Les 50 kilomètres des Monts Jizera, le grand rendez-vous des amateurs de ski de fond en République tchèque

Photo: Zitronenpresse, CC BY-SA 4.0

Comme de tradition depuis cinquante-deux ans, quelque 7 500 amateurs de ski de fond s’aligneront au départ de la Jizerská padesátka, dimanche matin à Bedřichov, dans le nord de la Bohême. Epreuve longue distance disputée en style classique, les 50 kilomètres des Monts Jizera sont la course du genre la plus populaire organisée en République tchèque. Au-delà du plaisir de la glisse et de l’effort dans des conditions idéales pour la pratique du ski de fond, son succès trouve sa source aussi dans un parcours qui offre aux participants de profiter de quelques-uns des plus beaux paysages montagneux en République tchèque.

Photo: Zitronenpresse,  CC BY-SA 4.0
« L’ambition était d’abord de passer une bonne journée, et de ce côté-là je n’ai pas été déçu. Les paysages sont magnifiques, les gens très agréables, c’était très fair-play par rapport à d’autres courses auxquelles nous avons déjà participé. Il n’y a pas eu de bousculades et surtout pas la moindre agressivité. C’était vraiment bon enfant. Tout le monde participe : les champions et les moins champions. Bref, vraiment une excellente expérience. »

« C’était très agréable malgré les souffrances, parce qu’il faut quand même arriver au bout et ce n’est pas toujours facile. Mais tout ça, c’est oublié, et ce qui nous reste, c’est encore une fois cette ambiance merveilleuse et ces paysages nordiques comme sur une carte postale. »

Ces deux témoignages enchantés sont ceux de Christophe et Guy, membres d’un groupe de fondeurs français qui, il y a quelques années de cela, avaient fait spécialement le voyage depuis le Vercors jusque dans le nord de la Bohême pour participer à ces 50 kilomètres des Monts Jizera. C’est alors avec enthousiasme qu’ils avaient confié leurs impressions sur la course à Radio Prague. A l’époque, celle-ci se tenait encore au début du mois de janvier. Mais souvent confronté à un déficit de neige à cette période de l’année, les organisateurs ont modifié la date de sa tenue. Depuis désormais deux ans, c’est donc un mois plus tard, en février, que la course de fond la plus prisée en République tchèque trouve place dans le calendrier. Une nouvelle place dans le calendrier qui ne modifie en rien l’esprit originel de l’événement, comme l’explique David Douša, responsable de l’équipe chargée de l’organisation :

« Comme tout un tas de bonnes idées en République tchèque, l’idée est née dans une brasserie autour d’une bière… Elle est le résultat d’un pari d’alpinistes de Liberec qui s’étaient disputés pour savoir qui parviendrait à faire le plus rapidement possible l’aller-retour entre Bedřichov et le hameau de Jizerka. C’est comme ça qu’ont été disputés les premiers 50 kilomètres des Monts Jizera en 1968. Cinquante-deux skieurs y avaient alors participé. L’inscription coûtait cinq couronnes et comprenait un thé chaud et deux gaufrettes à l’arrivée. »

David Douša,  photo: Eva Turečková
Si la genèse de l’histoire relève donc d’une amusante anecdote, la suite, elle, a rapidement pris des contours dramatiques. En 1970, les quinze alpinistes fondateurs de la course ont pris part en effet à une expédition dans la Cordillère des Andes qui devait les mener jusqu’au sommet du mont Huascarán, point culminant du Pérou avec 6 768 mètres. Une expédition dont les alpinistes tchèques ne reviendront toutefois jamais, victimes d’un séisme qui a entraîné la mort de plus de plus de 70 000 personnes et la disparition d’une vingtaine de milliers d’autres.

« La course est en quelque sorte l’héritage qu’ils nous ont laissé. Dès 1971, elle a été organisée comme Mémorial de l’Expédition Pérou. C’est là d’ailleurs une des raisons de son succès populaire grandissant dans les années 1970 et 1980. Les skieurs venaient alors de toute la Tchécoslovaquie, mais aussi des pays voisins, notamment bien entendu d’Allemagne et de Pologne. »

Jaroslav Haupt,  photo: Eva Turečková
Agé de 80 ans, Jaroslav Haupt, qui prétend que la Jizerská padesátka est devenue pour lui un style de vie, est sensible à cette histoire. S’il affirme ne pas se souvenir du nombre de ses participations, Jaroslav est un fidèle parmi les fidèles. Ce dimanche encore, et comme chaque année depuis quelques décennies déjà, il sera présent au rendez-vous et parcourra les cinquante kilomètres comme il se doit :

« Je dirais que le parcours est un peu plus difficile que ceux d’autres courses similaires ailleurs en Europe. Le départ est donné à Bedřichov qui se trouve à 650-700 kilomètres d’altitude et vous grimpez à un rythme régulier jusqu’à 1 000 mètres, ce qui fait que vous êtes en montée constante sur près de dix kilomètres. »

Aujourd’hui, la Jizerská padesátka n’est plus seulement une course de 50 kilomètres. Ce sont aussi six autres courses de plus courtes distances ouvertes à tous, petits et grands, plus ou moins aguerris aux joies de la pratique du ski de fond. Inscrits, au même titre par exemple que la Transjurassienne en France, au programme de la FIS Marathon Cup organisée par la Worldloppet, fédération internationale des courses longues distances en ski de fond, les 50 kilomètres des Monts Jizera ont aussi la particularité d’être parcourus en style classique. Et pour Philippe par exemple, qui faisait lui aussi partie du groupe de fondeurs français venus du Vercors, cette pratique plus traditionnelle que le skating est un vrai plaisir retrouvé :

« Si je peux comparer, ça me rappelle un peu le Jura suisse avec des fermes isolées et étendues et des sapins assez bas comme des épinettes. J’ai vraiment adoré ce paysage et j’ai mis 4 heures pour bien en profiter… Mais je venais surtout pour cette ambiance de course et revivre ce style classique qui se perd de plus en plus en France. Le skating, c’est quand même autre chose, mais le style classique reste une référence dans la pratique du ski de fond. La course était parfaitement organisée et m’a rappelé les courses d’antan comme la Trans’Vercors qui, à une certaine époque, se faisait aussi en classique. »

Un plaisir partagé aussi par son compère Wilfrid, même si un peu pour d’autres raisons :

Jizerská padesátka dans les années 80e,  photo: Archives de Jizerská 50
« Il y a d’abord ce côté Europe centrale, où on sait qu’ils sont fans de classique et que les pistes sont bien préparées. Et c’est le cas, car sur des chemins qui ne sont pas très larges au départ, faire s’engouffrer 5 000 personnes est une belle organisation dans un champ qui n’est pas immense au départ. Le relief se prête aussi au classique. Après, nous, nous sommes toujours un peu surpris parce que nous avons des montagnes qui sont un peu plus accidentées. Il y a donc un peu moins de relief ici, ce qui veut dire plus de poussée… C’est la poussée simultanée ou double poussée comme on l’appelle dans le style classique. Il y a aussi des neiges froides aussi, ce qu’on apprécie tout particulièrement parce que nous n’en avons pas souvent chez nous, où ça change souvent. Ici, la neige reste stable et c’est agréable pour le classique. C’est même indispensable parce que ça évite de changer le fartage sans arrêt. C’est peut-être aussi pour ça qu’on perd un peu cette technique en France. Dès qu’on va dans le nord, on sait que la neige restera plus stable toute la journée et on se fait plaisir avec le même farte. »

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