Tirez sur le député : un remède tchèque à la crise politique ?

Il est plus que rare de voir des photos de députés dans une galerie d’art. Pourtant les deux cent députés tchèques ont tous leur portrait officiel affiché dans une salle de la galerie Nod, dans le centre-ville. Seulement voilà, ils sont de moins en moins reconnaissables : plus le nombre de visiteurs augmente, plus leurs portraits sont criblés de trous. Leurs photos sont des cibles. Le visiteur devient tireur, avec trois plombs gratuits et un fusil à air comprimé à disposition.

Anna a 24 ans, elle est étudiante en économie :

« En premier je vais tirer sur Katerina Jacques, d’abord parce que je n’aime pas les Verts et ensuite parce que je n’aime pas son attitude (Pan ! elle tire). Touchée ! Bon en deuxième ce sera un communiste parce qu’ils sont communistes, qu’ils n’ont pas changé et ne veulent pas changer. »

L’installation s’intitule en tchèque « Ja bych to... », qu’on pourrait approximativement traduire par la formule « Si seulement je pouvais... ». Elle est l’oeuvre du groupe CZAKRA, formé par deux étudiants en arts plastiques, Tomáš Čáp et Michal Kraus. Michal Kraus s’explique :

« On a voulu esquisser une sorte de miroir de la société. Pour voir si certains ont une réelle agressivité envers ces députés et tirent dessus ou si d’autres rendent les plombs qui leur ont été donnés, ou viennent juste regarder. »

Karel, étudiant de 25 ans, n’a pas hésité longtemps avant de tirer sur le portrait d’Olga Zubova, l’une des responsables selon lui de la chute du gouvernement et du « chaos actuel ». Pas question de tirer en revanche pour Milan, journaliste âgé d’une quarantaine d’années :

« Je pense que c’est entre le mauvais goût et l’amoralité... Hélas, ça montre que 20 ans après la chute du communisme les Tchèques ne sont pas arrivés bien loin »

Les députés les plus souvent visés sont pour l’instant le premier ministre Mirek Topolánek et le chef de l’opposition Jiří Paroubek, suivis de près par le ministre de l’Intérieur Ivan Langer et par le très médiatique David Rath. Certains de ces députés ne trouvent pas l’idée choquante, au contraire. Jiri Janecek, député du parti ODS :

« Je pense que c’est une bonne idée. Si les politiciens peuvent amuser les gens, au moins de cette manière, ça ne peut être qu’une bonne chose. Et je crois que les politiciens pourraient s’inspirer de cet exemple. »

Mais pour d’autres, comme pour l’ancien ministre de la Culture, Vítězslav Jandák (CSSD), les auteurs de l’installation « doivent être malades pour utiliser les symboles du fusil et de cibles ». Il les a accusés de « marxisme sûrement hérité de leurs parents ».

Photos: Alexis Rosenzweig