Roms français et tchèques échangent leurs expériences : « le racisme antirom est socialement acceptable »
Le mur d'Usti nad Labem, les stérilisations non consenties, les discriminations dans le système scolaire... La République tchèque fait souvent l'objet de critiques à propos de la situation des Roms sur son territoire. Les ONG et militants des droits de l'homme dans le pays tirent aussi régulièrement la sonnette d'alarme, et attirent notamment l'attention du public et des autorités sur l'augmentation à la périphérie des villes du nombre de ghettos roms, dans lesquels les conditions de vie sont plus que précaires. Qu'en est-il, vu d'ailleurs ?
La semaine dernière, des activistes roms venus de France ont visité quelques villes de Bohême pour rencontrer des partenaires associatifs de la communauté rom tchèque et des partenaires institutionnels pour échanger leurs expériences. Parmi eux, Samir Mile, qui préside l'association française la Voix des Rroms. Il établit un parallèle entre les situations des Roms français et tchèques.
« On peut comparer les situations. On a en France comme en République tchèque une exclusion sociale générale qui touche une majorité inquiétante de la population rom ; en cela il y a vraiment un parallèlisme. En revanche, ce qu'il y a de différent c'est que l'on a en France une sorte d'exclusion politique des Roms. »
Une exclusion politique de facto également en République tchèque, puisque par exemple pour ces élections législatives il n'y aucun candidat rom en position éligible. Cela ne revient-il pas au même finalement ?
« Cela revient au même et le dénominateur commun est le racisme antirom qui est un racisme socialement acceptable. En République tchèque il n'y a pas d'exclusion formelle. Quand je disais politique, je pensais plus à la participation des personnes dans les initiatives et mesures qui les concernent. En République tchèque, il y a des conseillers roms sur des affaires roms à tous les niveaux. Mais, et on l'a vu à travers les témoignagnes et rencontres ici, cela n'est pas efficace. »
La République tchèque est souvent pointée du doigt par la communauté internationale ou les médias étrangers à cause des discriminations subies par la communauté rom. La France est en revanche relativement épargnée par ces critiques ; même quand le maire d'une commune brûle les caravanes des gens du voyage, la France n'est pas accusée d'être une République qui discrimine les Roms. Comment peut-on expliquer cela ?
« On dit souvent qu'il n'y a pas de fumée sans feu - c'est valable pour la République tchèque. Mais de l'autre côté, et nous les Roms on connaît assez bien le feu, il y a aussi du feu qui ne fait pas de fumée, surtout quand les maîtres du feu ne veulent pas qu'il y ait de fumée. Dans les relations interétatiques au sein de l'UE, nous savons très bien - et tout le monde le sait - que ceux qui dirigent sont les Etats d'Europe occidentale. Donc il n'est jamais bon de critiquer des pays comme l'Allemagne, la France ou l'Espagne. Alors que sur les nouveaux membres de l'UE on se permet beaucoup plus de choses. »
Lucia Presber est présidente de l'association française des femmes roms, sintés et kalés. Aux questions posées par les Tchèques, elle a répondu en se basant entre autres sur le rapport rendu en novembre 2005 par le Centre européen des droits des Roms sur la situation des gens du voyage et des Roms migrants en France. Elle aussi souligne que la discrimination des Roms est un phénomène qui n'épargne pas la société française:
« Il n'y a pas de violences comme il peut y avoir ici, il n'y a pas de skinheads en France, c'est clair. Mais quand même, il y a une certaine violence comme ces incendies volontaires de caravanes. Les Tchèques parlent de discrimination dans les écoles ; le rapport du centre européen des Roms a montré que cette discrimination existait aussi en France, pas seulement à l'égard des Roms migrants mais aussi à l'égard des manouches, gitans, sinti... C'est très difficile de scolariser les enfants. On a aussi des problèmes d'accès aux services sociaux, à l'électricité et à l'eau potable. Si on lit ce rapport sur les gens du voyage en France, il y a du travail à faire au niveau administratif et gouvernemental. »