Vélos et vélos électriques : un moyen de transport alternatif ?
Berlin, Amsterdam, Paris et de nombreuses autres villes européennes, qu’elles soient de grandes métropoles ou des villes de taille moyenne, misent de plus en plus sur le vélo comme moyen de transport en agglomération. A Prague, les transports en commun sont reconnus pour leur qualité mais ils ne suffisent plus à empêcher l’engorgement des rues de la capitale par les automobiles. Le vélo comme moyen de transport à Prague ? Beaucoup y croient peu, notamment à cause des nombreuses collines pragoises dont l’assaut peut constituer un véritable obstacle, même pour les cyclistes les plus enthousiastes. Jakub Ditrich pense pourtant avoir trouvé la solution. Il a créé l’année dernière une entreprise qui vend sur le marché tchèque des vélos électriques.
« Ekolo.cz est une start-up que j’ai créée l’année dernière. L’objectif de notre entreprise est de changer la perception du vélo ou des deux roues en général dans la circulation urbaine. Nous savons qu’il y a à Prague de nombreuses collines. Nous pensons que les vélos électriques sont un bon moyen de transport. Nous avons aussi des scooters électriques et même des voitures électriques. Donc nous cherchons à informer les gens sur le fait que ces moyens de transport électriques existent, ce que personne n’a fait jusqu’à présent. »
Le vélo est extrêmement populaire en République tchèque. Selon Jakub Ditrich, la moitié des Pragois possède un vélo à la maison. Et selon l’association des spécialistes de la vente de vélos (ASPK), il s’en serait vendu en 2007 autour de 390 000. Les ventes sont constamment en hausse. Mais il s’agit surtout de vélos conçus pour des activités sportives ; ce sont les Vélos Tous Terrains, les vélos de cross ou les Vélos Tous Chemins qui remportent les faveurs des consommateurs tchèques, alors que la part des vélos de route ne représenterait que 2 à 3% du marché tchèque. Les vélos de ville étaient sous le communisme très populaires, ou simplement plus utilisés car plus abordables qu’une automobile. Mais on estime aujourd’hui que sur les 2 300 000 cyclistes réguliers, seul 3% considèrent le vélo comme un moyen de transport.
Il y a cependant de grandes disparités. Dans la petite ville morave d’Uherské Hradiště, presque 20% de la population se rend à l’école ou au travail en bicyclette, et dans des villes de taille moyenne comme Olomouc ou České Budějovice, ils sont presque 10%. Or, dans les deux capitales du pays, Prague et Brno, seulement 1 à 2% des habitants utilisent le vélo comme moyen de transport.
A Prague, une à deux fois par an, des balades cyclistes sont organisées pour rassembler les amoureux de la petite reine et les militants de ce moyen de transport alternatif. Les deux-roues d’Ekolo participent naturellement à la manifestation. Certaines éditions de ces balades collectives ou « cyklojízda » sont néanmoins marquées par des tensions fortes entre les cyclistes et les automobilistes momentanément immobilisés. Pour le patron d’Ekolo, quelque soit la nature du vélo, c’est aussi une philosophie :
« Lors de la dernière ballade collective, il y avait presque 5 000 personnes, ce qui est beaucoup. Donc les automobilistes qui attendent de passer deviennent nerveux. Je le comprends mais en même temps, c’est un sentiment merveilleux de rouler sur la grande voie qui traverse Prague ou sur des routes pour les gens qui auraient peur de rouler sur ces routes dans d’autres conditions. Je pense que c’est la raison principale qui fait que les gens ne roulent pas à Prague.
J’entends dire chaque jour de clients ou de gens intéressés que le vélo, c’est bien, mais qu’ils ont peur sur ces routes parce que les automobilistes ne sont pas attentifs et que le trafic est très dense. C’est pourquoi nous essayons d’informer nos clients où ils doivent aller et comment utiliser le vélo à Prague parce que ce n’est pas si dangereux que cela, mais il faut savoir comment se déplacer. »
Au-delà de la géomorphologie des villes, l’autre frein au développement de la bicyclette en agglomération semble donc bien être la sécurité. Le nombre de cyclistes morts sur les routes a fortement chuté depuis plus de 10 ans, passant sous la barre des moins de 100 morts par an en 2004, notamment grâce à l’amélioration des infrastructures, comme le fait remarquer le centre de recherches sur les transports, un centre rattaché au ministère des Transports.
Il est vrai que le pays dispose chaque année de nouvelles ressources financières issues notamment des fonds européens qui sont ainsi utilisés pour la construction de nouvelles pistes cyclables. Ces dernières se sont aussi multipliées dans la capitale tchèque, mais surtout dans les banlieues et dans les forêts des alentours. Les cyclistes pragois se plaignent souvent de la politique de la ville à leur égard. Jakub Ditrich explique quels sont les problèmes que les cyclistes pragois rencontrent avec la mairie :
« A la mairie de Prague, il existe une commission pour les cyclistes qui se réunit tous les mois et qui doit s’occuper des nouvelles infrastructures. Malheureusement, cette commission a un mandat qui est plutôt de l’ordre consultatif. Plus ou moins, chaque fois que l’on construit ou que l’on répare une route, il est obligatoire, selon les nouveaux règlements, que cette route comporte une piste pour les cyclistes.
Malheureusement, la plupart du temps, c’est un peu comique parce que l’on construit ces pistes qui coûtent très cher là où elles ne sont pas du tout utiles. Et on ne fait rien dans les espaces à problème, notamment aux abords de ces grands carrefours où les cyclistes peuvent à peine poser un pied. Donc cet argent, même s’il n’est pas très important, n’est pas investi de façon judicieuse et même de façon superflue. »
Si les questions de sécurité ne sont pas résolues dans l’immédiat, la formule du vélo électrique peut contrer certaines autres réticences. Jakub Ditrich :
« Un vélo électrique est un vélo normal. Ce n’est pas un scooter ni une mobylette. Mais il a en plus un moteur et une batterie qui l’alimente. Mais cet avantage est important. Sur un vélo électrique, vous ne transpirez pas, sauf si vous le voulez, en coupant le moteur. Mais c’est un véritable moyen de transport, ce qui veut dire que les femmes peuvent être habillées en jupe et les hommes en costume pour se rendre au travail ou ailleurs. C’est un moyen de mobilité auquel vient de plus en plus de gens.
Nous avons fait des mesures, à partir d’un même point de départ et avec plusieurs personnes. Une personne partait en voiture, la deuxième avec les transports en commun et la troisième avec un vélo électrique. Nous avons testé qui arrive le premier. Et dans tous les cas, le vélo électrique arrivait le premier, et en moyenne même trois fois plus vite que l’automobiliste et deux fois plus vite que la personne en transport en commun. »
23 millions de vélos électriques sont fabriqués chaque année, presque exclusivement en Chine. Sur ce chiffre, seuls deux millions sortent du pays fabricant et sont distribués dans le reste du monde. A Prague, l’entreprise Ekolo n'est pas la seule distributrice de ce type de produits mais elle est la seule spécialisée. Elle a vendu depuis sa création, il y a un peu moins d’un an, environ 500 vélos.
Photos: www.ekolo.cz