Prague débordée par les "stags"

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En quelques années, la capitale tchèque est devenue la destination préférée de jeunes Britanniques venus enterrer leur vie de garçon. Si vous ignorez ce qu'est une stag party, il suffit de passer quelques heures en soirée dans le centre de Prague pour comprendre en quoi cela consiste.

« Une stag party, c'est beaucoup de jeunes hommes qui ne font que boire tout le week-end. C'est une tradition très britannique ». Et stagnight en français, ce serait « la nuit des cerfs ».

Celui qui pousse la chansonnette, et qui doit avoir déjà deux grammes d'alcool dans le sang à 16h de l'après-midi, c'est Jason, un des ces jeunes « cerfs » de 25 ans, venu de Manchester pour enterrer sa vie de garçon avec une quinzaine de ses amis - tous vêtus du même T-shirt à son effigie.

Ils expliquent tous qu'ils ont choisi la capitale tchèque parce que la bière est bonne et bon marché, et les filles sont belles - et parfois bon marché aussi quand leur journée finit dans un des bordels qui jouxtent la place Venceslas.

Et en plus ce petit paradis tchèque pour Britanniques en quête d'aventure n'est qu'à deux heures de vol. Les « low-cost », les vols à bas coûts ont d'ailleurs fortement contribué à l'essor de Prague en tant que stag-city. Tom Kenyon est le directeur de la plus grosse agence de voyage spécialisée dans les stags nights, Prague Piss-up (en français piss-up=soûlerie).

« C'est devenu vraiment populaire depuis 2002, c'est donc relativement récemment que le phénomène a explosé. Si vous cherchez Prague stag sur internet avec Google, vous obtenez près de 100 000 réponses et au moins une centaine de sociétés qui les organisent. Evidemment, le premier facteur qui explique cette tendance est le développement des vols à bas prix, j'ai lu quelque part qu'il en atterrit une vingtaine par jour à Prague ».

Selon les estimations 40 000 Britanniques par an viendraient à Prague participer à des stag-parties. D'après Tom Kenyon, la manne financière que représente ce tourisme très spécial dépasserait les 10 millions d'euros. Le problème, c'est que ces groupes de mâles qui déambulent de bars en bars n'ont pas comme qualités premières la sobriété et la discrétion. Robbie Norton tient un pub irlandais dans le centre-ville et sait de quoi il parle.

« Beaucoup d'entre eux se comportent mal, pas tous évidemment, mais il y a une minorité d'entre eux qui viennent causer des problèmes. Ma ville natale, Dublin, a également dû faire face aux nuisances causées par ces groupes et c'est probablement la raison pour laquelle les stags y sont quasiment bannies. Si vous appelez Dublin pour réserver des chambres pour un groupe de 46 personnes ou 25 personnes, on vous répond que c'est complet. »

A croire que les Tchèques sont plus tolérants que les Irlandais... Il faut dire que les Pragois ont une certaine habitude de ce tourisme de la bière : sous le communisme, c'étaient les Allemands de l'est qui passaient des week-ends entiers à boire « l'or de Bohême ». Mais aujourd'hui, certains habitants de la capitale commencent à en avoir marre, et plusieurs restaurants accrochent à leur porte des panneaux « No stags » pour éviter que ces clients bruyants ne fassent fuir le reste de la clientèle. Mais la plupart des établissements du centre-ville accueillent encore volontiers ces excellents consommateurs.

L'une des rues perpendiculaires à l'historique place Venceslas, Ve Smeckach, désertée par les Tchèques, a même déjà mérité le surnom de « stagstreet », ne se résumant qu'à une suite de sport-bars - où sont retransmis les matchs de football et de rugby des championnats d'outre-Manche - et de « cabarets », où Derek, 29 ans, confie avoir pu s'offrir une fille « pour une somme équivalente à dix bières » chez lui, à Bristol.

Rostislav Vondruska, directeur de l'agence nationale pour le tourisme, Czechtourism, considère que pourtant que « les stag-parties n'ont pas encore sali la réputation de Prague au point que d'autres genres de touristes renoncent à la visiter ».

Et pour l'instant, il semblerait que les autorités tchèques ne considèrent pas les stags comme un problème majeur. Apparemment, elles auraient raison de ne pas trop s'en faire car, comme l'explique Tom Kenyon, les Britanniques sont prêts à aller enterrer leur vie de garçon plus loin vers l'est :

« Il y a beaucoup de nouvelles destinations qui se développent tout le temps. On a lancé Budapest l'année dernière et Tallinn l'année d'avant. On va probablement démarrer Bratislava Piss-up et Varsovie Piss-up l'année prochaine, parce que ces villes veulent attirer ces touristes, comme Prague voulait les attirer il y a cinq ans. C'est inévitable que le nombre de stags ici diminue, à cause de la concurrence avec ces autres destinations ».

En attendant que ces autres destinations se développent, Prague restera une « stag-city ». La nouvelle édition du guide Lonely Planet prévient dès la première page du risque de croiser dans le centre de la capitale ces hordes de Britanniques « pleins de bière et de testostérone ».