Ski de fond : au cœur des 50 kilomètres des Monts Jizera avec 5 Français du Vercors

Photo: CTK

Course de ski de fond la plus populaire en République tchèque, la Jizerská padesátka (ou Les 50 kilomètres des Monts Jizera) s’est tenue pour la 46e fois dimanche à Bedřichov, en Bohême du Nord. Parmi les 4 800 participants, limite maximale établie par les organisateurs de cette épreuve longue distance traditionnellement disputée en style classique, figuraient neuf Français, dont cinq membres du même club, l’US Autrans. Venus tout spécialement pour l’occasion depuis leur beau massif du Vercors, Radio Prague les a rencontrés à Prague lundi matin, lendemain de la course. A la descente de leur lit, certains avaient encore un peu mal aux jambes et aux bras, mais tous sont repartis de République tchèque et des Monts Jizera avec de bons (et même très bons) souvenirs pleins la tête.

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« Je m’appelle Wilfrid Valette et suis entraîneur de ski de fond à l’année sur le Vercors. Hier, j’ai pu me faire plaisir sur les skis car il y avait d’excellentes conditions avec une piste très bien préparée et une super neige. C’était quand même un peu dur, car maintenant on fait ça pour le loisir avant tout. J’ai fini 445e au milieu de la masse et c’était très sympa. On s’est perdus très rapidement au départ à cause du monde, mais sinon avec Christophe, qui fait du ski très régulièrement avec moi, et Guy, on aurait pu très facilement faire beaucoup de kilomètres ensemble, car il y avait une très bonne ambiance et personne ne se marchait sur les skis. »

Votre temps à l’arrivée ?

« Trois heures et quart à peu près. Je suis satisfait même si on s’est un peu ratés au fartage… C’est d’ailleurs qui en suis le responsable. Selon ce qui avait été annoncé, on pensait que la neige serait plus humide et moins glissante, du coup on a mis un peu trop accrochant. Bon, on n’a quand même pas reculé, mais ça glissait moins que ce qu’on espérait. »

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« Moi, je suis Christophe Bertrand et fais partie du groupe. C’est avec beaucoup de plaisir que nous avons organisé ce déplacement en Tchéquie. Pour ce qui est de ma course, je dirais que je m’en suis bien sorti… J’ai eu mal au dos la veille de la course et j’avais donc quelques inquiétudes. Mais finalement la magie et la chimie du ski de fond font que la journée s’est très bien passée, même bien mieux que je ne l’imaginais. Je dois être dans les 800es en 3h45 à peu près. Mais le résultat est un passé au deuxième plan. L’ambition était d’abord de passer une bonne journée, et de ce côté-là je n’ai pas été déçu. Les paysages sont magnifiques, les gens très agréables, c’était très fair-play par rapport à d’autres courses auxquelles on a déjà participé. Il n’y a pas eu de bousculades et surtout pas la moindre agressivité. C’était vraiment bon enfant. Tout le monde participe : les champions et les moins champions. Bref, vraiment une excellente expérience. »

« Je suis Christophe Tixier. Pour moi, c’était ma première course en style classique. J’ai donc suivi les amis, parce que je suis plus un habitué du skating. Finalement, ça s’est plutôt bien passé dans de superbes conditions avec un temps magnifique et de très beaux paysages. Le temps est de 3h50 et je me suis fait bien plaisir. J’ai trouvé que l’ambiance notamment à l’arrivée était aussi exceptionnelle dans une sensation de détente. »

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« Guy Forestier. En ce qui me concerne, je suis celui qui a le plus profité du paysage vu que j’ai eu une fringale avec quelques petits problèmes de fartage qui se sont greffés là-dessus. J’ai mis 5h08 et j’ai moi aussi bien profité de la course dans une très bonne ambiance. C’était très agréable malgré les souffrances, parce qu’il faut quand même arriver au bout et ce n’est pas toujours facile. Mais tout ça, c’est oublié, et ce qui nous reste, c’est encore une fois cette ambiance merveilleuse et ces paysages nordiques comme sur une carte postale. Sans oublier le beau temps qui est arrivé pile pour la course. »

