Une vie violente : un film sur les années sombres en Corse au Febiofest

'Une vie violente', photo: Febiofest

Parmi les nombreux invités français présents à la 25e édition du festival du film Febiofest, le réalisateur français Thierry de Peretti était à Prague ce week-end. Lauréat en 2013 du premier prix au festival Fresh Film Fest à Prague, pour son premier long-métrage Les Apaches, le réalisateur était de retour à Prague pour présenter son film Une vie violente, sur le parcours d’un jeune militant corse à la fin des années 1990, période sombre de l’histoire de l’Ile de Beauté. En regardant le film de Thierry de Peretti, une des premières réflexions qui vient à l’esprit est que, malgré l’exposition médiatique de la Corse, celle-ci et son histoire restent au fond méconnues. Radio Prague a demandé au réalisateur si son objectif avait été, aussi, de mieux la faire connaître, au-delà des clichés.

Thierry de Peretti,  photo: Febiofest
« Je n’aurais pas pu raconter cette histoire-là autrement qu’au cinéma. Je ne pourrai pas vous en parler comme ça au micro, ni même l’écrire. J’avais vraiment besoin de la grammaire du cinéma pour le raconter. Après c’est un vrai film de territoire, dans le sens où il tente de circonscrire les contours historiques, politiques, sociologiques, culturels d’un endroit ; le territoire étant l’inverse du paysage. C’est-à-dire l’inverse du touristique, disons. Après, je ne pense pas que ce soit seulement la Corse qu’on ne connaît pas, mais tous les territoires, que ce soit en France, ou ailleurs en Europe. Je pense que chaque territoire a un potentiel inexploré, inépuisable de récits et qu’il faut aller les chercher. Je suis très avide de cela, de découvrir des endroits à travers le regard de quelqu’un, à travers un prisme poétique et politique, d’un endroit, d’une époque, d’une société. »

Le héros de votre film, Stéphane, est issu de la bourgeoisie, c’est quelqu’un de cultivé. Il passe de la délinquance, au radicalisme, puis à la clandestinité. Voyez-vous un parallèle entre son parcours et celui, actuel, de jeunes Français, qui sont partis combattre pour l’Etat islamique ?

'Une vie violente',  photo: Febiofest
« On peut toujours voir ces parallèles, mais je ne m’en suis pas trop préoccupé. Il y a toujours cette question, avec les cellules radicalisées, de savoir s’il s’agit d’une radicalisation de l’islamisme ou d’une islamisation de la radicalité ? Evidemment qu’il est question de radicalité, donc les mécanismes peuvent être semblables à un moment, entre un lieu et une époque. Mais je me garderais bien de faire des parallèles. Il y a des mécanismes que le personnage emprunte. Par exemple, il passe par la prison. Mais ce ne sont pas les mêmes époques, et ce n’est pas le même rapport à la mort. Il n’y a pas un tel nihilisme comme dans le radicalisme islamiste, me semble-t-il. »

Vous êtes né à Ajaccio, la génération que vous décrivez dans le film, c’est la vôtre. Ce film était-il pour vous une forme de thérapie ou d’introspection sur ces années sombres que vous avez vécues…

« Une thérapie, je ne sais pas, une introspection, c’est sûr. Il y a quelque chose qui a à voir avec la mémoire, puisque le personnage principal est inspiré d’un jeune homme qui a existé, qui avait le même background socio-culturel que moi, sauf qu’on n’a pas du tout suivi le même parcours. En m’interrogeant sur son parcours, ses choix, la tragédie qui teinte sa vie, c’était une façon de me poser la question suivante : avant mes trente ans, où en étais-je de mon engagement politique ? Quel rapport est-ce que j’entretenais avec l’endroit où je vivais, à savoir la Corse ? »

Quelles ont été les réactions en Corse à votre film ?

'Une vie violente',  photo: Febiofest
« Le film a été beaucoup vu, beaucoup attendu ou commenté. Il a généré beaucoup de discussions. Il est sorti l’été dernier, et il a mieux marché que de gros films américains. C’est pour moi très satisfaisant et très rassurant, car ce n’est pas une franche comédie même s’il y a des passages drôles. J’ai vraiment senti une envie, chez les gens en Corse, d’aller voir quelque chose qui les concerne. Ce qui était encore plus satisfaisant pour moi, et qui m’a plus touché, c’est qu’il y a beaucoup de jeunes gens qui l’ont vu. Des jeunes gens qui ont l’âge des personnages dans le film, entre 20 et 25 ans. Je pense qu’ils ont ressenti que cette évocation était juste et qu’ils découvraient des choses dont on leur avait assez peu parlé. »