Revue de presse : Andrej Babiš « a subi » une victoire écrasante
Près de la moitié (48%) des électeurs tchèques ont voté en faveur de formations politiques qui se présentent comme anti-systèmes et qui veulent marquer une rupture plus ou moins radicale avec la politique des partis traditionnels, de gauche comme de droite. Dans leurs analyses sur les résultats des élections législatives du week-end écoulé, les médias tchèques cherchent à expliquer ce vote de protestation massif et s’interrogent sur l’avenir du pays sous la houlette d’Andrej Babiš et de son mouvement ANO.
Marek Švehla remarque que les partis soit disant anti-systèmes qui ont recueilli la majorité constitutionnelle à la Chambre des députés ont des idées assez divergentes sur le fonctionnement de l’Etat qu’ils souhaitent tous modifier de manière radicale : « Certains veulent abolir le Sénat, les régions et peut-être même les conseils municipaux, il y en a qui souhaitent révoquer les juges, d’autres encore revendiquent le départ du pays de l’Union européenne. Seule la diversité de ces partis, plus précisément du mouvement ANO, des Pirates et du SPD, éveille l’espoir que l’on ne modifiera pas la Constitution et que la République tchèque ne changera pas son orientation de manière irréversible ».
Pour le commentateur de la Radio tchèque Petr Holub, la question se pose de savoir si, effectivement, la moitié des Tchèques sont résolument opposés à la démocratie représentative. Comme le remarque Petr Holub, les résultats de ce scrutin rappellent la situation que la Tchéquie a vécu dans les années 1990. A cette époque, les électeurs à Prague et dans les grandes villes, qui restent jusqu’à présent fidèles aux acteurs traditionnels de la scène politique, soutenaient les partis de droite et de centre-droit, alors que les habitants des régions industrielles et la population rurale votaient massivement en faveur des sociaux-démocrates et des communistes. Petr Holub :« Il semble que rien n’a vraiment changé au cours de ces vingt dernières années. Sauf que les anciens sympathisants de la social-démocratie ont changé d’adresse : ils votent désormais ANO et SPD. […] Reste à savoir si ce ne sont pas les conditions de vie insupportables dans de nombreuses régions qui se manifestent par une forme quelconque de protestation. Si c’est le cas, cette réalité est en contradiction avec le constat sans cesse répété, à savoir que nous nous portons tous bien dans ce pays. »
Dans leur ensemble, les principaux journaux tchèques tentent d’analyser la déconfiture des partis politiques tchèques traditionnels, notamment des sociaux et des chrétiens-démocrates, ainsi que des formations plus petites représentant la droite libérale et pro-européenne, à savoir les partis TOP 09 ou STAN (Parti des maires et indépendants), qui ont tout juste réussi à se hisser à la chambre basse du Parlement. « Les Tchèques qui aimeraient voir leur pays intégrer le noyau dur de l’Union européenne ont failli ne pas être du tout représentés à la Chambre des députés », s’inquiète Petr Honzejk. Et le commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny de recommander à TOP 09, au Maires et indépendants et aux chrétiens-démocrates de réfléchir à la formation d’une coalition qui leur donnerait du poids sur la scène politique.
Enfin, les médias laissent Andrej Babiš savourer le succès électoral de son mouvement ANO.« Lors de la campagne, personne d’autre n’a manifesté autant de volonté de gagner, personne n’a fait preuve d’une capacité aussi importante de faire absolument tout pour atteindre son objectif. Tout cela en se moquant des valeurs démocratiques », reconnaît Jaroslav Spurný dans Respekt. En titrant que, « Andrej Babiš ‘a subi’ une victoire écrasante », le magazine fait allusion aux difficultés que risque de rencontrer le vainqueur des élections, mis en examen dans une affaire de fraude aux subventions européennes, à trouver des partenaires pour former une coalition gouvernementale.De leurs côtés, les quotidiens Lidové noviny et Mladá fronta Dnes, tous deux édités par le groupe Mafra qui appartient à Andrej Babiš, ont souligné que la faute capitale des grands perdants de ces élections législatives a consisté à mener une campagne essentiellement anti-Babiš plutôt que de mettre en avant leur propre programme.