Que faire pour aider les handicapés ? Acheter une brique...

Des foyers, où les handicapés mentaux vivent avec leurs assistants, dans une ambiance chaleureuse et familiale, où ils travaillent et s'amusent, sont encore assez rares en République tchèque. Mais, avec l'effort des parents des handicapés, et, finalement, de tous les Tchèques, la situation est en train de changer. Magdalena Segertova explique.

« Quand nous avons appris que notre fils était handicapé mental, nous n'avions que deux possibilités : soit le placer dans un établissement de soins sociaux, soit le garder à la maison et s'en occuper tout seuls. C'était dans les années 80. Depuis, la situation n'a quasiment pas changé », dit la mère de Vojta, 18 ans. Les familles des handicapés mentaux reprochent à l'Etat de leur tourner le dos. S'il existe des écoles et des centres spéciaux, des services d'assistance destinés aux handicapés et à leurs familles, c'est grâce aux organisations non lucratives. Or, elles visent surtout les enfants. Et les adultes ? Une seule perspective s'ouvre à eux : celle de passer leur vie dans un établissement de soins sociaux et, plus tard, dans une maison de retraite. Pour pouvoir rendre les handicapés mentaux plus heureux, pour les réinsérer dans la société, l'Etat manque, paraît-il, d'argent. Les parents des handicapés également et pourtant, ils essaient de faire bouger les choses. Réunis en plusieurs associations civiques, ils ont fondé, un peu partout dans le pays, des foyers, où leurs enfants, une fois devenus adultes, peuvent vivre normalement : avoir un petit chez-soi, faire la cuisine, le ménage, s'occuper des animaux, travailler, se consacrer à la création artistique... Bref, s'épanouir, trouver une raison de vivre. Tout cela, évidemment, avec l'assistance de spécialistes. Trouver l'argent pour financer de tels projets est une tâche énorme. L'association civique Portus a eu l'idée d'y faire participer tous les Tchèques. Il y a quelques années, ces membres ont décidé d'aménager des appartements pour handicapés dans une ancienne cure, à proximité de Prague. Il était clair que la rénovation du bâtiment dévasté et son équipement allaient coûter des millions... Pour le financer, on a fait fabriquer des milliers de briques, vendues ensuite dans les rues de Prague et d'autres villes tchèques, à raison de cent couronnes tchèques la brique, soit l'équivalent de cinq cafés ou d'un billet de cinéma. Les briques achetées, les gens les ont soit ramenées chez eux, soit ils les ont signées ou ont écrit un petit message dessus et les ont laissées chez les vendeurs qui en ont construit des pyramides de plusieurs mètres. Le projet a été soutenu par les médias, mais aussi par de nombreux artistes : des concerts, spectacles et autres manifestations culturelles, organisées dans son cadre, ont aussi apporté des sommes non négligeables. En deux ans, les parents des handicapés ont réussi à collecter plus de 4 millions de couronnes tchèques (plus de 100 000 euros), auxquels s'est ajoutée l'aide financière des sponsors et de la mairie de Prague. En juin dernier, les premiers handicapés ont pu s'installer dans les locaux rénovés, à la grande satisfaction de leurs parents. Mais... quand tous les travaux seront terminés, le foyer ne pourra accueillir que dix personnes. Dans la ville de Brno, de l'autre côté du pays, où la Charité catholique a réalisé le même projet, deux maisons au centre-ville seront bientôt mises à la disposition d'une trentaine de handicapés. Cependant, ils sont encore 15 000 à vivre enfermés entre quatre mûrs, en marge de la société...

Auteur: Magdalena Segertová
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