« Bonjour, Philippe Battu… Pour moi, c’est un petit peu pareil. J’avais fait du classique il y a une vingtaine d’années et quand Christophe m’a proposé de me joindre au groupe pour faire cette course en classique, ça m’a tout de suite tenté. La République tchèque est un pays nouveau que je ne connaissais pas du tout et j’ai vraiment retrouvé l’ambiance de ski de fond qu’il y avait dans le Jura il y a vingt ans avec des paysages fabuleux. Là, nous avons eu la chance d’avoir une neige très douce et abondante. Si je peux comparer, ça me rappelle un peu le Jura suisse avec des fermes isolées et étendues et des sapins assez bas comme des épinettes. J’ai vraiment adoré ce paysage et j’ai mis 4 heures pour bien en profiter… Je venais surtout pour cette ambiance de course et revivre ce style classique qui se perd de plus en plus en France. Le skating, c’est quand même autre chose, mais le style classique reste une référence dans la pratique du ski de fond. La course était parfaitement organisée et m’a rappelé les courses d’antan comme le Vercors qui à l’époque se faisait aussi en classique. C’est donc une expérience à renouveler. »

Que saviez de cette course, de cette région de Bohême du Nord et de ces Monts Jizera avant de venir ?

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CB : « La course est assez réputée et recherchée. C’est une des rares courses qui fait le plein de ses participants avant la fin. Les près de 5 000 participants sont inscrits un mois avant la course, ce qui n’est quand même pas très fréquent. On savait qu’il y avait une bonne ambiance. Par contre, pour ce qui est du relief, personnellement je n’en avais aucune idée. Il y a donc le plaisir de la découverte et de venir dans un pays d’Europe centrale où on sait que le ski de fond est très suivi et apprécié. J’avais entendu parler de l’ambiance, mais j’ai été bluffé par les paysages. Bon, c’est vrai que tout est beau sous la neige, mais là tout particulièrement. »

Cette année pour vous, c’était la République tchèque et ces 50 kilomètres des Monts Jizerské. Vous êtes un peu comme des marathoniens qui chaque année choisissent une ville ou un pays et une course différentes, mais qu’est-ce qui selon vous fait la particularité de cette course tchèque par rapport aux autres auxquelles vous avez participé dans d’autres pays ?

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WV : « Il y a d’abord ce côté Europe centrale, où on sait qu’ils sont fans de classique et que les pistes sont bien préparées. Et c’est le cas, car sur des chemins qui ne sont pas très larges au départ, faire engouffrer 5 000 personnes est une belle organisation dans un champ qui n’est pas immense au départ. Le relief se prête aussi au classique. Après, nous, nous sommes toujours un peu surpris parce que nous avons des montagnes qui sont un peu plus accidentées. Il y a donc un peu moins de relief ici, ce qui veut dire plus de poussée… c’est la poussée simultanée ou double poussée comme on l’appelle dans le style classique. Il y a aussi des neiges froides aussi, ce qu’on apprécie tout particulièrement parce que nous n’en avons pas souvent chez nous, où ça change souvent. Ici, la neige reste stable et c’est agréable pour le classique. C’est même indispensable parce que ça évite de changer le fartage sans arrêt. C’est peut-être aussi pour ça qu’on perd un peu cette technique en France. Dès qu’on va dans le nord, on sait que la neige restera plus stable toute la journée et on se fait plaisir avec le même farte. »

Comment se prépare-t-on pour une telle course ? Vous êtes plusieurs à avoir évoqué le style classique. Est-ce quelque chose de très spécifique dans la préparation ? Faut-il s’adapter et se préparer différemment ?

