SDF en Tchéquie: un destin parfois inéluctable
Parmi les jeunes Tchèques sans domicile fixe, nombreux sont ceux à avoir été élevés dans des maisons de l'enfance. A leur sortie de ces centres sociaux, ils se retrouvent désemparés face aux responsabilités et difficultés de la vie quotidienne. Explications avec Guillaume Narguet.
En ce début de semaine est parue dans le quotidien le plus vendu en République tchèque, Mlada fronta Dnes, une enquête tendant à montrer la relation de cause à effet entre le nombre croissant de jeunes SDF tchèques et la mauvaise éducation des enfants placés dans les institutions sociales de l'Etat. Un chiffre alarmant tout d'abord: pour 1,7 million d'enfants en Tchéquie, 7500 d'entre eux grandissent sans leurs parents. En comparaison, c'est dix fois plus qu'en Grande-Bretagne, où ils ne sont que 6000 à rejoindre un centre pour 11 millions d'enfants. Derrière ce constat se trouve une raison simple, les assistants sociaux et les tribunaux tchèques ont souvent tendance à retirer trop tôt les enfants de leur famille d'origine. Pour en arriver à une telle extrémité, il suffit que la famille connaisse des problèmes financiers, de logement ou encore que l'enfant ne se rende pas régulièrement à l'école. Or, dans de nombreux cas, le choix de l'apport d'une aide à la famille se révélerait plus judicieux et profitable pour l'enfant qu'un envoi dans une maison de l'enfance. Une éducation collective ne constitue pas, en effet, une base suffisamment solide pour aborder la vie. En manquant d'une relation sentimentale et personnelle profonde avec un adulte, l'enfant perd, entre autres, ses repères affectifs, sociaux, psychologiques et n'a qu'un sens faussé de valeurs telles que la fidélité, la responsabilité ou la confiance en l'autre.
Aujourd'hui, tout particulièrement à Prague, on se rend compte, bien que les statistiques manquent, que le nombre de personnes sans domicile, sans emploi et vivant dans la rue ne cesse d'augmenter. Et pour cause, en sortant à 18 ans du centre d'éducation avec pour seule richesse chaussettes et slip de rechange dans leur sac à dos plus quelque menue monnaie dans la poche, les jeunes possèdent un autre handicap majeur, le manque d'instruction et de formation professionnelle. Enfin, ils ne sont pas prêts à affronter la réalité du quotidien indépendant qui s'ouvre d'un seul coup devant eux. Ils ne savent ni cuisiner, ni faire des courses, ni gérer ne serait-ce qu'un faible budget et connaissent des problèmes de communication pour faire, par exemple, une demande auprès d'un service administratif. Bref, une situation sociale préoccupante qui, pour l'instant, ne provoque qu'une réaction soporifique de la classe politique tchèque.