Vera Chytilova parmi nous

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On attend toujours une monographie de la grande dame du cinéma tchèque, Vera Chytilova. Pour combler cette lacune, la maison d'édition Camera obscura a publié sur internet en deuxième édition un recueil de textes intitulé "Vera Chytilova parmi nous", consacré à cette réalisatrice et publié pour la première fois en samizdat déjà en 1989. Une soirée à l'occasion de cette réédition a eu lieu, ce mardi, en présence de Vera Chytilova, au cinéma Svetozor à Prague.

"Les petites marguerites", "L'expulsion du paradis", "Le jeu de la pomme", "Panelstory", "L'après-midi bien tardif d'un faune" - ces films ont apporté à Vera Chytilova les faveurs du public et de nombreux prix internationaux. Elle s'est imposée déjà dans les années soixante parmi les jeunes cinéastes de la nouvelle vague du cinéma tchèque, aux côtés de Milos Forman, Jiri Menzel, Evald Schorm, Ivan Passer et autres. Lors de la soirée au cinéma Svetozor, elle a évoqué cette glorieuse période du cinéma tchèque.

"On tournait le plus aisément lorsque le film était considéré comme le plus important de tous les arts. (Rires.) C'est ce qu'on disait sous le régime totalitaire. Avant 1968, lors de nos débuts, nous étions soutenus par une section dirigée par Ladislav Fikar. Les chefs des équipes dans les studios de Barrandov à Prague, en ce temps-là, étaient des écrivains proscrits qui s'étaient réfugiés dans la section de programme des studios de cinéma. Ils se montraient donc favorables aux jeunes cinéastes de la nouvelle vague tchèque. Ils donnaient la chance aux nouveaux venus, aux jeunes adeptes sortis de la faculté du cinéma. On nous ouvrait les portes. Chacun avait au moins la possibilité de tourner un premier film et puis il fallait se rendre à l'évidence. Il y avait des cinéastes qui se dépensaient complètement dans leur premier film et après ils n'avaient plus rien à dire. Cela arrivait."

Cela n'est pas arrivé à Vera Chytilova. Elle ne manquait ni de talent ni d'invention, mais elle a connu d'autres déboires. Tombée en disgrâce après l'invasion de l'armée soviétique en Tchécoslovaquie, elle ne s'est pas laissée vaincre et a fini par revenir aux studios de cinéma. Elle a été une des rares cinéastes tchèques qui, sous le régime de la normalisation, étaient capables de tourner des films sans mentir et sans sacrifier leur originalité. La chute du communisme en 1989 lui a apporté la liberté, mais aussi un désenchantement, car comme elle dit, cette liberté a apporté aussi un désintérêt des autorités pour la culture. Pourtant elle continue à faire des films :

"Je travaille toujours parce que je m'intéresse à ce qui se passe et me demande pourquoi cela se passe. C'est une question qui reste toujours la même, dans le passé et dans le présent, parce qu'en fin de compte les gens sont toujours les mêmes. Mais je suis déjà un témoin du passé. "

A 77 ans, Vera Chytilova tourne le film intitulé "Les jolis moments sans garantie" qui raconte l'histoire d'une psychologue confrontée aux divers problèmes psychiques de ses clients. Le film sera distribué en salle à l'automne de cette année.

(Plus de détails sur le livre consacré à Vera Chytilova, ce samedi, dans la rubrique "Rencontres littéraires de Radio Prague.)