne, à Berlin, où elle chante en solo avec le groupe du violoniste Martin Weiss.

Anička Fečová
Elle donne des cours de danse et de musique tsigane, et travaille comme surveillante-assistante dans une école. Dans le cadre de cette activité, elle fait avec les enfants des promenades, du dessin, leur apprend à réciter des poésies, à chanter des chansons et à danser le czardas tsigane. Bref, elle leur présente la culture rom en général. Au cours de sa carrière en Tchécoslovaquie, elle a fait des enregistrements à la Radio tchécoslovaque, a enregistré quelques disques pour les sociétés d’édition philharmoniques Supraphon et Panton, surtout avec son frère Josef Fečo, musicien et compositeur. Elle a aussi enregistré un album avec Martin Weiss et le Sinty Jazz.

Anička Fečová,  photo: Jana Šustová
Anička Fečová est née le 12 janvier 1954 dans la pittoresque commune de Lúčka, dans la région de Bardějov en Slovaquie de l’Est. Elle vient d’une famille de roms sédentaires qui habitait une jolie maison avec un jardin, située entre les habitations des gadjos. Ses parents exploitaient un vaste champ, élevaient des poules, des canards et des porcs qu’ils vendaient également. Ils faisaient aussi du commerce avec les chevaux élevés par ses grands-parents. La mère d’Anička était chanteuse avec une très belle voix, son père jouait de la clarinette et du bratsch (violon alto). On écoute Anička Fečová qui évoque ses souvenirs d’enfance.

Anička Fečová,  photo: Jana Šustová
« Je crois que j’ai commencé à danser et à chanter dans le ventre de ma mère, au moins c’est ce que je pense. Dans la famille, tout le monde était musicien. On avait même un orchestre de cymbalum qui jouait aux mariages et aux bals populaires. Je crois que ça a dû être une très belle vie. Je me souviens aussi, que lorsque j’étais petite, le samedi et le dimanche ma mère faisait toujours des gâteaux et l’odeur des pâtisseries fraîches chatouillait le nez des gens qui rentraient de l’église. Ils venaient chez nous, même les gadjos, et en été on sortait les tables dans le jardin, tout le monde mangeait et nous on chantait. Les Roms jouaient sur différents instruments. C’était magnifique, mais aujourd’hui ce n’est plus comme ça. J’aimais aussi beaucoup les Fêtes de Noël. L’ambiance était magnifique. On ne recevait pas de cadeaux à profusion mais il y avait beaucoup d’amour, et c’est ce qui est important. Toute la famille se réunissait autour de l’arbre de Noël joliment décoré et chantait des chansons de Noël, pas du tout tsiganes. Et on allait aussi à l’église, d’ailleurs je crois en Dieu, même si je ne vais pas souvent à l’église. Lorsque ma maman est décédée en décembre 2002, j’ai chanté à son enterrement, car c’est ce qu’elle a toujours souhaité. Mais j’ai chanté juste un peu car je trouvais bizarre de chanter en pareille occasion. »

Anička Fečová,  photo: Jana Šustová
A l’école élémentaire Anička chante dans l’ensemble de l’école, qui participe à différents concours qu’il gagne d’ailleurs. Elle se présente pour la première fois en public à la radio locale de son village natal à l’âge de dix ans, accompagnée à la guitare par son frère de cinq ans. C’est à cette période qu’elle commence aussi à fréquenter l’école de musique. Le professeur de l’école met sur pied un orchestre où elle chante en solo. A dix ans donc, elle avait déjà son propre groupe, comme elle dit elle-même.

