Le songe tchèque de Jiri Trnka

« Le songe d'une nuit d'été »
0:00
/
0:00

Depuis début février et tout au long de l'année, la Cinémathèque nationale, rue Bartolomejska, à Prague 1, organise des projections de films d'animation Jiri Trnka - cet artiste éclectique de notoriété internationale, qui aurait fêté, en 2007, ses 95 ans.

Né à Plzen, Jiri Trnka a influencé presque tous les domaines de l'art plastique tchèque : il fut donc cinéaste, illustrateur, peintre, sculpteur, et créateurs de décors et de costumes pour le théâtre. A partir des années 30 et jusqu'à sa disparition en 1969, il a illustré 150 livres, tourné 30 films d'animation et créé un millier de marionnettes pour le cinéma et le théâtre... « L'année tchèque » tourné en 1947, qui met en scène les coutumes populaires de son pays, le conte « Prince Bayaya » de 1950, « Les vieilles légendes tchèques » ou encore « Le Brave soldat Chveïk », porté à l'écran en 1955... ces films continuent à fasciner petits et grands, en République tchèque et partout dans le monde. Citons encore deux de ses chef-d'oeuvres : le long-métrage « Le songe d'une nuit d'été », une adaptation de Shakespeare, et « La main », son dernier film, en 1965, politique cette fois-ci : il met en scène un Harlequin impuissant face à une main autoritaire et indestructible... Ce film fut d'ailleurs interdit de projection pendant de longues années, dans son pays d'origine.

Dans quel contexte historique, en fait, Jiri Trnka a-t-il percé sur la scène artistique du pays ? La réponse de Michaela Mertova de la Cinémathèque nationale :

« Le songe d'une nuit d'été »
« Avant la Deuxième Guerre mondiale, de petits studios et des créateurs isolés ont émergés. Ils ont tourné des dessins animés à vocation publicitaire. Ils s'inspiraient de Walt Disney et de films burlesques américains. Ensuite, pendant la Guerre, les Allemands ont essayé de fonder en République tchèque un grand studio, une sorte de concurrent de Disney. Ils ont embauché un nombre assez important de personnes, qui étaient, pour la plupart, des étudiants issus des universités tchèques fermées pendant l'occupation. S'il n'y avait pas eu ces circonstances-là, je pense que ces gens ne se seraient jamais lancés dans le cinéma d'animation...Après la libération, cette équipe tchèque a sauvé ce studio et a demandé à Jiri Trnka, en tant que personnalité respectée dans le métier, de le diriger. »

Ainsi, le fameux studio d'animation « Bratri v triku » a donc vu le jour (il avait comme logo trois petits garçons tous habillés d'un pull rayé). En l'espace de cinquante ans, plus de 1600 films d'animateurs et scénaristes renommés, tels Bretislav Pojar, Zdenek Miler, l'auteur du légendaire « Krtecek », Adolf Born ou Jiri Brdecka ont été tournés. En 1946, Jiri Trnka a fondé un autre studio, celui du film de marionnettes.

Que sait-on encore de cet homme robuste à la moustache garnie et d'apparence plutôt réservée ? Qu'il s'entourait de gens qui étaient, tout comme lui, des pointures dans leur métier : d'excellents animateurs et compositeurs de musique, d'acteurs du Théâtre national qu'il laissait parler dans ses films. Qu'il travaillait infatigablement, plusieurs années, sur chacune de ses merveilles cinématographiques. Et encore ? Michaela Mertova :

« A la fin de sa vie, Trnka a dit que ce qui l'avait intéressé au début, c'était d'exprimer une image en mouvement, tandis qu'après, il voulait faire rentrer tout le mouvement dans une seule image. C'était à l'époque où il illustrait beaucoup...Et puis, il n'a jamais été fasciné par Disney, comme la plupart de ses collègues. Il voulait faire ses films à lui, des films de marionnettes surtout, ce que Disney ne faisait pas. Chacun de ses films est différent, le côté plastique change, le sujet aussi, mais sa poésie reste la même. C'est toujours du Trnka... Les sujets qu'il choisissait sont aussi spécifiques. Par exemple, on ne croyait pas que les légendes tchèques puissent intéresser les spectateurs dans d'autres pays. Mais il les raconte d'une telle manière qu'aujourd'hui encore, les gens à l'étranger les aiment et les connaissent. »

Les films de Jiri Trnka, vous ne les trouverez malheureusement pas dans les rayons DVD... Autant en profiter, si la Cinémathèque nationale nous offre l'occasion de redécouvrir son oeuvre : ce sera tout au long de l'année 2007 (surtout au mois de juin, qui est consacré aux enfants), au cinéma Ponrepo, rue Bartolomejska. Vous y verrez également une exposition de photographies prises par le chef opérateur des films de Trnka, Jiri Vojta, lors du tournage du « Songe d'une nuit d'été ». Sur une des photos, vous reconnaîtrez Yves Montand et Simone Signoret, qui ont rencontré Trnka dans son studio, lors de leur visite à Prague - c'était autour de 1960. Et sinon, les marionnettes de Jiri Trnka sont exposées, chaque été, au château de Kratochvile, en Bohême du Sud. Enfin, tout le parcours de Jiri Trnka est retracé dans sa superbe monographie de 500 pages (et qui comporte autant de dessins). Elle a été publiée en 2002 chez Academia.