Pénurie de main d'oeuvre : un problème de taille pour l'économie tchèque
En quelques années, le manque de travailleurs qualifiés est devenu tel que près de trois quarts des employeurs du pays ont des difficultés à trouver de nouveaux employés. Les agences de recrutement vont chercher les candidats plus à l'Est, les autorités tchèques envisagent quant à elles un système de cartes vertes pour faciliter l'embauche de citoyens moldaves, ukrainiens, biélorusses ou encore vietnamiens.
Kolin, à quelques dizaines de kilomètres de Prague : c'est là que Toyota et Peugeot Citroën ont choisi d'installer leur usine commune, attirés comme bon nombre d'investisseurs étrangers par le faible coût du travail et la situation géographique favorable de la République tchèque. Avec plus de 6% de croissance et un taux de chômage inférieur à 7%, l'économie du pays se porte plus que bien. Mais, revers de la médaille, c'est à une pénurie de main d'oeuvre que doivent aujourd'hui faire face les employeurs.
« La situation est réellement plus difficile qu'il y a cinq ou dix ans, concède Matej Matolin, porte-parole de TPCA. Ceci est dû à l'implantation de plus en plus de nouvelles sociétés étrangères dans le pays. Ça devient plus compliqué pour nous et nous devons faire plus d'efforts pour attirer des employés de qualité, au niveau des salaires mais pas seulement. Les conditions de travail, la stabilité, l'environnement... tous ces éléments qui peuvent rendre un emploi attrayant. »Au-delà de ces éléments, on tente également d'intéresser les employés par divers moyens : chez TPCA par exemple, les salariés ont droit à de gros rabais s'ils veulent acheter un des véhicules produit ici. Plus encore : dans l'usine, des affiches promettent 20 000 couronnes de récompense (près de 800 euros), à tous ceux qui convaincront quelqu'un de venir travailler ici ! Et la concurrence dans le secteur automobile s'annonce encore plus rude avec l'arrivée de Hyundai en Moravie.
Bonne nouvelle en tout cas pour les salariés : cette concurrence fait grimper les salaires : 7,4% d'augmentation en un an pour le salaire moyen, aujourd'hui à 21 462 couronnes, ce qui reste cependant bien en dessous des salaires moyens de l'Ouest de l'Europe.
Jusqu'ici, les grandes entreprises ne concédaient pas volontiers qu'elles avaient des difficultés à embaucher. Désormais, on parle ouvertement du problème. Martin Jahn, ancien vice-Premier ministre en charge de l'Economie aujourd'hui en charge des ressources humaines chez Skoda Auto ne fait pas de mystère : il manque environ 500 employés au constructeur automobile, et les postes ne parviennent pas à être pourvus.
A Prague, les agences de recrutement commencent sérieusement à s'arracher les cheveux pour trouver des candidats pour leurs clients. Le secteur industriel n'est pas le seul concerné par cette pénurie de main d'oeuvre qualifiée.
« Le secteur des technologies de l'information est particulèrement problématique, indique Barbora Tausova, de l'agence Kelly Services-Talents, spécialisée dans la pharmacologie et les technologies de l'information. Les postes de programmeurs, analystes ou consultants sont les plus difficiles à pourvoir. Mais même dans le secteur scientifique, nous commençons à être confrontés à un manque de travailleurs qualifiés, notamment dans le domaine de la recherche clinique. Du coup, les gens ne recherchent plus vraiment activement du travail dans ces domaines, ils attendent d'être contactés par des chasseurs de tête.»
Il devient d'autant plus difficile pour ces agences - et pour les entreprises en général - de recruter que les Tchèques ne sont pas vraiment réputés pour leur flexibilité.
« Il n'est pas rare que nous recevions des candidats très peu flexibles, regrette Barbora Tausova. A plusieurs reprises déjà, des candidats ont refusé une offre parce que l'entreprise était trop loin du domicile. Et je ne parle pas de plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres, ça se joue des fois à la ligne de métro. Par exemple, un candidat habitait sur la ligne B du métro pragois et il a refusé une offre parce que l'entreprise était située sur la ligne A... »
Du coup, ce genre d'agences a déjà commencé à aller recruter plus loin, vers l'Est. En Slovaquie bien sûr depuis un certain temps déjà, un marché du travail proche et pratique en raison de la langue, mais aussi depuis peu plus à l'Est, notamment chez les deux nouveaux membres de l'UE, en Bulgarie et surtout en Roumanie.
Selon une étude réalisée récemment par la Chambre nationale de commerce, 74% des entreprises en République tchèque ont du mal à trouver des employés. Face à ce nouveau problème, le gouvernement veut faciliter l'embauche de travailleurs étrangers venant de pays situés encore plus à l'Est.« A l'heure actuelle, les projets du ministère du travail sont orientés vers des pays comme l'Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie ou la Russie, précise Jiri Sezemsky, porte-parole du ministère du travail et des affaires sociales. Mais les entreprises se plaignent des procédures trop compliquées, donc nous allons nous efforcer en partenariat avec d'autres ministères de les simplier grâce à un système à l'américaine de cartes vertes. »
Les séries de nouvelles mesures prévues par les autorités tchèques pour remédier à cette pénurie de main-d'oeuvre sont attendues avec impatience par les chefs d'entreprise. D'autant que l'annonce par Berlin de l'ouverture partielle du marché du travail allemand pourrait compliquer encore un peu plus la situation, si certains Tchèques sont prêts à faire preuve d'un peu de flexibilité pour toucher un salaire beaucoup plus élevé et en euros chez le voisin.