Rusalka, une fée qui se hasarde dans le monde périlleux des hommes
Une nouvelle production de «Rusalka» (L’ondine), chef d’oeuvre lyrique d’Antonín Dvořák, figure, à partir de ce mercredi, au programme du Théâtre national de Prague. L’opéra sur une fée des eaux qui devient femme mortelle et se sacrifie pour l’amour d’un homme, est sans doute un des sommets de l’art lyrique tchèque. Cette nouvelle production très attendue est l’oeuvre commune du metteur en scène Jiří Heřman, directeur artistique de l’Opéra du Théâtre national, et du chef d’orchestre Jakub Hrůša.
Antonín Dvořák et son librettiste Jaroslav Kvapil seraient étonnés et probablement scandalisés par les productions de cet opéra qui se multiplient ces dernières années dans le monde. Les metteurs en scène modernes s’obstinent à supprimer dans cet opéra tout élément magique et souvent réduisent la fée Rusalka au niveau d’une prostituée. Ce n’est pas le cas de la dernière production du Théâtre national bien que le metteur en scène Jiří Heřman ne conçoive pas non plus cet opéra comme un conte de fées classique. «Rusalka» est pour lui le drame d’un être qui prend le chemin de la connaissance, un chemin sans retour :
«Deux mondes entrent en conflit dans l’opéra Rusalka. Le monde des êtres surnaturels et le monde des hommes. Le monde des êtres surnaturels, dont Rusalka et l’Ondin font partie, est pour moi le monde des âmes ayant appartenu à des êtres disparus ou de celles qui tendent vers une nouvelle naissance. Le monde des hommes est régi par les règles dans lesquelles un être pur ne s’oriente qu’avec difficulté et finit par être rejeté par la société.»
«Rusalka» est jouée au Théâtre national depuis un siècle et l’interprétation actuelle de cet opéra est donc le résultat d’un long processus auquel a participé toute une pléiade de chef d’orchestre ayant dirigé cet opéra dans le passé. Le jeune chef Jakub Hrůša refuse cependant d’obéir uniquement aux traditions et aimerait jeter une nouvelle lumière sur la partition vénérable :
«Mon intention est de révéler toutes les beautés de la partition et de les montrer sous le meilleur jour ce qui n’est pas toujours facile dans ce célèbre théâtre. C’est une tâche à deux niveaux. Il s’agit d’abord de faire passer la musique de cette partition aux oreilles des spectateurs. D’autre part, ce théâtre a une longue tradition qui est en partie utilisable mais qui est aussi un élément faisant obstacle à tout ce qui est nouveau.»
Parmi les chanteurs engagés pour cette production, on trouve Aleš Briscein, un des meilleurs ténors tchèques de l’actualité, dans le rôle du Prince, et aussi la mezzo-soprano Dagmar Pecková qui campe le double rôle de la sorcière et de la princesse étrangère. Rusalka, elle, est incarnée par las soprano Dana Burešová:
«Rusalka est un rôle qui m’est très proche. Mais je le sens différemment. Pour moi c’est toujours un conte de fée et je suis donc toujours à la recherche d’un chemin qui n’est pas féerique, qui permet une interprétation plus générale, comme si c’était une histoire que chacun pourrait vivre. J’apprends, je cherche le chemin et c’est un chemin très intéressant car je découvre les choses que je n’ai jamais connues.»
Quoi qu’il en soit, «Rusalka» reste malgré tout un opéra magique tout simplement grâce à la magie de la musique dont le charme séduit, un siècle après sa création, jusqu’aux adversaires endurcis des contes de fées.