Ronald Zollman : « C’est très stimulant de pouvoir s’immerger dans votre musique »
Ronald Zollman est le principal chef invité de l’Orchestre symphonique de la Radio tchèque. Cet artiste né en 1950 à Anvers a dirigé au cours de sa carrière beaucoup de formations symphoniques renommées. Depuis un an, il revient régulièrement à Prague pour travailler avec son orchestre. Récemment, il a donné avec cette formation un concert dans la grande salle du Rudolfinum avec au programme des oeuvres de Martinů, de Kabalevsky et de Dvořák. A l’issue de ce concert très applaudi, il a répondu à quelques questions de Radio Prague :
« C’est en tout cas différent pour moi parce qu’il y a un choc émotionnel. C’est comme diriger le Sacre du Printemps au Théâtre des Champs Elysées à Paris où il a été créé. Ce n’est pas pour ça que c’est bien ou moins bien mais il y a quelque chose qui se passe, on sent une vibration particulière. Je crois que c’est autant en moi que dans le public. Mais c’est vrai que les Tchèques ont un grand sens de la musique et évidement de la musique nationale. Ils ont un grand amour de leur musique. C’est un pays où il y a un grand amour de la patrie, une grande fierté justifiée. Je ne parlerais pas de nationalisme parce qu’aujourd’hui on n’aime pas trop parler en termes de nationalisme. Je dirais plutôt un grand amour de la culture et de la terre tchèque. Et c’est merveilleux et très stimulant de pouvoir s’immerger là-dedans. »
Depuis un an vous êtes le principal chef invité de l’Orchestre symphonique de la Radio tchèque. Pourquoi avez-vous pris ce poste. Etait-ce un objectif ou un hasard ?
« C’est avant tout un hasard. Ce n’était surtout pas un objectif mais c’est un plaisir. C’est venu au bon moment. Il se fait que je connais bien le pianiste Jan Simon. Il a été lauréat du Concours Elisabeth à Bruxelles, l’année où je dirigeais les finales ; donc je l’ai connu quand il avait 22-23 ans. On avait tout à fait perdu contact jusqu’à ce que je revienne diriger par un autre biais l’Orchestre de la Radio tchèque. C’est donc comme ça que nous nous sommes revus. Autant la sympathie a fonctionné avec l’orchestre, autant notre amitié a été renouvelée à cette occasion. Et depuis lors, elle est là. »
Vous collaborez donc avec cet orchestre depuis une année. Les attentes avec lesquelles vous avez commencé ce travail, se sont-elles réalisées ?
« Pas encore, parce que c’est un début mais je sens une connaissance mutuelle évoluer très positivement. Ils me connaissent et ils savent le genre de personne que je suis. Je sais aussi jusqu’où je peux aller avec eux et j’essaie évidemment d’aller un peu plus loin. »
Vous êtes l’élève d’Igor Markevitch. Qu’est-ce que ce grand chef d’orchestre vous a donné ? Y a-t-il quelque chose qu’il vous a apprise et qui vous accompagne pendant toute la vie ?
« Beaucoup de choses. J’ai eu la chance de l’avoir comme premier professeur de direction d’orchestre. C’est un choix que j’ai fait quand j’avais douze ans. J’ai lu l’un de ses livres où il parlait de l’enseignement de la direction d’orchestre. A douze ans j’avais déjà l’intention de devenir chef d’orchestre. Je me suis dit: ‘Voilà, c’est avec lui que je veux étudier.’ Je l’ai donc rencontré quand j’avais seize ans quand il est venu faire des concerts en Belgique. Je lui ai demandé si je pouvais devenir son élève et il m’a accepté. Fatalement, le premier professeur et d’autant plus le professeur de cette envergure-là vous marque. Il vous marque au point qu’à un moment donné il faut s’en détacher. J’ai donc beaucoup appris de lui, je pense beaucoup à lui mais j’ai senti la nécessité de le quitter au bout de trois ans et j’ai eu la chance d’aller étudier chez deux autres grands maîtres, Hans Swarowsky en Autriche et Franco Ferrara en Italie. C’étaient des gens très contraires l’un de l’autre. Autant Swarowsky était intéressé par les voix intérieures dans l’orchestre, autant Ferrara, en véritable Italien, cherchait la mélodie. Ils m’ont apporté chacun des choses différentes. Et puis finalement on assimile tout cela, on en fait sa propre cuisine et on espère qu’il va en sortir quelque chose d’authentique et qui ne peut être que soi-même. »Ce soir vous avez présenté la Sixième symphonie de Dvořák. C’est une oeuvre qui n’est pas très connues et qui n’est pas très souvent donnée en concert. En quoi cette oeuvre diffère des autres grandes symphonies célèbres de Dvořák ?
« Je ne sais pas si elle est différente. Elle est effectivement moins jouée. Quant on regarde les symphonies de Dvořák, de la Cinquième à la Neuvième - les cinq symphonies les plus jouées de Dvořák, elles vont aussi en crescendo en fréquences d’exécution. La Cinquième est vraiment assez peu jouée. Moi je les ai jouées toutes les cinq. La Sixième est donnée quand même relativement souvent, la Septième est plus fréquente, la Huitième nettement plus et la Neuvième, évidemment tout le monde la siffle dans les rues non seulement de Prague, mais de New York, de Paris et d’ailleurs. Je ne m’explique pas pourquoi la Sixième est moins jouée que la Huitième. Elle est plus difficile. Cela doit être une raison. La Huitième et la Neuvième sont des symphonies relativement faciles à monter. Toute musique est difficile à jouer, comprenez-moi bien, mais il y a quand même une musique qui se monte plus facilement que d’autre et en jouant la Huitième on peut obtenir assez vite un assez bon résultat. Dans la Sixième il y a beaucoup de travail mais ce n’est sûrement pas une moins bonne symphonie. C’est pour moi la plus brahmsienne des symphonies de Dvořák mais en même temps elle est très authentiquement ‘dvořákienne’. Pour moi c’est un chef d’oeuvre absolu dans l’oeuvre de Dvořák. Brahms est un grand architecte, tandis que Dvořák a quelque chose de plus souple, de plus mobil que Brahms. Disons que la mobilité de Brahms est plus cachée que celle de Dvořák mais l’influence de Brahms est très évidentes dans les 1er et 4e mouvements. Et il se fait que je l’ai beaucoup dirigée, je crois 35 fois, ce qui est beaucoup pour quelqu’un qui n’est pas Tchèque. »