Festival du film d’archives : retour sur 1968
Du 24 au 29 avril la ville de Moravie du Sud d’Uherské Hradiště accueille la 11e édition du Festival du film d’archives. Une manifestation destinée aux historiens, professionnels du cinéma mais aussi au large public. Michal Procházka est critique de cinéma et un des coordinateurs du projet qu'il a évoqué pour Radio Prague.
« C’est un événement qui est un carrefour entre le témoignage du film classique et un thème culturel du passé. Cette année on a choisi de regarder en arrière vers les années 60, ce qui est intéressant, ici, car on regarde cette période, en RT, à travers le Printemps de Prague, les moments tragiques de notre histoire, et l’invasion soviétique. »
Mais ce n’est pas que du point de vue des Tchèques, ça touche les années 1960 dans leur globalité...
« Bien sûr, on essaye d’amener la perspective de ce qui s’est passé à Paris, Londres, Berlin, en Italie, pour rappeler que ce n’était pas seulement le Printemps de Prague et le mouvement de libéralisation du système totalitaire. »
Dans cette optique, quels films avez-vous sélectionné ?
« On a essayé de projeter des films de tous les aspects importants des années 1960. On témoigne aussi de mai 1968 à Paris, à travers des films de Godard, Marin Karmitz. On a choisi des films sur les manifestations aux Etats-Unis, des films sur le ‘swinging London’. On a aussi programmé des films qui font une sorte de bilan de cette époque. On va donc projeter des films assez sarcastiques comme La maman et la putain, de Jean Eustache. On va montrer le premier film de Serge Gainsbourg, Je t’aime moi non plus. Egalement le film de Louis Garrel, Les amants réguliers pour témoigner des utopies. Car ce festival est dédiée aux utopies de ces années mais aussi aux désillusions qui s’en sont suivies. »Au regard de tous ces films, mais aussi des documentaires, quel est le bilan de ces années, avec le recul ?
« Bien sûr, les utopies et les illusions de ces années sont perdues aujourd’hui. Les gens à l’époque croyaient qu’en se révoltant contre la famille, la société de consommation, la morale bourgeoise, la fidélité, on pouvait changer le monde. Mais une chose est intéressante. Quand on a commencé à préparer ce festival, on a découvert quelque chose de particulier auprès des Tchèques. J’ai réalisé que même si les utopies s’étaient perdues, la jeune génération de Tchèques, ceux qui ont 20-30 ans aujourd’hui, se trouve dans la même situation que les Français, Allemands, Américains, après la deuxième guerre mondiale, dans les années 1960. Cela correspond à 20 ans depuis la fin d’une tragédie, soit la deuxième guerre, soit le communisme. Les gens se sont retrouvés dans une situation de frustration, de révolte cachée, contre la politique, les personnages du gouvernement, contre le système. Contre le fait qu’il s’agit d’une société figée et sans mouvement. »