Game -ová : l’épouse de M. Novák ne sera plus obligée de s’appeler Mme Nováková 

Véritable révolution linguistique en Tchéquie : le président a paraphé la nouvelle loi permettant aux femmes de ne pas ajouter le suffixe –ová au patronyme de leur époux.

A partir du 1er janvier 2022, une fille ou une épouse en Tchéquie ne sera plus obligée de décliner au féminin le nom de famille de son père ou de son mari. Cela peut paraître anodin mais le sujet a été au cœur d’intenses débats, au Parlement et en dehors.

Si on prend l’exemple (simple) du patronyme le plus répandu dans le pays, Novák, cela signifie que l’épouse de M. Novák pourra désormais choisir de s’appeler Mme Novák et non plus Mme Nováková.

Jusqu’ici, pour avoir ce choix, il fallait entamer des procédures pour pouvoir bénéficier d’une exception. Par exemple en cas d’expatriation ou en cas de couples mixtes.

Le fait que les époux ne portent pas le même patronyme peut en effet provoquer quelques malentendus à l’étranger. Par exemple, dans un pays où un couple non marié n’a pas le droit de réserver une chambre d’hôtel, les époux Kučera n’ont dû leur salut qu’à leurs bagues sur laquelle leur date de mariage était inscrite, la réception ne croyant pas que Mme Kučerová pouvait être l’épouse de M. Kučera.

Source: Wordart.com

Mêmes complications potentielles à la douane pour le père d’une fille mineure qui ne porte pas le même nom que lui sur son passeport. D’autant que la règle de la féminisation du patronyme ne se résume pas au simple –ová : la fille de M. Bílý n’est pas Bílová mais Bílá, Petra Kvitová la championne de tennis n’est pas la fille de M. Kvit mais celle de M. Kvita, contrairement à sa consœur Karolína Plíšková, dont le père n’est pas M. Plíška mais M. Plíšek.

Tout cela, qui peut franchement être très compliqué pour des yeux et des oreilles non avisés, paraît très logique et naturel aux locuteurs natifs. Cette féminisation des noms, pour certains linguistes, est la seule manière de formuler de manière grammaticalement correcte. Pourquoi ? Parce que « je vais le dire à Novák » se dira différemment selon l’époux Novák : « řeknu to Novákovi » dans le cas du mari et « řeknu to Novákové » dans le cas de la femme.

« Nous n’allons plus nous comprendre »

Karel Oliva | Photo: ČRo

Cela explique en partie la réaction du linguiste Karel Oliva à la nouvelle législation : « nous n’allons plus nous comprendre », regrette celui dont l’épouse est Mme Olivová et qui « espère que la majorité des femmes sauront raison garder et n’appliqueront pas la nouvelle loi ».

La Commissaire du gouvernement pour les droits humains, Helena Válková (dont le mari pourrait être Válek mais aussi éventuellement Válk ou même Válka - vous suivez ? Non ? C'est normal ! ) était quant à elle favorable au nouveau texte laissant le choix aux femmes. Elle a rappelé que l’obligation du suffixe – ová n’avait été imposée qu’en 1945, donc au moment où la Tchécoslovaquie cessait d’être un état multinational…

La nouvelle loi ne changera en tout cas pas la déclinaison des noms féminins  étrangers en tchèque donc Angela restera Merkelová même après sa retraite et Hillary reste Clintonová même après sa défaite... Même chose quand il s’agit d’un nom slave pourtant déjà décliné au féminin : c’est ainsi que la Russe qui s’est inclinée face à Barbora Krejčíková en finale du dernier Roland-Garros n’était pas Pavlyuchenkova en tchèque mais Pavljučenkovová !

En revanche, il existe certains noms de famille tchèques qui ne seront pas concernés par le nouveau texte, même après son entrée en vigueur : une série d’exceptions à la règle de la féminisation constituée notamment de patronymes finissant en « ů » et « í ». Ainsi, toutes les filles et épouses de MM. Krejčí, Jírů, Kočí ou Janů continueront de porter exactement le même nom que leur père – ou que leur époux si elles décident de ne pas conserver leur nom de jeune fille.