Philippe Lioret : « Calais, notre frontière mexicaine »
Philippe Lioret était un des invités de la 44e édition du festival de Karlovy Vary pour son film Welcome. Welcome, c’est un film fort interprété par Vincent Lindon, et une jeune comédien amateur kurde Firat Ayverdi. Calais, dans le nord de la France, c’est le rendez-vous de tous les migrants qui veulent partir en Angleterre. Dans Welcome, le jeune Bilal souhaite rejoindre Londres pour retrouver sa petite amie. Pour cela il est prêt à tout, même à traverser la Manche à la nage.
-Comment vous est venue l’idée de ce film, Welcome ? On connaît le problème des migrants en France, je pense au centre de Sangatte auparavant. L’idée vous est venue à la suite de la médiatisation de tous ces problèmes ?
« Oui et non. Parce qu’avant de se mettre à écrire un nouveau film on pense à le réussir. Il faut donc un sujet fort. Moi je me refuse à l’invention. J’essaye de chercher à me nourrir de ce qu’il y a autour. Or, il n’y a rien de plus universel que cela, la preuve le film se balade partout dans le monde et est reçu pareil partout où que ce soit. Alors que c’est un problème à Calais avec des migrants qui ont un problème spécifique : passer en Angleterre. J’avais entendu parler du problème par voie de presse. Mais je suis allé voir ça de près. J’ai pris une claque énorme tellement ce qui se passe là-bas est dément. Sans parler de la façon indigne dont on accueille ces gens. Il y a aussi le travail des bénévoles pour les aider, la répression policière sur les migrants et de façon détournée sur les bénévoles. Ca m’a donné l’idée d’écrire l’histoire de ce type dont la femme est bénévole, mais lui pas, qui va donner un coup de main à un migrant pour lui montrer qu’il est capable aussi. »
-C’est étonnant, parce qu’il ne le fait pas d’abord pour les bonnes raisons, aider ce jeune Kurde à traverser la Manche...
« Quand on fait des choses par amour c’est toujours pour les bonnes raisons... Ou alors il ne le fait pas pour les raisons qu’on croit. »
-Voilà, il ne le fait pas altruisme vis-à-vis du jeune Bilal, mais plutôt pour impressionner ou reconquérir sa femme...
« Ca part d’un petit calcul mais un calcul d’une demi-seconde qu’il a fait où il s’est retrouvé au pied du mur. On ne prémédite rien. C’est une improvisation constante. Créer une dramaturgie dans cette improvisation constante qu’est la vie, c’est à chaque fois un défi. C’est pour cela qu’il me fallait un thème fort au départ, parce qu’après je savais que j’allais partir dans les digressions de la vie. Le thème fort c’est ça : ce que j’ai vu là-bas, c’est un peu notre frontière mexicaine à nous. »
Retrouvez Philippe Lioret dans la rubrique culture de ce week-end.