Un polar sensuel franco-tchèque en clôture du Festival du film iranien
Le Festival du film iranien, qui se tenait la semaine dernière à Prague, s’est clôturé dimanche soir avec la projection du film « Le Syndrome de l’été sans fin » une coproduction franco-tchèque. L’occasion pour Radio Prague Int. de rencontrer les deux acteurs principaux du film, Sophie Colon et Matheo Capelli, ainsi que le réalisateur et co-fondateur du festival, Kaveh Daneshmand.
KD : « Au départ quand Gem Deger et moi avons présenté le film aux producteurs, il était censé être tourné en République tchèque. Finalement nous n’avons pas réussi à trouver un lieu qui nous plaisait en Tchéquie et des amis nous on dit qu’ils avaient sûrement un lieu pour nous en France. Ils nous ont montré les photos et on s’est dit que c’était vraiment ce qu’on recherchait. Au début, j’étais horrifié à l’idée de j’allais tourner en France et en français, je n’étais même jamais allé à Paris avant le tournage du film ! »
Votre équipe est pour le moins cosmopolite : le réalisateur, Kaveh Daneshmand, est iranien et vit à Prague, vous Sophie Colon et Matheo Capelli vous êtes français, Gem Deger qui joue Aslan est turc… Comment se déroule le tournage d’un film dans de telles conditions ?
SC : « Pour moi, c’était très drôle parce que mon anglais est vraiment mauvais, donc j’appréhendais beaucoup sachant que Kaveh ne parle pas un mot de français. Mais il y avait Laurine qui était l’assistante réalisatrice, qui est française et parle très bien anglais donc elle était là pour préciser quand c’était nécessaire dans les scènes. C’était assez étonnant mais malgré tout on a fait vingt jours de tournage en vivant ensemble dans ce château et on s’est très bien entendus, et tout s’est bien passé. »
MC : « C’est vrai, je pense que Kaveh et Gem, qui sont à l’origine de ce tournage, ont bien pensé les choses. Ils ont mis tout le monde dans un château en Corrèze et ça a tout de suite crée une équipe soudée, qui était là pour faire un film dans un objectif commun, on était dans le même bateau. On est dans l’artistique, et on n’a donc pas besoin de langue particulière, on comprend les sentiments et les émotions, donc on se comprenait les uns les autres. »
KD : « Je pense que le fait que ce soit un film cosmopolite est un paramètre très important, qui apporte beaucoup au film parce que les gens viennent tous avec des sensibilités très différentes qui finissent par s’adapter les unes avec les autres. A la fin, cela donne un film qui est le fruit de plusieurs perceptions. »
Kaveh Daneshmand, dans votre thriller, une femme découvre que son mari a peut-être une liaison avec un de leurs enfants adoptifs. Selon vous, qu’est-ce que rajoute au scénario la dynamique familiale particulière du film ? On se situe dans une famille cosmopolite, on comprend qu’Aslan a été adopté plutôt tardivement, il appelle d’ailleurs ses parents par leur prénom…
KD : « L’idée c’était de créer une famille qui paraissait très cosmopolite, ouverte d’esprit et soudée, presque protégée de n’importe quelle menace extérieure. Voir la chute d’une telle famille, cela rendait les choses encore plus tragiques, et plus intéressant d’un point de vue comportemental. »
Sophie Colon et Matheo Capelli, est-ce que vous pourriez développer la façon dont vous percevez vos personnages ?
MC : « J’ai abordé le rôle d’Antoine comme quelqu’un d’extrêmement humain. Ce n’est ni un monstre ni une victime, c’est un épicurien qui prend la vie telle qu’elle vient, et qui ose la vie, même si en l’occurrence la vie le déborde. »
SC : « Mon personnage, Delphine, a des failles mais elle veut garder quand même le contrôle et les apparences. Elle s’est créé une espèce de carapace. C’est pour cette raison que j’ai vraiment travaillé le rôle en essayant de faire ressentir aux gens ce qui se passait dans mon esprit. »
Votre film fait écho à la mise en lumière de la question des violences sexuelles sur les enfants en France et dans d’autres pays. Le thème de l’inceste est omniprésent, bien que le mot ne soit jamais prononcé, pourquoi ce choix de l’ambigüité ?
KD : « Je pense que le cinéma c’est le langage de la démonstration plutôt que du parler. Bien sûr l’inceste c’est le cœur du film, mais on voulait le montrer car c’est beaucoup plus fort que juste d’en parler. Et puis le film c’est aussi à propos d’une femme en quête de vérité. Quand elle trouve cette vérité, elle ne peut pas la supporter. Cela pose donc la question de la manière dont on est confronté à la vérité et comment on arrive - ou pas - à la recevoir. »
Cette année, le Festival du film iranien de Prague a ouvert la porte à des films étrangers, pour la première fois depuis sa création. Pourquoi il vous a paru nécessaire de mettre en dialogue des films de nationalités différentes ?
KD : « Effectivement, nous avons projeté des films de Palestine, Arménie, Azerbaïdjan, Tibet, Afghanistan et l’année prochaine on va élargir encore à d’autres pays. Quand on a lancé ce festival, le cinéma iranien était très peu connu en Tchéquie. Au cours des dix dernières années, nous avons montré environ 250 films et fait venir plein d’invités, donc le cinéma iranien n’est désormais plus un terrain inconnu en Tchéquie. On pense qu’il est temps d’élargir le regard à d’autres régions et d’autres lieux reliés à l’Iran. »
Quels sont vos projets à venir ?
KD : « Développer le festival, ce qui est déjà un gros projet ! Et puis travailler son mon deuxième long-métrage, ainsi que travailler avec Gem Deger sur son deuxième long métrage à lui. »