A Prague, un camp d’écriture de chansons réunit artistes tchèques et français

Aiko

La semaine dernière, la ville aux cents clochers a accueilli un camp d’écriture de chansons réunissant  artistes et producteurs tchèques et français au studio EALLIN, Prague 7. Un véritable échange musical franco-tchèque s’est développé, permettant d’aboutir à la création de seize chansons aux styles variés. Pour clôturer la semaine, celles-ci ont été présentées vendredi soir au Kino 35 dans le cadre d’un partenariat avec l’Institut français de Prague.

Marine De Bruyn | Photo: LinkedIn de Marine De Bruyn

Du 18 au 22 octobre, douze artistes et producteurs tchèques et français se sont réunis dans la capitale tchèque à l’occasion d’un camp d’écriture. Cet événement, organisé chaque année depuis 2018, est le fruit d’un partenariat entre diverses organisations et personnalités françaises et tchèques : le Centre national de la musique, OSA, SoundCzech ainsi que Jan Vávra. Ce dernier définit le concept de camp d’écriture comme «  une méthode de création permettant de regrouper des artistes dans l’objectif d’obtenir certains résultats ». Les résultats dont il parle peuvent renvoyer à l’obtention d’une certaine influence internationale, comme nous le précise Marine De Bruyn, cheffe de projet au Centre national de la musique (CNM) :

« L’objectif premier est de pouvoir mettre en relation à la fois des éditeurs de musique et des artistes. Dans notre objectif de travailler à l’international et d’aider les structures françaises à développer leurs artistes à l’étranger, nous envisageons ces projets avec un échange. Aujourd’hui nous sommes à Prague pour un échange franco-tchèque. L’idée est que les titres qui sont composés pendant ces sessions sortiront commercialement, en tout cas nous l’espérons, et seront destinés à un public français et tchèque, mais aussi potentiellement international. »

Ce camp d’écriture a donc pour objectif de renforcer les liens entre les deux pays et de créer de nouvelles collaborations franco-tchèques, ainsi que de permettre la création de chansons à succès qui pourront être reprises par d’autres artistes, ou par des éditeurs. Il est également possible que les artistes eux-mêmes décident de reprendre et de finaliser ultérieurement leurs chansons. Chaque journée de cette semaine de camp est donc consacrée à la création de titres musicaux. Pour ce faire, les artistes sont regroupés en équipes de trois musiciens composées généralement d’un producteur, d’un parolier et d’un chanteur. Ces rôles sont d’ailleurs un des critères de sélection des artistes participant à la semaine, comme témoigne Jan Vávra :

Jan Vávra | Photo: Vojtěch Havlík,  ČRo

« C’était plutôt selon un critère artistique, mais cela dépend aussi du rôle de la personne parce que dans une salle il faut un producteur, un parolier et un chanteur. De nombreuses personnes jouent plusieurs de ces rôles. Nous sélectionnons donc selon le rôle et les apports artistiques, mais aussi selon leur capacité à travailler à plusieurs. Nous mettons aussi l’accent sur leurs différents styles musicaux, car il est plus intéressant d’avoir des personnes qui font plutôt du jazz, et d’autres de l’Indie, mélangés à des artistes pop. »

Marine De Bruyn nous explique que le Centre national de la musique, ayant un prisme institutionnel, donc davantage tourné vers le service public, se focalise, quant à lui, davantage « sur la stratégie, l’entourage, c’est-à-dire l’éditeur qui travaille avec l’artiste par exemple ». Elle ajoute : «  nous allons ensuite nous appuyer, au niveau local, sur des structures pour avoir un œil artistique ». La combinaison de ces deux stratégies a abouti, cette année, à une sélection finale de douze artistes, ce qui fait de ce camp, un camp relativement réduit. Jan Vávra nous a effectivement confié avoir organisé des camps accueillant généralement une trentaine de personnes.

Photo: Mikuláš Pejcha,  Songwriting Camp

Une semaine entièrement consacrée à la création musicale

Avec douze personnes et au rythme d’une chanson par jour, la semaine s’est terminée avec seize nouvelles chansons, toutes différentes les unes des autres. Cette variété s’explique notamment par leur méthode de travail. En effet, chaque jour étaient constituées quatre nouvelles équipes de trois artistes. Cela signifie que tous ont pu travailler au moins une fois ensemble au cours de la semaine. Augustine Dunn, musicien d’origine française et vivant à Prague depuis 2002, nous précise cette organisation :

Augustine Dunn | Photo: Kuba malát,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

« Chaque jour, nous sommes dans une équipe de trois, il y a un producteur et deux chanteurs ou auteurs, et nous avons une journée pour finir une chanson. La première journée, en entendant les chansons, nous avons l’impression que chaque personne a  un style, mais en réalité, durant une autre journée, elle aura fait quelque chose de complètement différent. C’est super intéressant de voir comment cela change. Par exemple, je viens de faire trois chansons, et chacune est complétement différente des autres et elles n’ont rien à voir avec ce que je fais normalement. Cela me plaît beaucoup, parce que d’habitude je fais seulement du Rock and Roll, alors que là, je viens de faire du hip-hop et un titre très alternatif. »

En ce qui concerne les choix de musiques et la direction artistique qu’ils souhaitent prendre, les artistes sont généralement libres. Pour certaines sessions, c’est-à-dire journées, ils peuvent cependant recevoir des commandes d’artistes ou d’éditeurs, par exemple. Celles-ci  sont appelées des « briefs », et Marine de Bruyn nous en précise le principe :

