Prague veut sauver ses transports en commun du gouffre financier

Jaroslav Ďuriš, photo: CTK

Après seulement dix mois en fonction, le président-directeur général de la société des transports en commun de Prague (DPP) a quitté son poste, en fin de semaine dernière. Milan Křístek a estimé ne pas disposer d’un soutien suffisant dans sa volonté de stabiliser la situation financière de la plus grande entreprise publique de la capitale. Son successeur, Jaroslav Ďuriš, septième chef des transports en commun en l’espace de seulement deux ans, aura pour mission principale de trouver de nouvelles sources de financement devant permettre d’empêcher une privatisation de la compagnie que certains estiment inéluctable et imminente.

Photo: Archives de Radio Prague
Environ 1,25 milliard de voyageurs empruntent les transports en commun à Prague chaque année. Pour autant, DPP n’en reste pas moins déficitaire depuis longtemps, traînant comme un boulet notamment le contrat d’achat controversé conclu avec Škoda Transportations en 2006 portant sur l’achat de 250 tramways d’ici à 2018. Ce contrat, d’un montant de près de 800 millions d’euros, augmente chaque année le déficit de la compagnie de 80 millions d’euros. Mais cet investissement n’est pas le seul à plomber les comptes de DPP : la réalisation des travaux actuellement en cours de la construction de quatre nouvelles stations sur la ligne A du métro avoisine les 900 millions d’euros. Un investissement d’autant plus lourd qu’en raison de lacunes répétées dans la documentation, le cofinancement européen initialement prévu a été réduit de 140 millions d’euros pour finalement ne plus être que de 150 millions. Dans ce contexte, certains voient dans la privatisation de la compagnie la seule solution possible, option cependant écartée par le maire de Prague, Tomáš Hudeček :

Tomáš Hudeček,  photo: Kristýna Maková
« Personnellement, je refuse de privatiser la société des transports en commun, ne serait-ce que partiellement. Il y a deux ans, nous étions déjà parvenus au dernier moment à empêcher la vente de ses ateliers de réparation. J’espère aussi que nous sortirons de la crise actuelle. Le contrat passé avec la compagnie Škoda constitue le principal obstacle. Nous sommes dans une situation où la ville de Prague ne peut plus augmenter ses subventions accordées aux transports en commun. »

Le nouveau PDG Jaroslav Ďuriš, ancien directeur des transports en commun de České Budějovice (Bohême du Sud) qui a déjà travaillé à Prague entre 1981 et 2008, est, lui, persuadé que la privatisation n’est pas à l’ordre du jour :

Jaroslav Ďuriš,  photo: CTK
« Si je pensais que la privatisation était inévitable, je n’aurais jamais accepté le poste du directeur. Mais je reste confiant, parce que la société des transports en commun a déjà survécu à d’autres crises, voire à des catastrophes ; des inondations en 2002 aux diverses tentatives de restructuration, en passant par la mort en 2005 de Milan Houfek, que je considère comme le meilleur PDG de la société depuis la Révolution de velours. »

Une augmentation du prix du ticket étant politiquement difficilement envisageable un an avant les élections municipales, et la municipalité ne prévoyant donc pas de revoir à la hausse ses subventions, Jaroslav Ďuriš se doit de trouver de nouvelles ressources pour réduire le déficit de la compagnie. Déjà, il affirme vouloir augmenter le montant des amendes de 1 000 à 1 500 couronnes (de 40 à 60 euros), un quart des utilisateurs des transports en commun voyagent au noir. Il souhaite également revoir le système de réductions qu’il considère intenable sur le long terme, y compris la décision prise en 2010 selon laquelle les enfants de moins de 15 ans et les retraités de plus de 65 ans voyagent gratuitement :

Photo: Archives de Radio Prague
« L’application des différentes réductions représente un manque à gagner de près de 70 millions d’euros et concerne 30% des passagers. C’est une proportion énorme, et il s’agit là d’un élément que nous souhaitons réexaminer. »

Dans la colonne économies possibles, Jaroslav Ďuriš entend également se lancer dans des négociations devant permettre de réduire les frais de gestion de l’entreprise. Une partie des syndicats a déjà réagi en annonçant qu’un gel des salaires était hors de question. Jaroslav Ďuriš se retrouve donc avec un mandat qui, comme celui de ses prédécesseurs, pourrait bien être fort précaire.