Trois regards, deux villes : Petr Šrámek revisite les clichés de Sudek et Atget
Paris – Prague. Les deux capitales sont mises en parallèle depuis le 23 janvier dernier par le photographe Petr Šrámek dans la galerie 35 de l’Institut Français de Prague. En suivant les pas du photographe tchèque Josef Sudek et du français Atget, Šrámek compare les évolutions des deux villes entre la fin du début du XXe siècle, les années 50 et aujourd’hui. Olga Poivre d’Arvor, directrice de l’Institut Français commente l’exposition, avant que Petr Šrámek ne présente son travail.
« Ce projet tient à une rencontre il y a déjà une année et demi avec Petr Šrámek qui par hasard est passé par l’Institut français en se présentant comme un photographe. Comme nous accueillons en général les photographes avec beaucoup de joie, nous avons commencé à parler et il nous a expliqué qu’il travaillait sur des sujets très intéressants, c’est-à-dire sur le regard de certains photographes qu’il reprenait lui-même et apportait son regard à lui. D’où le projet Sudek - Atget où il croisait les continents et les regards. Je pense que cette collection qu’il présente à l’Institut français est l’exemple absolument parfait d’un travail international – pas du tout européen parce que c’est très à la mode de dire aujourd’hui projet européen. Je pense qu’il faut aller un peu plus loin et qu’il faut croiser l’Europe avec d’autres continents. Alors Petr Šrámek qui est tchèque d’origine, qui vit au Canada, qui parle tchèque, français et anglais, parce qu’il vit à Toronto, a un regard qui présume qu’il y a quelque chose d’intéressant. Et effectivement, les deux superpositions de son regard par rapport à l’œuvre de Sudek – Prague vue par Sudek et Šrámek – et ensuite à Paris se reproduit la même chose avec le photographe français, c’est génial parce qu’on a tout dans un seul lieu. Pour le public, c’est un regard complètement nouveau, ce n’est pas une exposition monographique parce que nous avons en fait trois photographes dedans et c’est cela qui est intéressant. »
Il y a finalement peu de différences sur les clichés, les deux villes n’ont pas énormément changé malgré les décennies.
« Cela dépend des choix parce que ce que vous voyez sur les photographies dans la galerie sont les endroits que nous connaissons tous. C’était aussi un peu le but du photographe, c’est-à-dire prendre en photo les lieux qui ne changent pas. C’est aussi un point de repère. Je pense que quelque part – nous en avons discuté avec Petr – c’était aussi de rappeler aux gens que malgré les changements, les évolutions dans le bon ou dans le mauvais sens, il y a toujours quelque chose qui reste. Il y a une constante, parce qu’il nous faut une base, sinon on est perdu. »
Pour chaque lieu parisien ou pragois, l’exposition présente donc deux ou trois clichés ; l’original d’une part, suivi de la version Šrámek. Une exposition qui s’apparente parfois au jeu des sept erreurs, où le visiteur cherche les différences et les similitudes sur les clichés, ce qui rend la visite particulièrement ludique. Mais il s’agit aussi d’un travail minutieux, de précision, sur deux villes chargées d’histoire et sur deux illustres photographes. Petr Šrámek :
« Pendant quelques années, j’ai fait des photos panoramiques et un été j’étais à Prague, et le livre de Sudek, Prague Panoramique, était dans les librairies, 40 ans après que le livre ait été publié. J’ai vu les clichés de Prague panoramique et je me suis demandé où étaient ces lieux. J’aime beaucoup Sudek et j’ai eu l’idée de trouver les lieux des photos. C’est après que j’ai découvert que d’autres photographes font de tels projets. Alors j’ai revisité environ 80 lieux de Sudek, et ces deux dernières années, j’ai fait des photos à Paris. Atget est un des plus grands photographes du monde de l’histoire de la photo. Il y a aussi d’autres photographes qui ont fait ce que j’ai fait avec les photos d’Atget. »
Sudek n’avait pas pris des photos exclusivement du centre de Prague mais aussi de ses faubourgs. Etes-vous allé aussi sur les pas de Sudek dans les faubourgs de Prague ou êtes-vous resté en centre ville ?
« Je m’intéresse beaucoup aux lieux historiques – les bâtiments, l’architecture historique. Alors j’ai eu l’idée de faire des photos du centre de Prague. En ce qui concerne les photos de Sudek qui sont faites hors du centre de Prague, tout a changé maintenant. Je n’ai pas eu le temps de retrouver ces lieux. Ces photos seraient très difficiles à faire, parce que quand je fais ces photos, je trouve les endroits exacts, si possible, d’où Sudek a fait ces photos. Et c’est donc très difficile quand l’architecture a complètement changé. Aussi, je m’intéresse aux endroits un peu touristiques parce que pour moi c’est intéressant que les lieux historiques soient les lieux culturels mais deviennent aussi des lieux touristiques. Peut-être que c’est un peu moins intéressant pour les gens qui vivent à Prague parce que ces lieux sont très connus mais pour moi c’est intéressant de voir comment les lieux changent et comment nous pensons différemment à ces lieux parce qu’ils sont touristiques ou trop connus, ou trop photographiés. »
On dit que Sudek avait une démarche artistique tandis qu’Atget avait une démarche documentaliste. Quelle est votre démarche ?
« Mon travail en général est une démarche plutôt artistique mais dans ce projet, c’est un peu plus documentaire parce que les photos ne sont pas esthétiques, ou ne résultent pas de mon choix. Je répète le choix des autres photographes, alors c’est plutôt documentaire. »
L’exposition se tient jusqu’au 13 mars 2009.
Photo: Petr Šrámek