Une loi antitabac pour les fumeurs
A partir de juillet 2010, les propriétaires de bars et restaurants en République tchèque pourront décider si leur établissement sera fumeur ou non fumeur. Il leur suffira de l’indiquer à l’entrée de leur établissement. Mardi, le président de la République, Václav Klaus, a signé un amendement à une loi antitabac sans doute unique en Europe, qui ne pénalise toutefois ni les fumeurs ni les propriétaires des bars et restaurants.
En juin dernier, les députés avaient débattu d’une interdiction absolue de fumer dans tous les établissements publics, y compris dans les traditionnelles brasseries appelées « hospoda », où de nombreux Tchèques ont l’habitude de se rendre régulièrement pour boire de la bière en grande quantité, discuter et… fumer. Mais la Chambre basse avait finalement adopté une version plus souple, résultat d’un compromis long et difficile à trouver entre les partisans d’une protection totale des non-fumeurs et les partisans d’une protection partielle.
Selon le texte, approuvé par le Sénat en août et signé donc, mardi, par le chef de l’Etat, il sera désormais interdit de fumer dans la plupart des lieux et bâtiments publics ou encore dans les trains. Mais pas dans les bars et restaurants. Une décision qui ne fait guère évoluer la réglementation déjà existante. En effet, chaque bar reste libre de se déclarer fumeur ou non fumeur, comme cela était déjà le cas jusqu’à présent. Seule nouveauté, finalement, les propriétaires seront tenus d’indiquer à l’entrée de leur établissement, au moyen d’un autocollant, si fumer est autorisé ou non à l’intérieur de leurs locaux.Pour Boris Šťastný, un des députés partisans de l’interdiction absolue de fumer, la loi tchèque antitabac est une exception en Europe. Malgré tout, il a voté en faveur de celle-ci.
« Dans un proche avenir il sera interdit de fumer dans tous les établissements qui sont accessibles au public. Ce n’est certes pas ce que j’espérais mais ce n’est pas négligeable. Ce sera par exemple le cas dans les bâtiments de l’administration publique, les espaces collectifs d’institutions comme les banques ou les compagnies d’assurances, les moyens de transport, les gares et ainsi de suite. »
Dans le camp opposé, celui des partisans d’une interdiction partielle de fumer, le député Milan Urban estime que la loi adoptée est un juste équilibre :« Je pense que c’est une mesure qui permet à chacun de décider librement. Sur la porte d’entrée de chaque restaurant, il sera indiqué si celui-ci est fumeur ou non fumeur et il appartiendra au client de décider s’il rentre ou non. Quant à la décision de savoir si l’établissement sera fumeur ou non fumeur, elle reviendra uniquement au propriétaire. Je pense que c’est une décision tout à fait adaptée au mode de vie en République tchèque. Il n’y a aucune décision qui est imposée de force à aucun groupe, qu’il soit fumeur ou non fumeur. Chacun sera libre de décider. »
Les propriétaires de bars et restaurants sont, eux aussi, partagés. Selon un sondage, les trois-quarts d’entre eux pensent qu’une interdiction absolue de fumer n’influencerait pas ou faiblement le taux de fréquentation de leur établissement. Malgré ça, la majorité affirment également qu’ils resteront ouverts aux fumeurs. En somme, pour eux, le nouvel amendement à la loi antitabac ne change pas grand-chose dans leur fonctionnement. C’est ce qu’explique Petr Hloušek, gérant d’un bar de Prague non-fumeur :
« Déjà avant, c’était le propriétaire du bar ou du restaurant qui décidait s’il voulait être ouvert ou non aux fumeurs. L’autocollant sur la porte d’entrée sera finalement la seule nouveauté et, en ce qui nous concerne, je dirais donc qu’il s’agit d’un travail tout à fait inutile de nos législateurs. »Ecrivain chilien vivant à Prague depuis plusieurs années et habitué de ses bars, Jorge Zúniga Pavlov résume lui aussi très bien et à sa manière la situation :
« Vous les Tchèques possédez une très belle expression : ‘Le loup a bien mangé et la chèvre est restée entière’. Je pense que c’est tout à fait ça, et ça ne m’étonne donc pas du tout que Kafka ait vécu dans ce pays. »
A l’arrivée, le président de la République a donc signé une loi antitabac au contenu paradoxal qui assouplit finalement plus qu’elle ne renforce la réglementation existante pour protéger les non-fumeurs, et ne pénalise en rien ni les fumeurs ni les propriétaires de bars et restaurants.