Région de Liberec : du verre à couper le souffle
Dans le cadre de notre série sur les différentes régions tchèques, on part en direction de celle de Liberec et plus précisément dans la Vallée du cristal.
L’art de la fabrication artisanale du verre tchèque fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco depuis l’année dernière. Et le cœur de cet art se trouve dans le nord de la Bohême, dans un périmètre proche des frontières allemande et polonaise, autour de la ville de Liberec.
On y souffle le verre depuis des siècles, la réputation du cristal de Bohême n’est plus à faire et il est souvent copié. Plusieurs marques de renom existent dans le pays et exportent leurs produits dans le monde. Pour cette série nous avons choisi Lasvit.
Pourquoi Lasvit ? D’abord parce que c’est l’une des plus célèbres actuellement, ensuite parce que Lasvit fabrique les trophées du Tour de France qui commence dans quelques semaines et puis aussi parce que Lasvit vient de remporter le prestigieux prix Fuorisalone le mois dernier lors de la Design week de Milan.
Assez remarquable pour avoir remporté des prix d’architecture, le siège de Lasvit se trouve dans la petite ville de Nový Bor. C’est là que commence notre visite, avec Eva Krížková qui couvre pour Lasvit le marché francophone depuis Paris.
Eva Krížková : « En ce moment je travaille avec la prestigieuse Agence Moinard Bétaille sur un projet encore confidentiel à Tokyo. C’est un privilège de travailler avec des architectes qui écrivent l’histoire de l’architecture. »
« Je travaille depuis six ans à Paris pour Lasvit. Je me déplace beaucoup, au Maroc notamment, en Suisse et puis ici en Tchéquie pour bien faire la liaison. Nous sommes aujourd’hui à Nový Bor, au siège de Lasvit, dans une région qui est le berceau de la cristallerie. »
Lasvit vient de remporter un grand succès à Milan…
« Oui, notre installation éphémère appelée Porta, conçue par notre directeur créatif Maxim Velčovský, a remporté le prix Fuorisalone. Cette exposition très impressionnante et ce prix sont une fierté pour nous. »
Cette marque tchèque Lasvit est-elle déjà connue partout où vous vous rendez ?
« Je dirais que oui et ce type de récompenses résonne beaucoup et nous aide à rendre la marque visible auprès des architectes et designers. »
D’où vient ce nom, Lasvit ?
« C’est assez poétique, cela vient des deux mots ‘amour’ et ‘lumière’ en tchèque, ‘láska’ et ‘světlo’. »
Vos produits sont en général conçus sur mesure pour le client…
« Oui, c’est la partie qu’on préfère tous. Avec les architectes nous recevons un ‘brief créatif’, une inspiration initiale et après nous développons l’installation lumineuse sur mesure pour l’espace en question. Cela peut être pour des magasins de luxe – comme pour la première boutique Cartier à Paris, ce dont on est très fier. »
Ajeto, l'antre des souffleurs de verre
L’atelier de verre soufflé Ajeto est situé à quelques kilomètres de Nový Bor, dans la commune de Lindava. Fondé il y a trente ans grâce entre autres à l’artiste Bořek Šípek, Ajeto appartient désormais à à la société Lasvit, mais des maîtres verriers du monde entier viennent y souffler leurs créations.
Les moules en bois y sont toujours fabriqués à la main et la température près des fours est telle que les souffleurs ont droit à une exception à la règle interdisant de boire de la bière sur le lieu de travail – il y a une tireuse qui leur permet de s’hydrater !
C’est dans l’atelier, tout près du premier four, que nous retrouvons Eva Krížková :
« Nous sommes dans la soufflerie où tout est fait à la main ! Je crois qu’ils travaillent ici actuellement sur une sculpture lumineuse en forme d’assiette en cristal. Il forme d’abord une petite bulle, tout commence avec une petite bulle pour obtenir ensuite la forme souhaitée. »
S’il y a autant de savoir-faire ici en Bohême c’est aussi grâce à la nature environnante. Parce qu’à l’époque il fallait du bois pour alimenter les feux dans les fours et surtout parce qu’il y a dans la région ce sable siliceux de haute qualité qui nous permet de produire un verre de qualité exceptionnelle. »
On connaît les ingrédients mais les proportions des matières premières pour la fabrication restent secrètes…
« Exactement, la recette est secrète, c’est un savoir-faire local qu’on conserve et qu’on protège ! »
Il y a donc ici des produits fabriqués pour Lasvit mais pas seulement
« Oui et on organise notamment des workshops pour des artistes indépendants qui travaillent sur leurs projets. »
Vos clients de France, du Maghreb ou d’ailleurs viennent aussi voir ici sur place une partie de l’installation qu’ils veulent acheter…
« Oui, ils adorent voir la fabrication du verre ici en Tchéquie et puis ils viennent voir la pré-installation à Nový Bor pour s’assurer que tout est parfait avant l’expédition. »
Combien êtes-vous actuellement à représenter Lasvit dans le monde et dans quels pays ?
« Au total 300 employés environ travaillent pour Lasvit, dont la plupart en Tchéquie. Nous sommes une vingtaine dans le monde avec des bureaux à Londres, Dubaï, New-York, Hong-Kong, Shanghai et à Paris aussi où deux autres collègues travaillent avec moi. »
Des coûts de plus en plus élevés
Les prix de l’énergie sont un problème particulièrement important pour les verreries. En France on l’a vu encore récemment avec Duralex, les verreries de Bohême du Nord sont bien sûr également touchées – celle de Květná a failli fermer il y a peu de temps. Comment s’en sort Lasvit ?
« Cela nous concerne aussi et nous sommes obligés d’augmenter nos prix à cause de l’augmentation de nos frais. Ce n’est pas facile. Mais nous avons la chance d’avoir un produit original et créatif. C’est comme de l’art en fait et nos clients veulent vraiment investir pour embellir leurs espaces avec nos créations. »
Vos produits sont de luxe – est-ce difficile de lutter avec une concurrence dont les prix d’appel pourraient être beaucoup plus bas ?
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« Bien sûr c’est un défi. Mais j’aime bien dire qu’on est un peu comme Hermès parmi les marques de luxe. Lasvit a la vision créative et innovatrice, notre direction artistique est la valeur ajoutée de Lasvit. Le prix récent à Milan nous apporte encore un peu plus de notoriété. »
Dernière question : la perte d’une certaine clientèle russe après l’invasion de l’Ukraine en 2022 a-t-elle été difficile à compenser pour Lasvit ?
« C’est vrai que le marché russe constituait une partie importante de nos ventes. Mais nous essayons désormais de nous focaliser sur d’autres marchés, notamment vers le Maroc et l’Afrique francophone. Le marché le plus important en ce moment pour nous est le marché américain. »
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