Musique : attirer un public plus jeune et international, le grand défi de « La Prague de Dvořák »
Festival international de musique classique mettant à l’honneur notamment l’œuvre de l’un des plus célèbres compositeurs tchèques, « La Prague de Dvořák » (Dvořákova Praha) bat son plein dans la capitale tchèque depuis samedi dernier. Lui-même pianiste renommé et directeur général du festival, Jan Simon présente les temps forts de sa 16e édition.
Organisé depuis 2008 par l’Académie de musique classique de Prague, La Prague de Dvořák est, comme son nom l’indique, une célébration annuelle de l’héritage d’Antonín Dvořák. Le festival se distingue par sa profondeur et sa connaissance réelle de l’incontournable compositeur romantique. Au-delà de ses œuvres les plus célèbres, il s’intéresse en effet aussi aux pièces méconnues du grand public, certaines d’entre elles n’étant que rarement, voire même jamais interprétées.
C’est la cas, par exemple, de la première version de l’opéra « Le Roi et le Charbonnier », dont La Prague de Dvořák a été le théâtre de la première représentation. Forcément, l’événement est organisé par des passionnés, fins connaisseurs du compositeur, parmi lesquels Jan Simon, le directeur du festival :
« J’admire particulièrement Dvořák pour son incroyable sens de l’invention, surtout de l’invention mélodique. C’est le seul compositeur que je comparerais à Tchaïkovski en termes de dextérité mélodique et d’inventivité. Son style est réellement exceptionnel tout en restant tout à fait caractéristique de ce qui se faisait au XIXe siècle. Dvořák a largement contribué au développement de l’école musicale tchèque, dont il est le père fondateur, en quelque sorte, mais aussi le plus célèbre représentant. »
Un festival équilibré et évolutif
Bien que le répertoire d’Antonín Dvořák en demeure l’épine dorsale, la programmation ne se limite pas exclusivement à son œuvre. Pour éviter tout sentiment de répétition, de redondance, le festival combine avec agilité les compositions de Dvořák avec celles de ses contemporains, à l’instar de Johannes Brahms, Robert Schumann ou encore Franz Liszt.
L’évémement sert aussi de vitrine aux plus jeunes artistes car, comme l’explique encore Jan Simon, La Prague de Dvořák encourage la création contemporaine en mettant en avant compositeurs et musiciens prometteurs :
« Nous accordons une place particulière aux jeunes talents en les intégrant dans notre programme aux côtés des plus grands artistes. C’est notre façon de soutenir la nouvelle génération et de leur ouvrir les portes du festival. »
Toujours dans un souci d’équilibre et de nouveauté, la direction concocte chaque année un programme neuf, gravitant autour d’un thème central changeant. Ainsi, depuis 2022, c’est la musique de chambre, pan proéminent du répertoire de Dvořák, qui est mise en avant. Les quatuors à cordes, pour lesquels le compositeur a beaucoup écrit, constituent une part importante de cette 16e édition.
Ce ne sont ainsi pas moins de seize quatuors différents, dont certains parmi les meilleurs du monde, qui se produiront sur la scène du festival tout au long du mois de septembre. La programmation n’omet cependant pas non plus les symphonies, les opéras et les pièces pour piano, toujourds dans le même souci de faire découvrir au public la grande diversité du répertoire de Dvořák.
Intéresser un public jeune, le véritable défi du festival
Rendre la musique de Dvořák attractive et populaire chez les générations actuelles est une des autres priorités de Jan Simon depuis qu’il est à la tête du festival. Selon lui, la musique classique aurait perdu l’attachement à la vie quotidienne qui faisait sa popularité au XIXe siècle. Alors qu’elle faisait partie intégrante de la vie courante il y a 150 ans, la musique classique est désormais perçue comme un genre savant et difficile d’accès, en particulier parmi les classes populaires. Ce style musical s’est progressivement détaché de la vie de tous les jours, perdant ainsi de son attractivité auprès des jeunes générations. C’est cet essoufflement durable qui a convaincu Jan Simon de faire de la diversification du public le point d’orgue de l’organisation du festival :
« Les opéras peuvent séduire un jeune public, car ils sont très souvent basés sur des contes fantastiques. Nous encourageons également la participation des plus jeunes en organisant des concerts participatifs et des concours durant la période du festival. Enfin, cette année, nous présentons une performance musicale et visuelle réalisée en partie grâce à l’IA, afin de montrer la pertinence de la musique classique dans le monde contemporain. Nous tentons ainsi d’étendre notre audience car il faut que nous nous nous efforcions de répondre à la question de savoir à qui nous nous adresserons dans les quinze, vingt, trente prochaines années… Nous ne pouvons pas nous reposer sur notre public actuel, il faut diversifier ce public, que ce soit en termes de classes sociales, d’âge, etc. Notre devoir est de capter l’intérêt et l’attention des générations futures dans le but de perpétuer le festival et l’héritage de Dvořák. »
Un festival majeur en devenir ?
Depuis qu’il en a été nommé directeur il y a cinq ans, Jan Simon se félicite d’avoir réussi à augmenter la notoriété et la crédibilité de La Prague de Dvořák. Le festival attire désormais des orchestres de renommée mondiale, tels que l’Orchestre Philharmonique de Vienne, le Tonhalle-Philharmonic de Zürich, l’Orchestre de Cleveland ou encore le London Symphony Orchestra. Jan Simon insiste sur le fait que plus encore que sur les ressources financières, le succès repose sur la réputation et le statut du festival dans le monde de la musique classique :
« Ce n’est effectivement pas qu'une question d’argent mais aussi de statut, de reconnaissance. Ces orchestres, ces musiciens, recherchent des scènes de prestige pour se produire. Ce n’est pas parce que vous avez assez d’argent que vous pouvez vous acheter n’importe quel orchestre. C’est même plutôt l’inverse : ce sont eux qui décident quand et où ils se produisent. »
« Nous souhaitons que le festival devienne un événement incontournable dans le calendrier des grands festivals européens. Notre objectif, encore une fois, est d’attirer un public plus large, venant non seulement de Prague, mais de toute la République tchèque et de l’étranger. Nous aspirons à proposer un programme dont la qualité est telle qu’elle incite les passionnés de musique de toute l’Europe à faire le voyage jusqu’à Prague. »
Pour parvenir à cet objectif, le festival mise sur l’unicité de son programme, combinant l’œuvre de Dvořák interprétée par les meilleurs artistes tchèques et internationaux, le tout dans le cadre authentique et unique du centre de Prague. Le directeur de La Prague de Dvořák est convaincu que c'est ainsi que le festival se développera, en attirant un public convaincu qu’il vivra, le temps de quelques heures ou de quelques jours, une expérience musicale et culturelle exceptionnelle.