« À Vyšehrad, la vue panoramique et les jeux de lumière participent à ce charme tout particulier »
Le métro de Prague a 50 ans ! À cette occasion, nous vous invitons à découvrir quelques-unes des stations emblématiques du réseau métropolitain de la capitale tchèque. Dans cet épisode, nous descendons à Vyšehrad, sur la ligne C, où se trouve l’une des stations à la fois parmi les plus anciennes et les plus atypiques de la ville, tant par sa configuration que par son esthétique. Architecte du métro de Prague, Anna Švarc nous y a donné rendez-vous pour une visite privée.
Pour ce nouvel épisode, je vous ai laissée choisir la station que vous souhaitiez nous présenter. Votre choix s’est porté sur Vyšehrad. En tant qu’architecte, qu’appréciez dans la configuration de cette station ? Quelles singularités présente-t-elle selon vous ?
« À mes yeux, Vyšehrad est l’une des stations les plus fascinantes du métro de Prague. Son aménagement en surface dans cet ensemble urbain compact offre une vue panoramique unique sur les environs, et les jeux de lumière sans cesse différents qui l’animent, participent à ce charme tout particulier. Elle se démarque aussi par le prolongement qu’elle forme avec le pont monumental de Nusle, lui-même emblématique de la ligne d’horizon de Prague. La station n’est pas très imposante et s’intègre ainsi parfaitement à son environnement naturel, à flanc de colline, constitué d’un ensemble de terrasses et d’espaces verts. L’harmonie avec le paysage mérite véritablement d’être relevée. »
Peut-on dire que la station Vyšehrad est tout à la fois souterraine, terrestre et aérienne ?
« Oui, du côté du pont, les voies surplombent la ville, à une quarantaine de mètres de hauteur, puis elles longent le sol avant finalement de s’enfoncer sous terre. »
Le pont de Nusle, dans le prolongement de la station, a-il été conçu dès le départ pour permettre la circulation du métro ?
« À l’origine, le pont de Nusle avait été conçu de façon à permettre la circulation du tramway ! Celui-ci devait également passer dans la partie inférieure du tablier du pont. Mais, durant les travaux, le cahier des charges a été quelque peu modifié et le tramway a finalement été remplacé par le métro. Le projet a donc dû être révisé en conséquence afin de permettre le passage des lourdes rames de métro soviétiques sur l’ouvrage. »
Vyšehrad compte parmi les stations les plus anciennes du métro de Prague. Elle a été inaugurée le 9 mai 1974, une date symbolique qui correspond à la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie en 1945. À l’époque, cependant, la station ne s’appelait pas encore Vyšehrad…
« En effet, elle ne s’appelait pas encore Vyšehrad mais Gottwaldova. Klement Gottwald était le premier président communiste de Tchécoslovaquie [ndlr : entre 1948 et 1953]. Le premier tronçon de la ligne C était étroitement lié à l’agenda politique de l’époque et se devait de participer, d’une manière ou d’une autre, à la diffusion des idéaux politiques. Le choix de la dénomination revêtait alors une importance majeure dans la façon de communiquer auprès du public. »
En 1990, soit donc dès la fin du régime communiste, la station a été rebaptisée Vyšehrad, du nom de la forteresse voisine. Pouvez-vous rappeler à notre public francophone l’importance de cette forteresse dans l’histoire de Prague et des Pays tchèques ?
« Vyšehrad est l’une des premières forteresses de la région. Elle est liée à la fondation légendaire de l’État tchèque. Elle est devenue la résidence des souverains de Bohême sous Vratislav II au XIe siècle. La fonction de Vyšehrad a changé à plusieurs reprises depuis sa fondation. De résidence des ducs et rois de Bohême, elle a ensuite davantage évolué vers un rôle religieux. Ce n’est que sous Charles IV que la forteresse a été définitivement rattachée à la ville de Prague. Aujourd’hui, la forteresse a une fonction avant tout culturelle. Depuis plusieurs années, de nombreux efforts ont été entrepris pour donner une nouvelle jeunesse à ce site historique. »
En tant qu’architecte du métro de Prague, travaillez-vous également sur des projets de rénovation ou de modernisation de la station et de ses abords pour participer à la revitalisation de ce quartier ?
« Nous réfléchissons pour l’heure à une modernisation du Palais des congrès de Prague et d’un certain nombre d’aménagements liés directement à la station. Un projet est actuellement sur la table qui vise à faciliter la fluidité entre la station et le Palais des congrès. Concrètement, il est question de supprimer les équipements commerciaux qui ne sont pas d’origine et de les remplacer par un escalier en pente douce. Nous échangeons activement sur la forme que cet escalier prendra. Les plans d’origine reflétaient davantage les matériaux du Palais des congrès, alors que, personnellement, je souhaite que la station préserve le caractère symétrique sur lequel elle a été créée. Cet escalier devra donc être un compromis entre ces deux ensembles architecturaux, mais à l’heure actuelle, ce compromis reste encore à trouver. »
Pour terminer, en amont de notre visite, vous m’aviez parlé d’une autre œuvre à proximité de la station qui mérite aussi le détour…
« Oui, je souhaiterais ajouter que dans le cadre de la construction de cette station, une autre œuvre monumentale a émergé, imaginée par Stanislav Kolíbal, un artiste de renom. Il s’agit du mur de soutènement qui se trouve en contrebas de la terrasse du Palais des congrès. Ses formes cristallines abstraites sont censées évoquer le thème de la famille. À l’origine, il était prévu qu’un artiste réalise une sculpture représentant une famille, mais Stanislav Kolíbal a proposé une approche du sujet plus moderne et plus imposante, qui mêle les arts plastiques et l’architecture et dont le rendu final est épatant. »
Le saviez-vous ?
Au lendemain de la révolution de Velours, en 1990, le conseil municipal de Prague a voté en faveur du changement de nom de douze stations de métro aux connotations idéologiques, actant ainsi la rupture avec le régime communiste. C’est ainsi que les stations Lénine, Gottwald, Moscou, Cosmonautes, Amitié ou Jeunesse, pour ne citer que quelques-unes d’entre elles, ont été rebaptisées respectivement Dejvická, Vyšehrad, Anděl, Háje, Opatov et Pankrác, en référence aux noms des quartiers dans lesquels elles sont situées.
Notons que la station I. P. Pavlova, qui rend hommage au scientifique russe éponyme, a, elle, conservé son nom d’origine. Peut-être parce que les critiques formulées à l’égard du communisme par le prix Nobel de physiologie ou médecine de 1904 ont prévalu sur la nationalité du scientifique et ont ainsi permis à « Ípák », comme les Pragois appellent la station, d’échapper au sort réservé à d’autres stations du réseau pragois…
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