"Vous voulez étudier ? Allez vous faire voir ailleurs !"

Elle s'appelle Jirina Siklova, elle a publié récemment, dans le quotidien Lidové noviny, un article où elle s'excuse d'avoir participé au concours d'admission aux écoles supérieures tchèques. Cet article, en raison de l'intérêt qu'il a suscité, a été commenté par le journal sous le titre : "Vous voulez étudier, allez vous faire voir ailleurs." Résumé avec Omar Mounir.

Jirina Siklova, enseignante du supérieur, qualifie le concours d'admission à la faculté des lettres de "sélection injuste et brutale. Une discrimination des plus sérieuses que notre société admet encore". Elle accuse d'entrée de jeu la classe politique, à laquelle elle reproche d'avoir laissé faire. Là, elle pose la question fondamentale suivante : "Où serait l'enseignement supérieur aujourd'hui s'il recevait au moins une partie des milliards dont les gouvernements dotaient et dotent les entreprises déficitaires?"

Bonne question, sans doute, mais les universités ne font pas faillite. Notre auteur trouve que les responsables de l'enseignement supérieur n'ont rien fait non plus pour éviter la discrimination actuelle. Mieux, elle reproche au lobby de l'enseignement d'avoir freiné, lors de la décennie quatre-vingt-dix, toute évolution dans le domaine universitaire.

L'injustice de l'enseignement supérieur, Jirina Siklova la quantifie par des chiffres. Le résultat au concours d'admission, cette année, à la Faculté des Lettres de l'Université Charles est le suivant : sur 12.318 candidats, seuls 1.209 ont été admis, soit 9,81%. Pour la psychologie, les candidats étaient 2507, dont 79 seulement ont été retenus, soit 3,15 %. Mais c'est à l'admission en section anglaise que le pourcentage d'admis était le plus faible : 2,93%. Philosophie et l'histoire : 3,5 %. A l'archéologie classique, il y a eu 3 candidats, tous reçus. Conclusion de Jirina Siklova : seuls les génies sont inscrits en psychologie, en anglais et en philosophie. Les autres, il ne leur reste, a-t-elle conclu, qu'à aller vendre des hamburgers chez Mc Donald's.

Cet état de choses présente à son avis, et pas seulement le sien, la double gravité suivante : d'une part, la psychologie, l'anglais et la philosophie sont des disciplines à usage multiple et la majorité en est privée ; de l'autre, il a été plus d'une fois souligné que les tests d'admission seraient tellement mal conçus que la probabilité de réussite en devient une sorte de loterie. Parmi les recalés, chaque année, 15000 seraient meilleurs que les candidats retenus.

Le règlement organisant les concours fait obligation aux facultés d'accorder aux étudiants empêchés une session de rattrapage. Or, la faculté ne l'accorde pas. Les frais d'inscription sont de 500 couronnes non restituables. Mais le candidat peut toujours essayer, l'année d'après, ajoute, l'ironie amère, Jirina Siklova. Le 8 juillet de cette année, Zdenek Pavlik écrivait dans le même journal, que le concours d'admission à la faculté des lettres n'est rien d'autre que la métamorphose des interrogatoires staliniens. Même si la Faculté des Lettres s'est équipée, après 1989, ajoute-t-il, d'un masque post-mortem de Jan Palach à l'extérieur, d'un buste de Masaryk à l'intérieur, et après quelques années, même de machines à café dans des couloirs, il n'empêche que, depuis l'époque de Zdenek Nejedly (Ministre de la culture et de l'enseignement des années cinquante), il n'y a pas de grand changement.

Que faire alors ? L'auteur estime que la réforme doit venir d'en haut, à condition que la base estudiantine bouge. Est-ce l'annonce d'une année universitaire chaude ?

Auteur: Omar Mounir
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