150 ans pour l'association Umělecká beseda
Plus ancienne association artistique en République tchèque, Umělecká beseda souffle ses 150 bougies. Créée en 1863, son ambition était alors de sortir la culture tchèque d'un certain provincialisme pour lui donner une dimension européenne. Des personnalités importantes des arts plastiques, des lettres, de la musique et de la vie politique, parmi lesquelles Bedřich Smetana, Josef Mánes, ainsi que Tomáš Garrigue Masaryk, ont été membres de cette association qui, en dépit de plusieurs interdictions, a maintenu ses activités jusqu'à aujourd’hui. Retour sur les 150 ans d'histoire d’Umělecká beseda dans le magazine historique de Radio Prague.
Le néo-absolutisme couvre la période allant de 1851 à 1860. Un système répressif représenté par le ministre de l'Intérieur Alexander von Bach est mis en place par Vienne après l'échec de la révolution de 1848 dans le cadre du Printemps des peuples, appelé ainsi en raison d'une vague de soulèvements en Europe inspirés de la révolution parisienne du 22 février. Les révoltes réprimées, l'empereur François-Joseph tente d'unifier politiquement et administrativement l'empire austro-hongrois, dont les pays de la couronne de Bohême font partie, et ce afin d'empêcher de nouvelles révolutions nationalistes. François-Joseph s'appuie sur des ministres comme Karl von Bruck à la Justice et surtout Alexander von Bach à l'Intérieur.
Pour la première fois dans l'histoire de l'Autriche, ce dernier instaure une véritable centralisation de l'administration à Vienne. Le régime s'appuie sur une puissante bureaucratie renforcée par l'utilisation de l'allemand comme seule langue officielle. Alexander von Bach sera remercié en 1859, lorsque l'empereur François-Joseph sentira la nécessité d'un changement politique. C'est dans cette ambiance de détente relative que de nombreuses associations à caractère patriotique voient le jour à Prague. Lukáš Matoušek cite d'autres noms célèbres de l'association Umělecká beseda :
« Parmi les premiers présidents des différentes sections figurent le poète Vítězslav Hálek, le peintre Josef Mánes, les compositeurs Bedřich Smetana, Antonín Dvořák, Zdeněk Fibich et Leoš Janáček, le chef d'orchestre Václav Talich, les frères Čapek. Il y a eu aussi des personnalités de la vie politique dont les deux premiers présidents tchécoslovaques, Tomáš Garrigue Masaryk et Edvard Beneš, ainsi que, plus tard, beaucoup plus récemment, le président Václav Havel. »
La vie associative connaît un développement dans les années 1910 avec l'arrivée de jeunes écrivains comme Viktor Dyk, qui présidera pendant de longues années la section des lettres. A cette même période voit le jour la première revue indépendante – Lumír. Grâce aux jeunes écrivains et peintres, un nouveau souffle est introduit dans les activités d’Umělecká beseda. Celle-ci connaît un véritable boom dans l'entre-deux-guerres. En 1926, de nouveaux locaux sont acquis non loin de Kampa, dans le quartier de Malá Strana, avec une salle de concert et de théâtre. Dans son siège, Umělecká beseda organise des expositions et toutes sortes de manifestations culturelles, dont les plus réputées sont les salons de thé littéraires et musicaux.
Le compositeur de jazz, Jaroslav Ježek en est un invité fréquent. Les débuts du Théâtre Libéré (Osvobozené divadlo), la scène d'avant-garde des comédiens renommés Jan Werich et Jiří Voskovec, sont également liés à la salle de théâtre d’Umělecká beseda. C'est là aussi que sont données les premières représentations du théâtre Dada de Jiří Frejka, un théâtre renouant avec le dadaïsme qui connaît une diffusion internationale pendant la Première Guerre mondiale, remettant en cause toutes les conventions et contraintes idéologiques, politiques et esthétiques...
Le siège d’Umělecká beseda héberge, depuis 1871 déjà, la plus grande maison d'édition musicale, Hudební Matice. Il est aussi le siège de la revue musicale Tempo et de la revue Život (La Vie), publiée jusqu'en 1949.
La liberté de création caractéristique de l’association est mise en sourdine pendant l'occupation nazie et conséquemment sous le régime communiste. Entre 1945 et 1947, courte période de liberté relative, Umělecká beseda essaie de renouer avec ses activités d'avant-guerre. Dans les locaux du palais Žofín nouvellement acquis sur l'île praguoise éponyme, elle organise des expositions internationales, tout en continuant à faire paraître les revues Život, Tempo, ainsi que la nouvelle revue littéraire Doba (Le Temps) et les Lettres pour l'art et la philosophie.Un changement radical se produit après 1951, avec la publication d'une loi interdisant les activités de l'ensemble des associations dans le pays. Cela n'empêche pas Umělecká beseda de continue à lutter pour sa survie : en 1963, elle réussit encore à déjouer une tentative visant sa liquidation. Le début de la période dite de Normalisation marque toutefois sa fin. En 1972, l'association est dissoute. Comme le résume Lukáš Matoušek, les péripéties qui ont forgé l'image de l’histoire du pays se reflètent dans les destinées d’Umělecká beseda :
« Les activités d’Umělecká beseda ont continué jusqu'au début de la Deuxième Guerre mondiale. Après 1945, elles ont été renouvelées, mais pas pour longtemps. Interdite de nouveau dans les années 1950, Umělecká beseda renaît de ses cendres en 1968, quand le processus de renouveau permet une brève réapparition de l’association. Mais, en 1972, ses activités sont définitivement supprimées par l'arbitraire communiste. La tradition a été reprise après la Révolution de velours, en 1990. » Le 29 décembre 1990, Umělecká beseda est officiellement enregistrée, suite à une assemblée générale constituante. Tout au long de l'année 2013, elle fête le 150e anniversaire de sa fondation en proposant concerts, soirées littéraires et portraits de ses membres, aujourd'hui au nombre de 245. Selon son président, les tâches d’Umělecká beseda aujourd'hui ne diffèrent guère de celles stipulées il y a 150 ans : cultiver l'ambiance culturelle et maintenir la culture à un niveau européen. Si en 1863, il s'agissait en premier lieu de la défense de la langue tchèque face à l'élément germanique, en ce début du XXIe siècle il s'agit de veiller à l'indépendance de l'expression.Plus d'informations sur la plus ancienne association artistique en République tchèque sur : www.umeleckabeseda.cz