République tchèque 2.0 : des informaticiens locaux très prisés
Les informaticiens tchèques ont la cote : leur savoir-faire et leurs tarifs relativement bas attirent les investisseurs étrangers à Prague et dans le reste du pays. Les fondateurs d’ICflix (prononcer comme en anglais I-see-flix) ne s’y sont pas trompés – et pour développer leur plateforme inspirée par le Netflix américain et destinée principalement à un public arabophone, ils sont venus de Dubai pour établir une base près de la capitale tchèque.
« ICflix, en trois mots, c’est un réseau-télévision-internet, pour Hollywood, Bollywood et ce que nous avons appelé Jazwood, le cinéma arabe. Le contenu est limité à la région du Maghreb et du Moyen-Orient sauf pour Jazwood: nous sommes la plus grande plateforme au monde avec du contenu arabe, avec plus de 40 000 heures en ligne actuellement. Et la République tchèque est notre centre technologique, avec une société à Brno qui conçoit nos applications et ici près de Prague nos locaux pour la maintenance et l’infrastructure. »
Pour pouvoir proposer en ligne ces films arabes, ICflix a dû faire un grand travail de numérisation, d’abord en Egypte et au Maroc. Le reste, ce sont les ingénieurs tchèques qui s’en sont occupés :Carlos Tibi : « Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous avons choisi la République tchèque : d’abord le background technique, avec de bonnes universités et le talent des informaticiens locaux, et puis le coût en général. Tout est moins cher ici, par exemple pour avoir la connexion internet dont nous avons besoin pour mettre le contenu en ligne, ça coûte environ cent fois moins cher ici qu’au Moyen Orient. »
Sur une vidéo de promotion diffusée sur Internet par ICflix, on voit les employés du bureau de Dubaï parodier une chanson de Queen pour vanter les mérites de la plateforme. Mais c’est bien en République tchèque, concrètement à Brno et à Beroun, qu’est réalisé une partie essentielle du travail, la partie technique.Logiciels, applications, mais aussi jeux vidéos ou antivirus: la réputation des développeurs ou analystes-programmeurs locaux n’est plus à faire dans ces différents domaines.
Quelques mauvaises expériences en Inde aussi ont joué en faveur des Tchèques, qui ont su convaincre rapidement ICflix. Contacté sur un réseau social, Řehoř Vykoupil et sa société Mautilus ont proposé quatre jours plus tard leur application – et quelques semaines après il signait un contrat à Dubai.
« Le fait qu’en République tchèque il y ait un bon nombre de sociétés spécialisés dans ces domaines fait que les investisseurs étrangers savent qu’ils peuvent venir ici et obtenir ce dont ils ont besoin. Et le fait que nous soyons un pays de l’Union européenne est un énorme avantage, parce que pour ces investisseurs c’est une garantie qu’il existe ici un cadre juridico-légal qui fonctionne. C’est très important pour la confiance des acteurs globaux et elle est acquise grâce à cette appartenance à l’Union européenne. »Selon Řehoř Vykoupil, les choses seraient peut-être encore plus simples pour sa société si la République tchèque adoptait la monnaie unique européenne, mais la couronne tchèque ne représente pas un handicap majeur, comme le prouve le contrat signé avec ICflix. En tout cas, il se félicite d’avoir installé sa société dans les locaux du Centre d’innovation de Moravie du sud, à Brno – une structure que l’on appellerait en français une pépinière d’entreprises :
« Pour nous, c’est fantastique d’être dans un environnement où il y a beaucoup de gens motivés et compétents, où le savoir-faire est concentré dans un seul et même endroit. L’environnement est jeune et international – ce n’est pas rare d’entendre parler anglais, espagnol ou français dans les couloirs. C’est un milieu très créatif et même si les autres sont moins expérimentés que nous, quand on discute, leurs idées nous motivent et nous poussent vers l’avant. Même si les résultats sont difficilement mesurables, le fait que ce type de structures existe, que ce soit à Brno ou à Prague, c’est extrêmement important pour que dans dix ans notre industrie ait quelque chose à proposer au reste du monde. »
Pas toujours simple, pourtant, de coordonner des équipes entre différents continents et différentes cultures. L’ingénieur tchèque Antonin Král, basé à Beroun, est le directeur technique d’ICflix :« Au début, c’est vrai que c’était un peu difficile parce que le background culturel est vraiment différent, donc nous avons dû apprendre à communiquer pour mieux nous comprendre. Ce qui nous paraissait être normal pouvait être mal pris par nos interlocuteurs arabes, mais nous avons franchi cette première étape et maintenant la collaboration fonctionne. »
Mondialisation en marche, et en ligne : voici donc comment par exemple un internaute tunisien pourra regarder ses films préférés mis sur la toile depuis l’Europe centrale par une société fondée aux Emirats. « Mais notre public peut également se trouver dans la rue de notre petite ville tchèque », précise Antonin Král – les propriétaires du restaurant oriental du coin, qui parlent arabe, se sont apparemment montrés très intéressés par la nouvelle plateforme.