Presse : le départ du président Miloš Zeman ou le début d’une nouvelle ère
Cette nouvelle revue de presse reviendra d’abord sur la trajectoire politique du président sortant Miloš Zeman. Deux autres sujets traités : la position des Tchèques vis-à-vis de la propriété privée et la cherté des denrées alimentaires. Au menu également le rappel de plusieurs importants anniversaires liés au mois de février et une note culturelle.
Dernière figure portée sur le devant de la scène par la révolution de Velours de novembre 1989, Miloš Zeman quitte la politique. C’est ce qu’indique le site echo24.cz en écho à la fin de son deuxième mandat présidentiel. « Son départ clôt symboliquement les transformations compliquées de la société entamées il y a près de 34 ans, tout en ouvrant le début d’une nouvelle ère », indique-t-il avant de rappeler :
« Miloš Zeman tout comme ses prédécesseurs, Václav Havel et Václav Klaus, a considérablement influencé l’orientation de la société tchèque, chacun d’entre eux s’étant inscrit à sa manière dans l’histoire du pays. Havel et Klaus étaient des rivaux, défendant des idées contraires mais clairement définies, sur le fonctionnement de la société, tandis que Zeman était moins ancré idéologiquement. Pragmatique, il n’avait pas la volonté d’imposer une conception de l’organisation de la société ou de se définir exclusivement à droite ou à gauche. Ce qui semble avoir compté le plus pour lui, c’était la volonté de pratiquer son pouvoir politique. »
La trajectoire de Miloš Zeman a connu différentes étapes. A noter notamment, comme le rapporte le site echo24.cz, la reconstitution sous sa houlette du Parti social-démocrate (ČSSD) dont il avait été le leader entre 1993 et 2001 et dont il avait fait à l’époque la plus forte formation politique locale. En outre, il a présidé la Chambre des députés et pendant quatre ans a été chef de gouvernement. « Pourtant, après dix ans à la tête de l’Etat, Miloš Zeman , ne laisse derrière lui aucun legs politique, idéologique ou social » estime encore l’éditorialiste du site avant de conclure :
« Malgré tout, Miloš Zeman reste une personnalité marquante de l’histoire tchèque contemporaine. Pour pouvoir évaluer son rôle à sa juste mesure, il faudra une certaine distance, dépourvue d’émotions que le président sortant lui-même se plaisait tant à provoquer. »
L’éditorialiste du site forum24.cz est plus catégorique :
« La décennie marquée par les deux mandats présidentiels de Miloš Zeman s’inscrira dans l’histoire comme une période pendant laquelle la goujaterie et la haine ont trouvé leur place au Château de Prague. La politique du président sortant s’est notamment caractérisée par des attaques contre les institutions de l’Etat de droit et l’ordre constitutionnel. »
Intouchable, la propriété privée en Tchéquie ?
Le projet gouvernemental d’augmentation de la taxe liée à la propriété et, notamment, aux biens immobiliers, chose courante en Occident, suscite une levée de boucliers en Tchéquie, constate l’éditorialiste de Hospodářské noviny. Il existe selon lui plusieurs raisons pour lesquelles les Tchèques, toutes orientations politiques confondues, sont prêts à monter au créneau sur ce sujet :
« D’abord, le vol et la confiscation des biens privés sous le régime communiste en raison de la nationalisation demeurent ancrés dans la mémoire collective des Tchèques. Il n’est donc guère étonnant qu’après la chute du régime, la propriété privée soit devenue intouchable, d’où aussi le bas niveau des impôts qui y sont liés. Le culte des biens immobiliers privés est ainsi chéri et partagé tant par les gens aisés que par ceux qui le sont moins. »
Autre raison de ce refus déterminé eu égard à l’augmentation des impôts sur la propriété, c’est que quelque 68 % de la population tchèque possèdent un chalet ou une maison de campagne. « Un héritage de l’époque communiste pendant laquelle les gens ont pris l’habitude de se réfugier dans leurs petits royaumes privés », explique l’éditorialiste du quotidien économique. Cette mentalité et cette envie de posséder une « résidence secondaire » ont d’ailleurs survécu jusqu’à nos jours. Le texte indique encore :
« S’y ajoute la méfiance des Tchèques à l’égard de l’Etat. Les gens ne croient pas que les moyens requis seront utilisés comme il faut. Tout gouvernement qui osera relever le défi sera alors confronté à de graves problèmes et mettra à l’épreuve sa stabilité et sa crédibilité. »
