Cinéma : quand des amateurs tchèques de F1 se rendent à Barcelone en passant par l’Ariège
Connu pour ses comédies sociales et séries télévisées à succès, le réalisateur Jan Prušinovský a signé un nouveau film, « Grand Prix », avec l’actrice française Séphora Pondi dans un rôle secondaire. En salles tchèques ce jeudi, ce road-movie raconte l’histoire de trois amis qui prennent la route pour le Grand Prix de Formule 1 d’Espagne.
En 2017, au Festival de la Fiction TV de La Rochelle, alors qu’il travaillait déjà sur le scénario pour Grand Prix, Jan Prušinovský a reçu le Prix de la meilleure fiction européenne pour « Trpaslík » (Le Nain, en français), une série qui parodie la vie ordinaire tchèque en traitant de sujets comme le racisme. Deux ans plus tard, le réalisateur et scénariste a battu des records d’audience avec une autre série, intitulée « MOST! ». Là aussi sur un ton comique, ce feuilleton s'intéressait à la xénophobie et à la transphobie dans la société tchèque.
Jan Prušinovský a également signé plusieurs longs-métrages très remarqués, notamment le polar « Kobry a užovky » (The Snake Brothers) qui a remporté le prix du Lion tchèque du meilleur film et de la meilleure réalisation en 2016. Après cette histoire de deux frères qui plongent dans le chômage, la drogue et l’alcool et qui s’efforcent, en vain, de se construire une vie satisfaisante, Prušinovský a réalisé un autre film au message fort : « Chyby » (Mistakes). Récompensé en 2021 du Prix de la critique tchèque pour la meilleure interprétation féminine, « Chyby » met en scène une jeune femme qui essaie d’échapper à son passé d’actrice pornographique mais se heurte à l’incompréhension et aux préjugés.
Avec « Grand Prix », Jan Prušinovský emprunte un ton en apparence plus léger. Tout comme les héros de ses précédents films, les personnages de cette comédie vivent en province. Emil y possède un garage, Roman un magasin de voitures d’occasion. Un concours télévisé leur fait gagner des billets pour le Grand Prix de Formule 1 d’Espagne. Les deux cousins réalisent alors leur rêve et prennent la route en direction de Barcelone depuis leur village de Cvikov, situé près de la frontière tchéco-polonaise. Un petit voleur et ami de Roman se joint par hasard à eux car il fuit un dealer de drogue local. Mais alors que le trio prend la route de l’Espagne, le voyage ne se passe pas comme ils l’avaient imaginé…
Jan Prušinovský explique ce qui l’a motivé à réaliser ce film, qui traite aussi bien de la passion pour les courses automobiles que de l’amitié, de l’amour ou encore des illusions perdues :
« J’ai écrit ce scénario parce que le road-movie est un genre presqu’inexistant dans le cinéma tchèque actuel. Les héros des films tchèques franchissent rarement les frontières du pays pour vivre quelque chose de nouveau. Ils ne vont généralement pas plus loin qu’à Prague… Ma motivation première n’était donc pas de faire un film sur la Formule 1. Je n’ai eu cette idée que plus tard, en réfléchissant à l’endroit où mes personnages pourraient se rendre et avec quel objectif. »
« Dans mes précédents films, je me suis beaucoup intéressé aux supporters de football, mais cette fois, j’ai choisi la communauté des fans de Formule 1 qui est également assez importante en Tchéquie. C’est un film qui est plus proche de la comédie anglo-saxonne que de la comédie tchèque, dans la mesure où il est plutôt dynamique avec un côté aventure et aussi une intrigue criminelle. »
Réalisé par une équipe internationale, « Grand Prix » a été tourné, en plein confinement lié à la pandémie de Covid-19, en Tchéquie et dans les trois autres pays que traversent les héros du film : en Allemagne, en France et en Espagne.
Pour Jan Prušinovský, le tournage en France a été plus compliqué que celui sur le circuit de Barcelone :
« Le tournage en France est devenu un cauchemar. Tout était strictement réglementé, il nous a fallu attendre longtemps pour obtenir tout un tas d’autorisations et de permissions. En Tchéquie, mais aussi en Espagne, les autorités ont une approche plus libérale à l’égard des équipes de tournage. Même nos collègues français nous ont dit que c’est pour cette raison qu’ils préfèrent parfois tourner à l’étranger plutôt qu’en France. Comme nous avons tourné à la campagne et dans de petites villes, les restrictions liées à la pandémie, même si elles étaient un peu différentes dans chaque pays, ne nous ont pas vraiment limités. »
« Malgré les contraintes administratives, nous nous sommes vraiment très bien entendus avec l’équipe de production française. J’ai aussi beaucoup aimé travailler avec Séphora, l’actrice française qui joue dans le film. Je l’ai choisie parmi trois actrices. Je n’ai pas fait d’essais conventionnels avec elles, je voulais qu’elles me parlent, sans interprète, de ce qu’elles font dans la vie. Séphora a été la plus convaincante, de par son parcours, et aussi la plus drôle. »
Fille d’immigrés camerounais installés en France, Séphora Pondi est, depuis plus d’un an, pensionnaire de la Comédie-Française, où elle joue jusqu’au 26 février prochain dans « Le Roi Lear » de Shakespeare. « Grand Prix » était son premier film étranger :
« Je joue le rôle de Gabrielle, une jeune fille qui habite en Ariège, où nous avons tourné. Elle est serveuse dans un hôtel standard. Elle croise la route de ces trois hommes. Elle finit par avoir une liaison d’un soir avec l’un d’entre eux. Malheureusement, cela se termine de manière assez brutale, à cause d’une grande incompréhension entre elle et cet homme. Hormis le rapport physique de la veille, ils n’ont pas grand-chose à partager (rires). Elle part sur les chapeaux de roues, les abandonnant en plein milieu de la route. »
Comment s’est passé votre collaboration avec Jan Prušinovský et son équipe ?
« Un directeur de casting français a d’abord contacté mon agent, en me disant que Jan cherchait une comédienne française pour le rôle de Gabrielle. Au départ, il y a eu beaucoup d’actrices sur le rôle. J’ai eu à peu près trois tours d’essais, le casting a donc duré assez longtemps. Finalement, nous étions quatre ou cinq en phase finale, où nous avons rencontré Jan en France. En définitive, il m’a choisie, après un long moment… C’était mon premier casting pour un film étranger ! »
« J’ai eu environ quatre jours de tournage, qui était très bien géré de la part de l’équipe : je n’ai ressenti aucune tension ou animosité. Je me suis sentie très bien accueillie, tout était chaleureux. »
« Malheureusement, nos moyens de communication avec les acteurs tchèques étaient assez limités. A la lecture du scénario, je pressentais un humour qui m’amuse beaucoup, mais sur le plateau, je ne pouvais pas forcément rebondir, n’ayant pas la même rapidité. »
Alors que Séphora Pondi joue dans « Grand Prix » aux côtés des acteurs tchèques connus tels Štěpán Kozub, Kryštof Hádek ou Robin Ferro, en France, elle sera bientôt à l’affiche du film « Avant l’effondrement » d’Alice et Benoît Zeniter. On peut également la voir dans « Dégustation » d’Ivan Calbérac et dans la série « Week-end family » réalisée par PEF et Sophie Reine.