Réhabilitation de Wilhelm Riedel, le disciple tchèque de Corot et de Daubigny
L’exposition de tableaux de Wilhelm Riedel organisée par la Galerie nationale de Prague au palais Kinský révèle au grand public un peintre injustement relégué aux oubliettes de l’histoire. Václav Richter, lui aussi, vient de découvrir cet artiste exquis qui, pourtant, a égalé, au XIXe siècle, les meilleurs paysagistes tchèques.
Wilhelm Riedel était Tchèque de langue allemande, né dans une vieille famille de verriers du nord de la Bohême. Il a vécu entre 1832 et 1876 et, selon la commissaire de l’exposition Šárka Leubnerová, il a passé une grande partie de sa courte existence en voyage, toujours à la recherche de nouvelles inspirations :
«Sa vie a été relativement riche. Après des études à l’Académie des Beaux Arts à Prague, chez le professeur Maxmilian Haushofer et ensuite pendant quatre ans à Düsseldorf, chez le peintre romantique allemand Andreas Achenbach, il a fait deux longs séjours en Italie. A l’instar de son professeur, il s’est rendu à Rome, au Paestum, en Sicile ou il a peint des monuments antiques. Le paysage italien a changé son style. Sa palette s’est éclaircie et enrichie de couleurs resplendissantes.»
A partir de 1864 l’artiste vit en France dans les environs de Barbizon et plus tard chez le peintre tchèque Soběslav Pinkas établi à Cernay-la-Ville. Le style de Wilhelm Riedel s’imprègne du réalisme lyrique de l’école de Barbizon, sa palette nous fait penser à Corot et Daubigny.
«C’est sans doute Charles François Daubigny qui a eu la plus grande influence sur lui. Daubigny comme Riedel a travaillé en Bretagne, au même endroit, près de l’île de Bréhat. Ils ont peint les mêmes paysages.»
Wilhelm Riedel cherche à saisir le caractère austère et grandiose de la côte bretonne et des îles de Sark et de Guernesey. Sur ses toiles de ce temps-là défilent des rochers fouettés par le vent et les vagues de l’Atlantique, des phares, des menhirs et de pauvres villages de pêcheurs. C’est là qu’il trouve le motif d’un de ses tableaux les plus célèbres « La Chapelle des mouettes de l’île de Sark » représentant une formation de rochers monumentaux et pittoresques qui sert de refuge aux oiseaux de mer. Il est fasciné par le granit rose de Bretagne qu’il peint sous différents éclairages. Il passe également quelque temps en Seine-et-Oise où il ne se lasse pas de saisir la beauté chatoyante des berges des rivières dans une série de toiles dans lesquelles il fait fructifier la leçon de Corot.
Vers la fin de sa vie Wilhelm Riedel, malade, revient en Bohême et son œuvre sombre peu à peu dans l’oubli. Selon Šárka Leubnerová, ce sont ses origines allemandes qui ont nui à la réception de son œuvre par la postérité :
«Au XXe siècle la création de Wilhelm Riedel a été reléguée au domaine de l’art allemand. Ainsi les Allemands le considéraient comme un étranger et les Tchèques comme un Allemand.»
L’histoire de l’art du XXIe siècle se débarrasse heureusement de ce genre de préjugés et constate que l’art de ce peintre s’est développé dans le contexte tchèque et a subi, comme d’ailleurs toute la peinture tchèque de son temps, une profonde influence de l’art français. Ainsi les historiens d’art replacent aujourd’hui Wilhelm Riedel aux côtés de Soběslav Pinkas et Viktor Barvitius, donc parmi les grands peintres de Bohême du XIXe siècle.