Pavel Dias : 50 ans de photodocumentaire
La galerie Langhans à Prague, référence en matière d’exposition photo, propose ces jours-ci deux expositions parallèles : d’un côté, les récentes réalisations d’un photographe américain, Bill Jacobson, de l’autre une petite rétrospective du travail du photographe tchèque Pavel Dias.
« Ce travail est un travail personnel : c’est de la photographie documentaire personnelle. Je n’ai jamais eu baucoup d’occasions de voyager, mais j’ai pu me rendre dans quelques endroits. J’ai fait l’Inde, des endroits en Afrique du Nord, j’ai voyagé en Europe. Mon nom de famille a attiré l’attention en Espagne, donc j’y suis allé plusieurs fois. Et parce que j’ai travaillé pendant de nombreuses années sur le judaïsme, les camps de concentration et la Shoah, je me suis rendu quatre ou cinq fois en Israël. »
Pavel Dias a en effet réalisé un cycle de photographies consacrées aux camps de concentration. Aujourd’hui âgé de 70 ans, ce besoin de capter ces lieux de l’horreur et de la barbarie du XXe siècle trouve ses racines dans l’histoire douloureuse de sa famille. Pavel Dias :
« Mon grand-père qui m’a servi de père a survécu aux camps et est revenu vivant de Buchenwald. Il en parlait beaucoup. J’ai commencé à travailler sur le sujet, et j’ai beaucoup voyagé pour visiter ces anciens camps. De 1960 ou 1961 à 1995, j’ai assisté à toutes les commémorations. C’est comme cela qu’est né le cycle ‘Le torse de l’Holocauste’. Mais j’ai eu des problèmes : bien que les communistes se soient proclamés anti-fascistes, ils ne voulaient pas attirer l’attention sur les camps car cela aurait pu rappeler aux gens l’existence des goulags. »
Mais Pavel Dias n’a pas uniquement capturé Auschwitz, l’exposition de la galerie Langhans montre également ses photos de Paris en 1968, le monde des chevaux et des courses, un cycle qu’il a particulièrement développé et qui lui a permis de voyager même sous le communisme. Une place toute particulière, à part, dans l’espace de la galerie, a été réservée aux photos de de Pavel Dias lors des événements historiques qui ont marqué l’histoire tchécoslovaque de la seconde moitié du Xxe siècle : 1968 et l’occupation soviétique, 1969 et l’immolation de Jan Palach, 1989 et la liberté enfin retrouvée. Une des photos les plus frappantes est la photo aérienne montrant la longue file de Tchèques venus rendre un dernier hommage à Palach, une file allant de la place de la Vieille-Ville à l’Université Charles où sa dépouille avait été installée. Pavel Dias :
« Je me souviens très bien : j’étais à une réunion de photographes au restaurant Manes, près de la Vltava. C’est là qu’on appris ce qu’il s’était passé. Nous avons décidé de manifester nous aussi et de publier une déclaration. Nous l’avons apportée au président du comité de coordination qui n’était autre que le poète Jaroslav Seifert, qui a plus tard reçu le Prix Nobel de littérature. Jan Palach a fait la chose la plus tragique qu’il pouvait faire. C’était le signe d’un désespoir et d’une déception terribles vis-à-vis de ce qui se passait dans le pays et de ce que nous acceptions alors sans protester. »
On s’arrête un moment, surpris, devant une photographie montrant les tanks à Prague en août 1968 et les Pragois qui protestent. A côté du tank, un homme, le visage dissimulé par son objectif : c’est Josef Koudelka, le photographe emblématique des sept journées les plus importantes de l’invasion. Tout comme Koudelka, Pavel Dias s’inscrit dans la veine du photodocumentaire typique pour des agences comme Magnum.
L’exposition Pavel Dias, à la galerie Langhans, c’est jusqu’au 1er mars.