25 ans depuis le départ des derniers occupants soviétiques

Le départ de l'Armée Rouge

Un quart de siècle s’est écoulé, ce mardi 21 juin, depuis le départ du dernier convoi ferroviaire des soldats soviétiques de la République fédérale tchèque et slovaque. Des troupes militaires de l’URSS séjournaient dans le pays depuis plus de vingt ans et l’invasion de la Tchécoslovaquie par les armées de cinq pays du Pacte de Varsovie en 1968. Après la Révolution de velours et la chute du régime communiste en 1989, leur départ était l’une des priorités pour le nouvel Etat démocratique.

Le départ des troupes soviétiques | Photo: ČT24
En 1967 et 1968, le régime communiste en Tchécoslovaquie commence petit à petit à se démocratiser. Ce processus de réformes, plus connu sous le nom de « Printemps de Prague », irrite l’Union soviétique, qui craint de perdre son influence sur ce petit pays situé au centre d’Europe, et lance donc « l’opération stratégique et militaire Danube ». Le 21 août 1968, les armées de cinq pays du Pacte de Varsovie, totalisant jusqu’à 500 000 soldats et 6300 chars, envahissent le pays pour empêcher, disent-ils, la tentative d’un coup d’Etat qui serait préparé par l’opposition tchécoslovaque avec le soutien de l’OTAN et des puissances occidentales, qui aurait eu pour objectif de liquider le système socialiste. Les troupes soviétiques resteront ensuite dans le pays jusqu’à la chute du communisme en 1989.

Le départ de l'Armée Rouge,  photo: ČT
Après la Révolution de velours, le départ de l’Armée Rouge devient très vite la priorité numéro un des autorités tchécoslovaques. Avec Václav Havel à la présidence, le gouvernement demande une expulsion rapide des soldats vers leur pays d’origine. Les discussions avec Moscou sont toutefois problématiques. Les Soviétiques établissent un plan de départ de leurs troupes qui s’étalerait sur cinq ans, mais les politiciens tchécoslovaques leur demandent d’accélérer le processus et de se retirer dans un délai d’un an. Le ministre des Affaires étrangères du nouveau régime, Jiří Dienstbier, décédé en 2011, se souvenait à la Radio tchèque, il y a quelques années de cela, de la rencontre avec son homologue soviétique de l’époque, Edouard Chevardnadze :

« A Moscou, j’ai dit à Edouard Chevardnadze qu’il fallait discuter du départ de l’armée soviétique. Il comprenait mais les autres fonctionnaires présents ont paru surpris qu’un représentent d’un Etat satellite ose parler de cette manière. J’ai compris petit à petit qu’ils ne savaient pas quoi faire avec ces soldats. Mais finalement, nous avons trouvé un compromis qui nous a permis de préparer l’accord. »

Le départ de l'Armée Rouge,  photo: ČT24
Enfin, en février 1990, après plusieurs mois de négociations, Václav Havel signe avec son homologue Mikhaïl Gorbatchev à Moscou, un « Accord sur le départ de l’armée soviétique ». L’expulsion des soldats est désormais supervisée par une commission parlementaire, dirigée par le ministre en charge des Droits de l’homme de l’époque et célèbre musicien tchèque, Michael Kocáb. Il se souvient avoir géré non seulement de graves problèmes mais également quelques situations plutôt amusantes :

Michael Kocáb,  photo: Archives de Radio Prague
« Pendant l’expulsion, on nous a demandé de dire adieux aux soldats soviétiques et de leur donner des paquets cadeaux avec des oranges. Nous avons donc discuté avec la commission s’il était possible, après tout ce qui s’était passsé, de les récompenser avec des oranges pour les vingt ans d’occupation. J’étais contre cette idée. »

Le 21 juin 1991, le dernier convoi de soldats soviétique quitte ainsi le territoire de la Tchécoslovaquie. Selon le centre d’informations du gouvernement tchèque, plus de 73 000 soldats et près de 40 000 membres de leurs familles ont au total quitté le pays. L’Armée Rouge a emporté avec elle également 1200 chars et une centaine d’avions. Aleš Kubeš, historien originaire de Milovice, une ville située en Bohême centrale qui servait de base militaire pour les troupes du Pacte de Varsovie, suivait la situation de très près :

Le départ de l'Armée Rouge
« Ils partaient à contrecœur. Même si la Tchécoslovaquie n’était pas un pays de cocagne, ils y disposaient ce qu’ils n’allaient pas avoir à la maison. Lors des derniers jours de leur départ, cette évacuation ressemblait plutôt à une fuite du front. Ils ont entassé tous leurs biens sur des wagons. Jusque-là, ils n’avaient pas pensé qu’ils devraient un jour partir. J’ai même trouvé des casseroles pleines de nourriture dans une de leurs cuisines. »

Selon les auteurs de l’ouvrage « Le Livre noir de l’occupation soviétique », les historiens Prokop Tomek et Ivo Pejčoch, la présence des soldats soviétiques dans le pays, qui s’est étalé sur presque 23 ans, a fait plus de 400 victimes. L’occupation a engendré également une importante fuite des cerveaux, avec le départ, d’après les données des archives de l’Académie tchèque des Sciences, d’au moins un intellectuel tchécoslovaque sur dix. Au total, plus de 100 000 personnes auraient pris la route de l’exil après l’invasion des troupes soviétiques.