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WV : « Déjà, c’est bien que tous ceux d’entre-nous qui ont participé soient allés au bout, parce que ce n’est jamais évident. D’abord parce que la neige n’est pas très glissante et il faut donc avoir une bonne endurance. C’est la base qu’on acquiert par une pratique régulière d’autres sports d’endurance, ce qui est le cas de nous tous. Après, pour le classique, c’est vrai que le geste est particulier, il n’est pas le même qu’en skating. Je tire d’ailleurs mon chapeau à ceux qui faisaient leur première course, parce qu’il y a certains muscles qui ont dû se réveiller et montrer qu’ils existaient... En France nous faisons des sorties régulières. Il y a beaucoup de domaines autour de Grenoble qui s’y prêtent et qui sont superbes même s’ils sont moins connus que ceux des Coupes du monde. Et puis l’été, beaucoup d’entre-nous pratiquent régulièrement le ski à roulettes. C’est un bon moyen pour entretenir le geste et la force spécifiques utilisées en ski de fond. »

Combien de temps faut-il pour se préparer à un 50 kilomètres comme celui-ci ? Peut-on comparer l’effort à celui par exemple d’un marathon en course à pied, où on sait qu’il faut au moins trois mois pour se préparer à peu près correctement ? Est-ce pareil pour le ski de fond ?

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PB: « Je crois que cette année nous avons eu beaucoup de chance autour de Grenoble. Dès la Toussaint, nous avons pu avoir un bon enneigement. La semaine des vacances de la Toussaint a été vraiment bien enneigée dans le Vercors, ce qui nous a permis de tout de suite bien faire du ski. Personnellement, cela m’a enlevé une grosse épine du pied. Nous avons pu faire quelques belles sorties de classique. Parce que si on attaque une course de 50 kilomètres sans préparation spécifique, on fatigue vite. A mon niveau, pour moi qui suis vraiment dans les moyens, j’ai intérêt à avoir fait quelques kilomètres avant. Donc, là, c’était vraiment de la chance d’avoir pu skier en début de saison. Nous avons pu faire quatre ou cinq sorties de classique pour nous préparer un peu. Après, ceux qui veulent faire un temps vraiment supérieur ont intérêt à faire d’autres préparations spécifiques style ski roues... Par exemple, moi, j’ai beaucoup souffert au niveau des bras dimanche, notamment dans les faux plats descendants. Comme j’ai très peu de bras, j’en ai vraiment bavé sur quelques kilomètres. On arrive quand même au bout, mais... »

Quand on ne peut pas skier, le reste de l’année, c’est quoi ? Vélo, course à pied ?

PB: « Nous avons de la chance dans notre région. Oui, vélo, course à pied, mais nous faisons tous un peu de montagne. Nous avons donc un fond d’endurance, et heureusement, qui nous donne un peu les bases. Mais après, le ski de fond reste vraiment spécifique dans le mouvement, surtout le classique. On ne peut pas dire : ‘J’ai fait 1 000 kilomètres en vélo, donc ça va bien se passer’. Non, il faut vraiment avoir fait du ski avant une course pareille et s’être un petit peu préparé physiquement les mois précédents. »

Comment expliquez-vous la très faible participation française à ces 50 kilomètres des Monts Jizera ? Vous étiez pratiquement les seuls présents cette année. Même si la tradition du ski de fond en France n’est sans doute pas celle qui existe dans d’autres pays, comment expliquer cette présence italienne ou russe bien plus importante que la française ?

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GF: « C’est vrai... Déjà, il y a le style classique, qui est très peu pratiqué chez nous. Quand les gens en France pensent ski de fond, ils pensent skating. Le style classique, comme c’est le cas dans les Monts Jizera, élimine donc pas mal de participants potentiels. D’autre part, c’est une course qui arrive très tôt dans la saison. C’est un handicap depuis la France. On n’est pas très loin des fêtes de Noël, on s’est un petit peu relâché et penser faire un 50 kilomètres dans la foulée est un peu difficile. Et puis il y a l’éloignement, bien sûr, la langue ; il peut y avoir quelques barrières, même si on n’est jamais tout à fait perdu. Au bout du compte, je crois que c’est surtout la spécificité du style classique et la date au début du calendrier. Et il y a aussi d’autres courses qui se font dans des pays un peu plus proches, que ce soit en Italie ou surtout en Suisse pour le skating. Par conséquent il y a là un plus grand recrutement. Et puis peut-être que les Français sont un peu casaniers... Mais c’est vrai que nous avons été étonnés en apprenant que nous étions si peu de Français au départ ici, alors que les Italiens étaient beaucoup mieux représentés. Mais je crois aussi que les Italiens se mettent beaucoup plus au classique. Et ils sont peut-être plus curieux que nous. »