La cherté des denrées alimentaires en Tchéquie
Pourquoi certaines choses coûtent plus cher en Tchéquie qu’en Allemagne, en Autriche ou dans d’autres Etats européens ? Comme l’observe l’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt, cette question ressurgit de manière cyclique. Il y a une vingtaine d’années, par exemple, elle a été soulevée en lien avec le coût exorbitant des autoroutes ou les prix élevés des données mobiles ou de l’électronique. Aucune réponse valable à cette question ou aucune explication n’ont jamais été données. La question est redevenue d’une actualité brûlante en lien avec la cherté des denrées alimentaires :
« Selon l’indice de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, les prix des denrées alimentaires dans le monde sont en baisse depuis près de dix mois, voire même plus basses qu’en janvier 2023. Finie donc leur montée en flèche liée à l’invasion russe en Ukraine. La situation en Tchéquie est foncièrement différente car les prix des produits alimentaires y ont augmenté depuis de quelque 30 %. Une tendance qui, très probablement, va se prolonger. »
Pourquoi cette situation ? Les médias, les experts et les politiciens n’arrivent pas à y répondre. Selon l’éditorialiste de Respekt, la faute en revient à l’Office pour la protection du concours économique dont la tâche consiste à recueillir et à évaluer les données pertinentes. « Une tâche dans laquelle il échoue, mais pas plus que les politiciens qui le gèrent », indique-t-il.
Février, un mois marqué par des anniversaires
« Si l’on devait choisir l’événement le plus important survenu lors de la période qui a suivi la chute du régime communiste en novembre 1989, ce serait certainement le départ définitif des troupes soviétiques de l’ancienne Tchécoslovaquie » C’est en tout cas ce qu’estime le commentateur du site Hlídacípes.org :
« A la lumière de la brutalité de la guerre de la Russie en Ukraine, il est bon de se rappeler ce célèbre chapitre l’histoire récente du pays. Entamé le 26 février il y 33 ans par la signature d’un accord sur le retrait complet de l’armée soviétique de notre territoire, l’opération a été définitivement parachevée en juin 1991. Ce n’est qu’à partir de ce moment que le pays est devenu entièrement souverain et libre. »
Le quotidien Deník a pour sa part rappelé deux anniversaires sombres incombant également au mois de février. Celui du coup d’Etat communiste survenu en 1948, qui sera par la célébré comme l’une des plus importantes fêtes. « Une des journées pourtant les plus tragiques de l’histoire moderne du pays », explique l’éditorialiste du journal.
Un autre rappel retenu dans ses pages est consacré à la mort de l’étudiant Jan Zajíc qui s’est immolé par le feu le 25 février 1969 à Prague à la suite de Jan Palach. Un acte ultime par lequel l’un et l’autre entendaient dénoncer la léthargie et la normalisation de la société, survenue après l’occupation du pays par les troupes soviétiques en août 1968.
Un œil critique sur la Berlinale
A l’instar des années précédentes, le cinéma tchèque était absent à la dernière édition du prestigieux Festival international du film de Berlin. Toutefois, l’événement n’est pas passé inaperçu dans les pages culturelles des médias locaux. La chroniqueuse du quotidien Lidové noviny, par exemple, a noté d’un ton critique :
« Cette année, la compétition a été plus faible que précédemment. La distribution des prix à la Berlinale a surpris, car le jury a ignoré les films favorisés par la critique mondiale. On peut aller plus loin encore : cette année, c’est le militantisme social qui l’a emporté sur l’art du cinéma et le professionnalisme. La question est de savoir si le sacre de films faibles mais ‘justes’ va les aider, car le public n’ira pas se précipiter pour aller les voir. On peut s’attendre à ce que les grands chefs de production et les réalisateurs veuillent désormais préférer se présenter à Cannes, comme par le passé. »
Certes, il y a lieu de saluer que la Berlinale se soit mise du côté des faibles. Mais, comme l’ajoute la chroniqueuse, « ce combat pour les droits des minorités doit tenir compte de ce que nous sommes tous en premier lieu des êtres humains. »