Photos aériennes de Yann Arthus-Bertrand : une beauté qui incite à la réflexion. Rencontre...
Bonjour ! Culture sans frontières vous embarque aujourd'hui pour un tour du monde insolite, en compagnie du photographe français Yann Arhus-Bertrand et des visiteurs (belges en l'occurrence) de sa célèbre exposition de photos aériennes de notre planète, « La Terre vue du Ciel ». Début août, elle a été inaugurée sur l'île pragoise de Kampa.
Quelles sont les photos qui vous plaisent le plus ?
« Celles de l'Argentine, parce que nous n'étions jamais dans ce pays qui est beau et où il y a plein de choses différentes à découvrir. Cette expo donne vraiment envie de voyager. »
Cette collection de 120 photographies grand format est accessible gratuitement 24 heures sur 24, jusqu'au 31 octobre prochain. Avec son auteur, Yann Arthus-Bertrand, qui survole la Terre depuis une quinzaine d'années, en ballon et en hélicoptère, nous voilà cachés sous une tente où l'on projette, tout au long de l'expo, un film sur sa vie de photographe et sa méthode. Dehors, il pleut des cordes, et pourtant, le parc de Kampa fourmille de gens. Tchèques ou étrangers, venus exprès au vernissage ou se baladant, tout simplement, dans ce quartier touristique de Mala Strana, ils semblent tous attirés vers les photos comme par une force magique.
En une heure à peine, le photographe leur fait visiter tous les continents, mais c'est un périple assez particulier. Qu'ils se trouvent, en sa compagnie, au Maroc, en Côte d'Ivoire, au Pérou, en Espagne, en Polynésie ou en France, pour observer la flore et la faune locales, villes et villages, merveilles de la nature ou l'homme, c'est toujours dans un contexte écologique, politique et économique, mais surtout humaniste : chasse à la baleine, pollution des eaux, récifs coralliens détériorés par l'impact des activités humaines, inondations, sécheresses, tremblements de terre... on trouve tout cela sur ces images aériennes, belles à couper le souffle et frissonnantes en même temps... C'est au Kenya, où il étudiait, avec son épouse, le comportement des lions, que Yann Arthus-Bertrand a commencé à photographier. On l'écoute :
« Quand j'ai commencé cette étude sur les lions au Kenya, avec ma femme, dans les années 1968-1980, je me suis aperçu que la photographie donnait de l'information qu'on ne pouvait pas donner à l'écriture. Comme je suis mauvais à l'écriture, ça m'a arrangé. J'ai appris qu'il faut toujours rester simple dans la photographie, essayer de faire avec ce qu'on a. On ne fait pas des belles photos tous les jours. Il faut attendre. On ne peut pas demander à un lion de se mettre dans un endroit où c'est beau. La photographie aérienne, c'est ça, il faut attendre le bon moment. Pour gagner ma vie, pour pouvoir payer mes études, j'étais pilote de montgolfière. A ce moment-là, j'ai découvert la photographie aérienne. Je survolais, en ballon, les territoires où je travaillais tous les jours en voiture. Cela m'a donné une appréhension du territoire différente, vu d'en haut. J'ai adoré voler, alors je me suis spécialisé dedans. Puis, dans les années 1992, il y a eu la grande conférence de Rio où tous les chefs d'Etat se sont réunis pour parler d'environnement. C'est la première fois que j'ai entendu parler de troue d'ozone, de réchauffement planétaire, de développement durable, de commerce équitable... Je me suis dit que pour l'an 2000, j'allais faire un grand travail sur la Terre. Aujourd'hui, je m'intéresse plus au côté humaniste qu'écologiste. Tout simplement, parce que l'espèce la plus en danger, c'est l'homme. Ou plutôt c'est celle qui m'intéresse le plus, parce que c'est l'espèce de mes enfants. En même temps, nous qui sommes responsables de ce réchauffement climatique qui va devenir un énorme problème ! Cela va transformer d'une manière incroyable notre façon de vivre. Tous les jours, les scientifiques l'évoquent dans les journaux, mais personne ne veut l'entendre... Moi, je le sais, j'en ai pris conscience comme eux. Mon travail m'a transformé et j'espère que mes photos vont transformer les autres.»
Vous dites qu'il faut attendre le bon moment. Savez-vous toujours exactement ce que vous voulez photographier ?
« Il y a des endroits importants. Si je devais voler sur Prague, je sais très bien que je photographierais la Vieille-Ville. Mais je sais aussi que je trouverais à côté... peut-être un jardin d'enfants, peut-être une péniche qui passe sur la Vltava... Ça, on ne le sait jamais à l'avance. C'est la chance et ça arrive toujours. Dans cette exposition, 70% des photos sont dues à la chance. »
Pourquoi n'avez-vous pas encore photographié Prague ?
« J'avais prévu de voler aujourd'hui, mais comme il fait mauvais, je n'ai même pas sorti mon appareil photo... »
L'Europe centrale, dans son ensemble, vous intéresse ?
« A chaque fois que je vais dans un pays, on me demande : 'Et mon pays ? Tu le trouves beau ?' Tout m'intéresse. Pour moi, il n'y a pas de pays plus beaux les uns que les autres. Sincèrement ! Il y a des pays plus compliqués à survoler, à cause de l'autorisation. Mais l'Europe centrale m'intéresse autant que l'Afrique, autant que... Tu sais, quand tu voles en hélicoptère, il n'y a pas de frontières. Tu pars de la France et tu arrives ici... c'est le même pays pour moi. Je ne suis pas du tout nationaliste. On est tous citoyens du monde et il faut qu'on vive ensemble. Pour y arriver, il faut justement être moins nationalistes. »
Une autre exposition de Yann Arthus-Bertrand, intitulée « Vivants » est organisée jusqu'à fin octobre à Paris, sur les pelouses du Carrefour de Longchamp, dans le Bois de Boulogne.
« Ce ne sont pas mes photos. Je ai récoltés les plus grandes photos d'animaux qui existent au monde, de très belles photos que l'on met en face des chiffres négatifs sur la Terre. C'est une opposition entre la beauté de la nature et la non-reponsabilité de ces animaux qu'on met en danger par nos actions d'un côté et le bilan chiffré du monde de l'autre côté. »
Vos photos plaisent à tout le monde, mais quand même... Avez-vous déjà eu des réactions négatives à votre travail ?
« Il faut savoir qu'au début, personne ne voulait m'exposer. On trouvait mes photos très belles, mais pas assez artistiques, pas assez scientifiques, elles n'étaient pas en noir et blanc... Nous avons alors inventé des expositions dans la rue. C'était aussi parce que je voulais qu'elles soient gratuites et les musées n'étaient pas toujours prêts à les accueillir. Si mes photos ont été considérées comme 'trop simples' et 'trop grand public', cela m'a permis de devenir le photographe le plus connu au monde, c'est génial ! Certains artistes trouvaient que mes photos manquaient de sens, ne voulaient rien dire. Mais les gens ont vite compris que derrière les photos, il y a des légendes qui sont importantes. Aujourd'hui, on dit souvent que ce constat sur l'état de la planète est plus important que les photos. Par contre, on amène les gens à ces chiffres par l'émotion due à l'esthétisme incroyable de la nature. Cette exposition est là pour nous dire que nous sommes tous responsables de notre Terre. Les hommes politiques ne peuvent rien faire si nous, nous ne voulons pas que les choses changent. »
Photo: www.yannarthusbertrand.com |