Anička Fečová
A douze ans, Anička part à Prague avec deux managers et chante dans des hôtels prestigieux. Elle devient une vraie chanteuse et danseuse professionnelle de czardas tsigane. Elle gagne beaucoup d’argent, travaille jusqu’à deux heures du matin, va se coucher à cinq heures et dort toute la journée. Ce n’est pas vraiment une vie d’adolescente et elle présente aussi des inconvénients. Régulièrement Anička est absente en classe pendant trois, parfois même six mois. Par conséquent, elle n’a jamais réussit à terminer l’école élémentaire et elle ne possède aucun certificat d’étude à part celui de surveillante qu’elle a obtenu beaucoup plus tard. Jusqu’à aujourd’hui, elle regrette infiniment de ne pas avoir fait d’études et le ressent comme un grand handicap. Elle a fait deux ans d’études au Conservatoire de Prague et en Slovaquie. Mais là aussi, elle n’est jamais arrivée à obtenir son baccalauréat.

Anička Fečová,  photo: Jana Šustová
En 1981 elle rencontre l’homme de sa vie, dont elle tombe éperdument amoureuse, et part avec lui à Berlin où elle vit jusqu’à présent. Elle donne des cours de chansons tsiganes pour débutants, mais ils doivent tous savoir lire les partitions et jouer de leurs instruments. Puis elle travaille aussi comme surveillante-assistante. A côté de ses différentes activités culturelles, Anička prépare avec les enfants des spectacles en costumes roms. Les costumes coûtent très chers, alors Anička les confectionne elle-même. Ils sont très beaux avec beaucoup de fantaisie. Elle en dessine les modèles, puis elle cherche les tissus. Par exemple elle a acheté des jupes d’été avec beaucoup de couleurs dans un magasin d’occasion, les a un peu arrangées, en ajoutant un foulard par-ci, un foulard par là et le costume est prêt. Elle a présenté un spectacle dans le cadre du festival ‘Le carnaval de la culture’ (der Karneval der Kulturen) à Berlin avec beaucoup de succès. Son propre costume qui fait très gitan a été commandé sur catalogue et c’est sa mère qui le lui a arrangé. Pendant un an, madame Fečová a travaillé au sein de l’Union rom mais n’a pas réussit à se voir octroyer des subventions pour ses activités culturelles. Les subventions pour la politique ont souvent la priorité.

Anička chante avec différent groupes dont celui de Martin Weiss et elle invite des groupes de la République tchèque et de Slovaquie comme par exemple le groupe Bagarovci. Elle se présente dans le cadre de différents festivals, spectacles, mariages et dans des cafés-concerts prestigieux (Café Lyrik - Berlin). Elle aimerait beaucoup réaliser un projet dont elle rêve depuis longtemps.

Anička Fečová
« J’aimerais enregistrer un CD de chansons tsiganes originales avec cymbalum, avec des groupes célèbres comme les Horvátovci, Bagarovci, Hryzkovci et les Fečovci. Les Fečovci, c’est ma famille. A Berlin, différentes agences m’ont souvent demandé de faire des ateliers de czardas et de chansons tsiganes avec cymbalum. Mais ils voulaient une vidéo et des photos tout de suite car ils ont besoin de faire la publicité six mois à l’avance. Mais je n’avais rien et je n’ai pas toujours le matériel qu’il faut. Premièrement je ne sais jamais par avance avec qui je vais jouer et deuxièmement lorsque j’ai demandé aux musiciens roms comment faire, ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas le temps ou que l’argent manquait. C’est dommage. Pourtant il faut avoir des books et des vidéos de présentations pour pouvoir passer des contrats. Alors j’espère réussir à faire une vidéo, à rassembler des photos que jusqu’à présent je n’ai malheureusement pas. Peut-être qu’une fois j’y arriverais. »

L’ex-danseuse de czardas et chanteuse tsigane, Anička Fečová, est mère de deux enfants : une fille, qui est mannequin et a remporté le deuxième prix Miss Berlin, et un fils qui est ingénieur, expert en informatique. Il suffit d’entendre la voix de cette femme toujours attractive pour se faire une idée de son talent.

Auteurs: Jaroslava Gregorová , Jana Šustová
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