Près de Prague, une enceinte à fossés du Néolithique mise au jour par les archéologues
Les vestiges d’une enceinte à fossés concentriques, de l’époque du Néolithique, sont actuellement mis au jour dans le quartier de Vinoř, dans l’agglomération pragoise. Si elle a été découverte dans les années 1980, les fouilles actuelles sont les plus importantes jamais effectuées sur le site.
Il y a 7 000 ans de cela, bien avant que ne soient élevés les mégalithes de Stonehenge, des hommes et des femmes ont édifiés de monumentaux ensembles architecturaux circulaires un peu partout en Europe centrale. Alternant en cercles concentriques, fossés creusés et hautes palissades de bois, ces enceintes ont dû nécessiter un véritable savoir-faire et la mobilisation de nombreuses personnes mues par une volonté commune d’accomplir un tel projet collectif.
A ce jour, environ 200 de ces enceintes ont été découvertes dans toute l’Europe centrale, dont 35 sur le territoire de la République tchèque. Celui du quartier de Vinoř en est un bon exemple, dont l’actuelle campagne de fouilles s’annonce prometteuse, comme le relève Miroslav Kraus, chef du chantier et membre de l’Institut d’archéologie de l’Académie des Sciences :
« Nous avons actuellement la possibilité de mettre au jour la quasi-totalité de la structure, ou plutôt ce qu’il en reste, soit environ 90 % du site. En même temps, il faut rappeler qu’une partie de la structure a été révélée dans les années 1980, lors de la pose de conduites de gaz et d’eau. »
Ce qu’on appelle un « rondel » en tchèque présente un diamètre de 55 mètres à Vinoř et une disposition inhabituelle, car cette enceinte est l’une des rares à avoir trois entrées, orientées vers le nord, le sud-ouest et le sud-est. Si le terrain d’origine a évidemment beaucoup changé depuis des milliers d’années, les archéologues ont été surpris par l’état de préservation des vestiges entièrement préservés des rigoles des palissades, dans lesquelles la structure centrale en bois était encastrée.
Parce que l’essentiel des structures de ces enceintes circulaires étaient en bois, les fouilles archéologiques ne peuvent révéler que les négatifs des poteaux, probablement placés côte à côte, bien serrés les uns contre les autres dans les rainures circulaires intérieures. Matériau peu pérenne, le bois, lui, a disparu dans la nuit des temps. On suppose ainsi que les fossés bordés de monticules résultant du déblaiement enserraient des palissades internes qui pouvaient atteindre jusqu’à deux mètres de hauteur, fermant visuellement la zone centrale de l’enclos à l’observateur extérieur.
Ces enceintes circulaires à fossés ont commencé à être édifiées et utilisées vers 4 800 avant Jésus-Christ, et leur déclin progressif est à dater d’environ 150 à 200 ans plus tard. C’est donc sur une très courte période, correspondant à quelques générations à peine, que des hommes et des femmes, sédentarisés depuis un millénaire, ont mis en œuvre ces enclos dans des paysages encore très sauvages :
« C’est l’époque de l’Age de pierre. Les gens d’alors ne manipulaient que des outils en bois et en pierre, ou des outils fabriqués à partir d’os d’animaux. Ils faisaient partie des premiers agriculteurs. Ce mode de vie agricole s’est diffusé ici depuis l’Anatolie via les Balkans. Il faut imaginer un paysage avec beaucoup plus de forêts. Ces premiers agriculteurs ont dû beaucoup défricher pour pouvoir cultiver leurs plantes et installer leur bétail dans cet environnement encore sauvage. »
Grâce à l’ampleur de la campagne de fouilles, les archéologues vont pouvoir prélever des échantillons pour la datation et les analyses des différentes parties de la structure d’origine :
« Il serait formidable de découvrir quelque chose qui indiquerait la fonction réelle du bâtiment. Cependant, c’est très peu probable, car aucune des enceintes étudiées par le passé n’a révélé une telle information. Il serait également formidable de trouver quelque chose qui suggérerait son âge réel. Jusqu’à présent, la datation au radiocarbone d’échantillons prélevés sur le site de ces enceintes circulaires a permis de situer leur âge entre 4 900 ans et 4 600 ans avant Jésus-Christ. C’est un intervalle de temps assez large, mais peut-être que ces fouilles permettront d’en savoir un peu et sur la datation et sur la fonction du site. »
Car en effet, la fonction réelle de ces enclos à palissades et fossés concentriques n’est pas connue et fait, depuis leur découverte au XIXe siècle, l’objet de nombreuses hypothèses. Si l’on retrouve la figure géométrique du cercle comme dans le cas des célèbres pierres levées de Stonehenge, les enclos à fossés d’Europe centrale se révèlent uniques en leur genre par leur ancienneté sur notre continent.
Il faut imaginer ces sites du Néolithique d’Europe centrale, comme à Kolín, Třebovětice ou Bylany, en Tchéquie, ou Schlez en Basse-Autriche, comme des sanctuaires, des lieux de rassemblement tout à la fois rituels et sociaux, les deux fonctions n’étant pas incompatibles si l’on pense à celles d’un édifice religieux jusqu’à nos jours. S’il est impossible de déterminer exactement leur rôle, les archéologues peuvent toutefois en donner des descriptions éclairantes, comme le précise Jaroslav Řídký de l'Institut d'archéologie de l'Académie des Sciences :
« Une chose est sûre, les entrées des enceintes circulaires étaient orientées. Les archéologues travaillent donc avec des astronomes qui examinent l’orientation de ces entrées et qui peuvent dire que ces entrées n’ont pas du tout été construites au hasard. Celles-ci sont par exemple orientées en direction de certaines formations naturelles dans le paysage. En outre, à certains moments de l’année, par exemple à l’équinoxe de printemps ou lors du solstice, le soleil se lève ou se couche à un moment précis dans l’axe de ces ouvertures. On peut donc supposer que ces édifices avaient une fonction rituelle. A cette fonction rituelle, il faut ajouter une fonction qui ne fait probablement plus de doute aujourd’hui, c’est la fonction sociale. Le rituel social a donc permis de rassembler dans cet endroit un grand nombre de personnes, provenant probablement d’une zone plus étendue : on suppose en effet que le nombre de personnes vivant dans une seule bourgade était insuffisant pour réaliser et mettre en œuvre un édifice de ce type. Des gens d’autres lieux alentour ont dû y participer. »
Les fouilles de l’enceinte à fossés de Vinoř doivent se poursuivre jusqu’à la fin du mois de septembre.
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