Un tableau inspiré du double érotique de la Joconde prêté par Prague

'La Joconde nue' de Joos van Cleve, photo: Galerie nationale de Prague

Le Musée Condé à Chantilly célèbre le 500e anniversaire de la mort de Leonard de Vinci avec une grande exposition autour d’une de ses pièces maîtresses : un carton préparatoire attribué au maître italien. L’exposition rassemble d’autres œuvres similaires inspirées par cette Monna Vanna qui est un double érotique de la célèbre Joconde du Louvre. Parmi celles-ci une Joconde nue prêtée par la Galerie nationale de Prague. Commissaire de l’exposition, Mathieu Deldicque est revenu sur l’histoire de ce tableau.

'La Joconde nue'de Joos van Cleve,  photo: Galerie nationale de Prague

« La Joconde nue de la Galerie nationale de Prague est très intéressante parce que c’est le signe que cette invention de Léonard de Vinci, qu’est la Joconde nue, était connue dans la France de la Renaissance. C’est un tableau vraisemblablement peint en France vers 1532, à l’époque où un peintre appelé Joos van Cleve arrive à la cour de François Ier, voit une Joconde nue peinte et va en peindre une nouvelle en la réinterprétant comme un portrait de courtisane. C’est donc vraiment un jalon essentiel pour comprendre la réception et l’héritage de la Joconde nue, en France, au XVIe siècle. »

Quelles sont les caractéristiques de cette toile ? Elle porte notamment une signature de Léonard de Vinci, signature qui est fausse en réalité puisque c’est un autre peintre qui l’a réalisée.

« Oui, elle est très intéressante puisque l’on voit un peintre anversois, ou un peintre de son entourage actif en France, qui réinterprète la Joconde nue comme une courtisane : elle a des cheveux dénoués, des bijoux, des perles, elle est entourée de fourrure. C’est une composition qui reprend l’invention de Léonard de Vinci mais qui va l’interpréter comme une beauté de l’époque, une beauté séductrice. »

Quelle est la genèse de l’exposition au Musée Condé ?

'La Joconde nue' Monna Vanna,  photo: Musée Condé
« Nous fêtons cette année le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci en France. Au Musée Condé, nous conservons un grand dessin préparatoire qu’on appelle un carton, qui était attribué à Léonard de Vinci. Cette fameuse Joconde nue, donc. Ce grand dessin qui est le cœur de l’exposition de Chantilly a subi des analyses scientifiques très poussées en 2017, des analyses nouvelles avec des résultats extraordinaires qui permettent de dire qu’il a été réalisé dans l’atelier de Léonard de Vinci et par le maître lui-même, probablement. »

Pour cette exposition vous rassemblez d’autres toiles inspirées par cette Joconde nue, dont celle de Prague. Combien existe-t-il d’œuvres similaires à cette œuvre ?

« A Chantilly, nous avons donc ce grand dessin préparatoire, mais on comptabilise environ une vingtaine de Joconde nues peintes de par le monde, dans des collections privées ou publiques. Il y a des tableaux de plus ou moins bonne qualité, plus ou moins proches de Léonard de Vinci. On en a donc réuni un bon nombre à Chantilly, et notamment la Joconde nue de Prague. »

C’est beaucoup, c’est une œuvre qui a eu une importante postérité.

« Oui, une postérité très importante et cette exposition est l’occasion de montrer que cette icône peu connue du grand public était au contraire célèbre à son époque. »

Sait-on comment la Joconde nue de Joos van Cleve s’est retrouvée en pays tchèques ?

Mathieu Deldicque,  photo: LinkedIn de Mathieu Deldicque
« Ce sont des jeux de collectionneurs : à un moment donné, elle a été vendue à des collectionneurs et ça a fini en pays tchèques. Mais à l’origine, c’est un tableau qui était en France. »

Comment s’est déroulée la collaboration avec la Galerie nationale de Prague ?

« A Chantilly, l’exposition sur la Joconde nue, qui dure jusqu’au 6 octobre, est l’occasion de rassembler des chefs d’œuvres du monde entier : on en a des Etats-Unis, de Russie, d’Angleterre, d’Italie, d’Allemagne et de République tchèque notamment. Ce sont des collaborations scientifiques. Lorsque j’ai bâti ce projet il y a quelques années, j’en ai parlé à tous ces collègues de ces musées, dont la Galerie nationale de Prague. Ils ont été souvent très enthousiastes car c’est un sujet inédit, très nouveau qui permet de nombreuses découvertes. La Galerie nationale a été formidable et a prêté très rapidement et facilement son chef d’œuvre. C’est extraordinaire car cela permet de raconter toute cette histoire et de comparer toutes ces Joconde nues les unes avec les autres. »