La visite du cimetière de Vysehrad - lieu de mémoire national
Vysehrad, le deuxième plus important complexe historique de Prague, après le château, invite à des promenades. Situé sur un rocher au-dessus de la Vltava, il procure des vues magnifiques du panorama de la ville. Vysehrad est un endroit mystique et cher aux Tchèques puisque lié aux débuts même de notre Etat. Depuis le Xe siècle, il était le siège des princes. Selon l'une des légendes attachée à Vysehrad, la princesse Libuse aurait prédit, déjà au début du VIIIe siècle, à cet endroit, la fondation de Prague.
L'église Saint-Pierre et Saint-Paul est une dominante de Vysehrad. A sa proximité se trouve le cimetière national dénommé Slavin - lieu de la Gloire, où reposent des personnalités illustres de la culture, des lettres et des arts tchèques... Les Pragois aiment s'y promener et comme j'ai pu le constater lors de ma récente visite, il y a aussi beaucoup de visiteurs étrangers qui se rendent à cet endroit unique et insolite, et c'est donc là où je vous invite, aujourd'hui.
Souvent, les touristes étrangers n'ont pas suffisamment de temps pour faire une visite détaillée du cimetière de Vysehrad et donc, ils cherchent les noms les plus célèbres, les plus connus. Ainsi, leurs premiers pas se dirigent vers les tombeaux d'Antonin Dvorak et Bedrich Smetana. Ils cherchent aussi le tombeau de Franz Kafka, puisque le nom Kafka est inscrit sur l'un des tombeaux, mais ce n'est qu'une coïncidence : il s'agit de Bohumil Kafka, célèbre sculpteur, entre autres auteur de la plus grande statue équestre de Jan Zizka au sommet de la colline pragoise de Vitkov. L'écrivain Franz Kafka est, quant à lui, inhumé au cimetière juif de Prague-Olsany.
Le cimetière national de Vysehrad n'est pas très étendu. La concentration de tombeaux de personnages célèbres qui, à leur époque, ont beaucoup apporté à la culture, à l'érudition et à l'idée d'une autodétermination nationale, est particulièrement forte. Au début des années 1860, le cimetière occupait une petite surface au pied de l'église. L'épanouissement de la conscience nationale que le pays a vécu après la chute du régime absolutiste s'est exprimé, entre autres, à travers le désir de créer, suivant l'exemple d'autres grandes nations européennes, un endroit où seraient enterrés tous ceux qui avaient le plus travaillé à la renaissance de la culture nationale. Cette idée a vu le jour au sein de Svatobor - société de patriotes fondée en 1862 par l'historien Frantisek Palacky. Vysehrad a été choisi comme le lieu le plus approprié et le plus digne.
L'idée de faire un panthéon tchèque a commencé à se réaliser avec des monuments funéraires individuels - le premier a été érigé au-dessus du lieu du dernier repos de Vacslav Hanka, bibliothécaire et archiviste, non loin de l'entrée principale. A son sommet il y a le symbole de Svatobor - trois mains tenant un cercle, signe de la parole d'ordre de la société : Aide, Illumine, Rappelle-toi.
Le cimetière a été progressivement élargi pour atteindre, à la fin du XIXe siècle, ses dimensions actuelles. Parallèlement aux travaux de réfection de l'église, il a reçu une nouvelle forme artistique : la moitié de son périmètre est orné d'arcades néo-Renaissance au-dessous desquelles se trouvent des tombeaux les plus monumentaux. Le panthéon de Slavin a été terminé en 1893. C'est un mémorial au sommet duquel il y a un sarcophage sur lequel se penche un personnage allégorique ailé - Le Génie de la patrie. Au fil du temps, la dénomination de Slavin a pris une valeur plus générale, s'attachant à l'ensemble du cimetière. L'explication est logique : le panthéon de Slavin symbolise tout ce champ saint ou, parmi les milliers qui ont dédié leur vie à leur famille et au service de leurs proches, reposent des centaines de personnages qui brillaient par leur activité méritoire au service de tous, de la nation, de la patrie.
Depuis sa création, le panthéon accueillait des poètes, des écrivains et des grands hommes de science, plus tard également des sculpteurs, peintres, musiciens et acteurs. De nos jours, il y a 54 hommes et femmes qui y sont enterrés dont Josef Vaclav Sladek, poète et traducteur, Josef Vaclav Myslbek, fondateur de la sculpture tchèque moderne, Ema Destinnova, chanteuse d'opéra applaudie à Londres et à New York, Jan Kubelik, violoniste et compositeur, ainsi que son fils, Rafael, chef d'orchestre, Frantisek Krizik, inventeur et fondateur de l'industrie électrotechnique ou Alfons Mucha, peintre et graveur installé en France.
Le cimetière de Vysehrad n'est pas un musée avec une histoire achevée où il n'y a plus d'enterrements. Sa terre accueille des personnages immortalisés par leurs oeuvres. Si nous n'entrons pas au cimetière par la porte principale à côté de l'église, mais par une petite porte située à l'Est, directement en face de nous se trouve la pierre tombale en granit noir poli de Jan Neruda, romancier et poète, auteur des Contes de Mala Strana, Chants cosmiques, de feuilletons et de récits de voyage.
En face de lui, le tombeau de Bozena Nemcova, la plus grande femme de lettres tchèque, auteur du roman inoubliable Babicka, la Grand-mère, imprégné de l'idéal d'amour, de compréhension entre les hommes et de sagesse. Le relief sur la pierre tombale de Bozena Nemcova décédée à l'âge de 42 ans montre une scène de son roman le plus célèbre.
Les visiteurs ne manquent pas de s'arrêter devant le tombeau de Karel Capek, écrivain, poète et traducteur, dont les drames ont prévu la menace du fascisme et qui, dans son roman fantastique R.U.R., a créé le mot devenu international « robot ».
Sous une pierre tombale en style classique repose Karel Hynek Macha, le plus important représentant du romantisme tchèque et fondateur de la poésie moderne comparé à Byron. Toutes les générations se réfèrent à son poème d'amour, Maj.
Sur le chemin de la chapelle du cimetière, nous montons par un escalier vers l'allée principale ou se trouve un monument avec le nom de Jan Evangelista Purkyne, médecin, chercheur en sciences naturelles et philosophe qui a fondé le premier Institut physiologique en Europe.
En prenant le chemin qui longe l'église, vers la porte principale, le premier tombeau à gauche est celui de Milada Horakova, juriste et politicienne démocratique, inculpée dans un procès manipulé de haute trahison et d'espionnage et condamnée, le 27 juin 1950, à la peine capitale. Sa dépouille a été anéantie et son tombeau érigé tout récemment à Vysehrad portant l'inscription - exécutée et jamais enterrée, est un monument symbolique.