Quelques jours seulement avant le 40e anniversaire de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les armées du Pacte de Varsovie le cinéaste Jan Němec a mis un point final à un film évoquant cet événement lourd de conséquences. Le film intitulé « La Nana Ferrari Dino » est basé sur des faits réels et marie des passages documentaires de 1968 avec des séquences tournées quatre décennies plus tard.
Jan Němec
Le 21 août 1968. Prague se réveille le jour qui marquera la fin d’un grand espoir. Les rues sont envahies par des tanks russes. Le réalisateur Jan Němec ne peut pas rester passif. Il trouve en hâte un cameraman et quelques bobines de matériel et commence tout de suite à tourner un reportage sur l’occupation. Ecoutons-le:
'La Nana Ferrari Dino'
«J’ai saisi par la caméra tout ce qui se passait aux endroits les plus importants, c’est-à-dire, sur la Place Venceslas, devant le siège du comité central du Parti communiste, sur les ponts traversés par des tanks, mais surtout ce que j’appellerais le combat pour la Radio tchécoslovaque, c’est-à-dire des chars russes, des voitures en flammes, des rafales de mitraillettes, des morts. Ce sont quatre bobines de film qui retracent la suite chronologique des événements et donnent une image vraie de ce qui s’est passé, sans montage, pour donner un effet dramatique.»
'La Nana Ferrari Dino'
Jan Němec se rend compte qu’il faut agir vite pour que le monde sache ce qui se passe dans son pays. Il décide donc de faire passer ce document explosif le jour même à Vienne, entreprise périlleuse au moment où les frontières sont surveillées par l’armée de l’occupant. Il s’y lance quand même et réussit cet exploit grâce aussi à un ressortissant italien et à une jeune comédienne tchèque qui sont du voyage et qui l’aident à passer pour un Italien. C’est également grâce à eux que les précieux documents arrivent à la télévision autrichienne et sont diffusés dès le 22 août. Le lendemain de l’occupation le reportage est vu par un milliard de téléspectateurs dans le monde entier. Jan Němec:
'La Nana Ferrari Dino'
«Nous étions dans une espèce de délire. Notre colère contre les Russes était si violente que si nous avions eu des armes, cela se serait terminé de façon catastrophique pour nous. La caméra était pour nous une arme, un moyen de résistance, parce que nous voulions montrer au monde la réalité. Les Russes, eux, envisageaient d’affirmer que les Tchèques les accueillaient avec des fleurs comme en 1945, ou bien qu’ils tiraient sur eux comme en Hongrie en 1956. Nous avons déployé toute notre énergie pour saisir ce qui se passait sans nous rendre compte du danger.»
Aujourd’hui donc, cette aventure mémorable est portée à l’écran. Les protagonistes de l’histoire, le réalisateur, l’Italien et la jeune comédienne tchèque sont campés par des acteurs professionnels mais le célèbre reportage, 16 minutes de documents authentiques sur l’occupation de Prague, sont incorporés dans le film. La première de cette œuvre hybride aura lieu sur Internet ce jeudi, 21 août. Six jours plus tard elle ouvrira le festival Fresh Film Fest à Karlovy Vary.