« Il arrive que, sur certaines sessions, nous proposons des briefs, c’est-à-dire des commandes, qui peuvent venir d’autres éditeurs qu’on aurait pu contacter, des labels, mais aussi éventuellement des artistes participant aux sessions et qui arrivent avec un besoin. Par exemple, ça peut être une artiste pop qui cherche un titre pour son prochain album qui aurait tel type d’ambiance, avec une voix qui sonnerait comme ceci, qui serait chanté en telle langue. Tout ça donne un peu un cadre et permet de commencer des sessions avec une idée en tête. »

Sainte Victoire - Hive Mind

Alice est une jeune productrice française qui a lancé son propre projet intitulé « Sainte Victoire ». C’est pour elle une première de participer à un camp d’écriture tel que celui-ci. Elle nous confie y participer dans l’optique, entre autres, de rencontrer des personnes du métier, et elle revient sur le concept de brief en nous détaillant son programme de la semaine :

Alice et Facundo Rodriguez | Photo: Mikuláš Pejcha,  Songwriting Camp

« Nous devons réaliser un titre par jour : nous commençons l’après-midi et finissons le lendemain. Le premier jour, c’était très ouvert, nous avons pu faire ce que nous voulions. Le deuxième jour, nous avons eu un brief dans lequel nous pouvions choisir. Par exemple, j’ai travaillé sur un morceau pour une pop star qui voulait un titre ‘à la Olivia Rodrigo’. C’était très intéressant, je travaillais avec une artiste tchèque qui a une superbe voix et qui s’appelle Aiko. Ensuite, le troisième jour, nous avons travaillé sur un brief pour une musique de film, pour un court métrage, une sorte de bande originale qui va de plus en plus haut. C’était avec Jan, un tchèque qui était avec nous et qui nous a donné de super idées pour construire le morceau. Pour le dernier jour, nous repartons sur quelque chose de plus ouvert, pour lequel nous essayons de faire se rencontrer toutes nos influences afin de produire un titre qui nous plaît. »

Aiko | Photo: Massimiliano Giorgeschi,  Press kit Aiko

Le camp d’écriture, une approche de la musique portée sur l’échange

Le Czech-French Songwriting camp a donc pour principale conséquence l’échange culturel, et plus particulièrement l’échange des influences musicales entre Français et Tchèques, mais pas seulement. Marine de Bruyn évoque ainsi la dimension internationale de cet échange :

« J’ai ressenti sur cette session qu’il y avait un vrai mélange, ce n’était pas seulement franco-tchèque. Dans la façon d’aborder la composition, j’ai l’impression que certaines personnes, certains caractères et certaines façons de travailler, se sont trouvés dans ces sessions. »

ugustine Dunn et Simon Beaudoux | Photo: Mikuláš Pejcha,  Songwriting Camp

Toutes les personnes interrogées ont d’ailleurs insisté sur cette dimension d’échange du camp d’écriture. Celle-ci peut renvoyer aux influences culturelles de chacun, mais également aux méthodes de travail, qui peuvent être différentes d’un artiste à l’autre. C’est notamment ce qu’a remarqué Augustine Dunn, qui confirme également l’impression internationale de Marine de Bruyn par son parcours personnel :

« C’est très intéressant, notamment parce que nous pouvons voir comment les producteurs et musiciens fonctionnent. Les techniques sont complètement différentes, c’est la première fois que je vois comment quelqu’un travaille différemment, voire parfois à l’inverse de moi. Les inspirations sont complètement différentes. Je ne suis pas tchèque, j’ai des inspirations plutôt anglaises et françaises. Quand tu nais dans un pays, tu as des chansons préférées différentes, et c’est pour cela que le mélange est cool et que c’est intéressant de voir comment ça se fusionne. »

Ben Ling,  Marine De Bruyn et Jan Vávra | Photo: Mikuláš Pejcha,  Songwriting Camp

Un avis partagé par Alice, mais aussi par Jan, qui évoquent tous deux l’ouverture aux autres permise par ce camp d’écriture franco-tchèque.

« Cela nous pousse aussi beaucoup à créer différemment, prendre le temps d’écouter ce que l’autre fait, de voir les références qu’il a, car nous n’avons pas tous les mêmes références, nous n’avons pas la même manière de composer. Donc ça c’est en général, pas forcément avec ces deux nationalités, mais particulièrement quand on travaille avec d’autres personnes qui ne sont pas de la même nationalité, c’est un processus plus lent, plus tourné vers l’écoute, et cela permet d’étendre son univers musical. »

« Il y a une différence entre les auteurs tchèques et français, car nous avons des milieux culturels différents, mais je pense que c’est vraiment bien, parce que cela peut aider à s’ouvrir à de nouvelles idées plutôt que de rester coincés dans notre propre voie. C’est très enrichissant pour tout le monde. »

Au-delà de l’objectif de créer des chansons à succès, tous nous donc ont confié avoir particulièrement apprécié cette expérience propre aux camps d’écriture.

Après une semaine de travail intensif, les chansons composées ont été présentées lors d'une soirée au Kino 35 vendredi 22 octobre. S’étant déroulée à huit clos avec des invités venant principalement du métier de la musique, la présentation avait pour objectif de trouver des personnes potentiellement intéressées parmi ceux-ci. Il n’y a donc plus qu’à espérer que les chansons de ces douze artistes soient reprises et que nous puissions bientôt les écouter.